Faits saillants
Le massacre d’Orlando
Le 12 juin, en Floride, la ville d’Orlando est le théâtre d’une tuerie de masse qui coûte la vie à quarante-neuf victimes. Cible de ce massacre : la communauté homosexuelle (les faits se sont produits dans la boîte de nuit LGBT). L’auteur : un Américain d’origine afghane se revendiquant de Daech.
L’émotion qui frappe le pays est énorme, d’autant plus que le bilan humain de ce massacre est le plus lourd de l’histoire des États-Unis en temps de paix. Aussitôt ressurgit la controverse toujours vive de la législation des armes à feu, Hillary Clinton s’en prenant vivement à la majorité républicaine au Congrès qui continue de bloquer l’adoption de mesures limitant la vente de telles armes à des individus placés sur une liste de surveillance antiterroriste ou interdits de vol.
De son côté, Donald Trump se fait remarquer par ses propos en matière d’une « Amérique forteresse », réitérant entre autres sa volonté de mettre en place une surveillance des mosquées et de suspendre l’immigration en provenance de pays ayant un passé lié au terrorisme. Il s’en prend aussi à Barack Obama à qui il reproche de ne pas employer l’expression « islam radical » pour nommer le mal qui a frappé à Orlando, avant de formuler à nouveau des sous-entendus comme quoi l’actuel président serait secrètement musulman. Concernant les armes à feu, il exprime d’abord son regret que les victimes de la boîte de nuit n’aient pas été armées pour pouvoir se défendre, puis s’en prend à Clinton qu’il accuse de vouloir retirer aux Américains le droit de porter une arme.
Ces sorties sont mal reçues y compris au sein du GOP et le milliardaire doit effectuer plusieurs rétropédalages dans les jours qui suivent, d’abord en déclarant vouloir discuter avec la NRA de la possibilité de restreindre ce droit sous certaines conditions (ce qui lui vaudra en retour un « Bienvenue au club [des partisans d’un contrôle des armes] » railleur de la part de Clinton), puis en renonçant à vouloir interdire l’immigration aux musulmans.
Immigration clandestine
Le projet de régularisation massive de quatre à cinq millions d’immigrants clandestins porté par Barack Obama est au point mort après que les huit juges de la Cour suprême ne sont pas parvenus à trancher à son sujet (quatre ont voté pour, quatre contre, un départage étant pour l’heure impossible suite au décès en janvier du juge Scalia, dont la procédure de remplacement est toujours en cours).
C’est un échec pour le président qui avait fait de ce projet un élément-phare de la fin de son mandat et voit s’envoler l’espoir de le concrétiser avant la fin de sa mandature. Les républicains se sont en revanche félicités qu’une des décisions « les plus inconstitutionnelles » prises par un président ait été retoquée.
Avortement
Le 27 juin, la Cour suprême a réaffirmé le droit des femmes à avorter. Sa décision fait suite à une loi texane de 2013 qui imposait des conditions sanitaires et hospitalières tellement drastiques pour pratiquer l’avortement qu’elle rendait quasi impossible l’exercice de cet acte pour un grand nombre de centre d’IVG de cet État. Hillary Clinton s’est aussitôt réjouie de ce verdict, tout en rappelant que la lutte pour la protection des femmes était loin d’être terminée.
Violences policières, « Black Lives Matter » et meurtres de représentants de la loi
La mort de deux noirs (le premier à Bâton-Rouge en Louisiane le 5 juillet, le second le lendemain dans le Minnesota) suite à des interventions policières controversées a relancé la polémique des violences envers les afro-américains. La tension monte alors de plusieurs crans dans diverses villes sensibles, et plusieurs manifestations de protestation sont organisées. En marge de l’une d’elles, à Dallas, le 7 juillet, cinq policiers sont abattus par un militant noir qui aurait déclaré vouloir « tuer des policiers blancs ». Dix jours plus tard, trois autres policiers meurent à Bâton-Rouge lors d’une fusillade perpétrée par un homme identifié comme partisan du séparatisme noir. La question des relations interraciales demeure plus que jamais vive et susceptible de dégénérer.
Chez les républicains
Une unité plus que jamais fracturée
Les dissensions au sein du GOP demeurent loin d’être résorbées. Ainsi plusieurs élus ont-ils exprimé leur malaise (Lindsey Graham, Bob Corker) ou refusé de réagir (le sénateur du Texas John Cornyn, le chef de la majorité au Sénat Mitch McConnell) au discours de Trump ayant suivi la tuerie d’Orlando (cf. supra). De son côté, Mitt Romney (le candidat du parti à la présidentielle 2012) a déclaré qu’il ne voterait ni pour Trump, ni pour Clinton, tandis que Richard Armitage et Brent Scowcroft (deux anciens membres des administrations Bush père et fils) ont apporté leur soutien à la candidate démocrate. Dernières sorties marquantes à noter : d’abord Henry Paulson (secrétaire d’État au trésor de W. Bush et ancien dirigeant de Goldman Sachs), qui dans une tribune au Washington Post déclare : « It’s time to put country before party and say it together : Never Trump » ; et ensuite George Will, un éditorialiste conservateur de renom, qui vient de quitter le GOP et appelle à faire perdre Trump.
Au milieu de ces divisions, Paul Ryan, le chef des républicains à la Chambre des représentants continue vaille que vaille, avec professionnalisme mais sans enthousiasme, d’arrondir (ou du moins d’essayer) les angles entre Trump et ses opposants internes, non sans se démarquer régulièrement des propos tenus par le futur candidat républicain.
Trump et son équipe
Les remaniements se poursuivent dans la garde rapprochée de Trump et c’est un poids lourd qui en fait les frais : Corey Lewandowski, son directeur de campagne depuis le premier jour. Lewandowski (que CNN embauche dans la foulée en tant que commentateur politique) était partisan d’une ligne décomplexée, avec un Trump conservant son franc-parler et le style qui a fait son succès depuis son entrée en lice, à la différence de ceux parmi son entourage qui souhaitent le voir se présidentialiser. Ces derniers ont obtenu gain de cause, bien aidés il est vrai par la mauvaise passe sondagière qui frappe le candidat et ses difficultés à lever des fonds, maintenant que sa fortune personnelle ne suffit plus à supporter les sommes énormes requises pour financer la campagne. Un rapport de la commission électorale fédérale fin de juin révèle en effet que Trump ne dispose plus que d’1,3 millions de dollars sur ses comptes de campagne contre $41m pour Clinton, laquelle dispose d’une équipe de 700 personnes contre dix fois moins pour le milliardaire, celui avançant l’argument de sa notoriété pour justifier sa stratégie de moindre dépense comparé à sa rivale.
Quelques jours avant la convention de Cleveland, Trump dévoile le nom de son colistier : ce sera Mike Pence (photo), le gouverneur de l’Indiana, que le milliardaire a préféré à Chris Christie (gouverneur du New Jersey et candidat malheureux à la primaire) et Newt Gingrich (ex-speaker à la Chambre des représentants et candidat malheureux à la primaire 2012). L’homme qui sera vice-président des États-Unis en cas de victoire de Trump est farouchement opposé à l’avortement et au mariage gay, et proche du mouvement Tea Party, bref un conservateur bon teint, voire hardcore, qui va donner des gages aux orthodoxes du parti mais est peu susceptible d’améliorer la cote de Trump auprès des femmes et des latinos.
Les controverses
Outre celles déjà mentionnée, d’autres controverses concernant le magnat de l’immobilier ont émaillé ces dernières semaines, parmi lesquelles :
- Une apologie de Saddam Hussein, certes qualifié par Trump de « really bad guy », mais aussi de très bon tueur de terroristes (« He killed terrorists, he did that good. They didn’t read them the rights. They didn’t talk. They were terrorists. It was over »). Ces commentaires élogieux sur les manières d’agir d’un dictateur qui massacra une partie de son peuple ont été pour le moins fraîchement accueillis.
- Une accusation d’antisémitisme suite au tweet d’un photomontage figurant Hillary Clinton devant un tas de billets de banque, le tout barré d’une étoile de David rouge où est inscrit « La candidate la plus corrompue qui ait jamais existé ». Quelques heures après que les premières voix indignées se soient élevées, l’étoile était remplacée par un rond, Trump dénonçant quant à lui une interprétation malhonnête et recevant le soutien de son gendre Jared Kushner, petit-fils de survivants de la Shoah.
- Une prise de bec avec la doyenne des juges de la Cour suprême, Ruth Bader Ginsburg. Dans une interview sur CNN, celle-ci avait traité le milliardaire de « faussaire » et l’avait accusé de ne pas avoir de cohérence et de dire tout ce qui lui passait par la tête au moment même. Ulcéré, Trump a réagi en s’interrogeant sur les capacités mentales de l’octogénaire (Ruth Bader Ginsburg a 83 ans) et en appelant à sa démission. De leurs côtés, plusieurs observateurs (dont le New York Times, le Washington Post) ont critiqué la sortie de la juge, estimant qu’un juge de la Cour suprême n’avait pas à intervenir de la sorte. La principale intéressée est revenue sur ses propos un peu plus tard, en disant les regretter.
Chez les démocrates
Sanders se rallie à Clinton
Il aura mis le temps, mais c’est fait : le 12 juillet, lors d’un meeting commun dans le New Hampshire, Sanders a acté son ralliement à Clinton.
S’il avait clairement affirmé dès la fin des primaires vouloir barrer la route de la Maison Blanche à Trump, il entendait également rester officiellement en campagne et ne pas reconnaître trop vite la victoire de sa rivale, l’objectif de pouvoir négocier au mieux l’incorporation de certaines de ses idées dans le programme de la future candidate démocrate. Ainsi a-t-il notamment obtenu gain de cause sur la gratuité de l’enseignement supérieur pour les familles dont le revenu est inférieur à un certain montant annuel. Autre succès important pour Sanders : l’instauration d’un salaire minimum de $15/heure au lieu des $12/heure initialement préconisé par Clinton (le salaire horaire minimum actuel est de $7.25). Ces accords (et d’autres) ont été actés lors d’une rencontre entre les deux équipes de campagne en Floride quelques semaines avant la convention démocrate qui se tiendra à Philadelphie fin juillet.
Sanders formula également plusieurs demandes concernant le fonctionnement du parti et l’organisation des primaires, réclamant notamment la suppression des super-délégués et l’ouverture des primaires aux électeurs indépendants. Le cas de la présidente du DNC (le comité national démocrate) Debbie Wasserman Schultz a également été évoqué et la question de son maintien en place débattue, Sanders lui reprochant une grande partialité en faveur de Clinton lors des primaires. Obtiendra-t-il gain de cause sur ces points ? La question demeure, tout comme demeure la question de l’attitude de ses électeurs. Si la majorité devrait suivre le mouvement, diverses études opinions indiquent que la méfiance d’une minorité substantielle des partisans de Sanders reste terriblement méfiante à l’égard de Clinton. D’une certaine manière, c’est peut-être Donald Trump qui a le mieux résumé la situation en tweetant : « Bernie Sanders endorsing Crooked Hillary Clinton is like Occupy Wall Street endorsing Goldman Sachs » (« Bernie Sanders adoubant Hillary la malhonnête, c’est comme si Occupy Wall Street adoubait Goldman Sachs »).
Benghazi
La commission d’enquête de la Chambre des représentants a présenté le 28 juin les conclusions de ses travaux sur les attentats de Benghazi. Plusieurs manquements et erreurs de l’administration Obama ont été pointés dans le rapport, le principal étant d’avoir trop tardé à envoyer des renforts pour venir en aide aux fonctionnaires américains sous le feu des terroristes. Le rapport revient également sur le reproche de double discours tenu par Obama et Clinton, accusés d’avoir, pour des raisons électorales (la campagne pour l’élection 2012 battait alors son plein), affirmé que l’attaque était liée à un mouvement populaire spontané alors qu’ils savaient qu’elle était l’œuvre de terroristes qui l’avait dûment planifiée.
L’essentiel de ces reproches étant connu depuis plusieurs mois, leur officialisation n’a pas suscité de remous immédiats. Hillary Clinton a refusé de les commenter et appelé à passer à autre chose. Reste l’affaire des emails, débusquée par cette même commission et qui fait l’objet d’une enquête séparée.
L’affaire des emails
L’affaire a commencé par rebondir négativement pour Clinton, avec, fin juin, le tollé qui a suivi une conversation d’une demi-heure entre son mari Bill et Loretta Lynch, l’attorney général des États-Unis (équivalent du ministre de la Justice). La rencontre, qui a eu lieu à l’aéroport de Phoenix, était apparemment fortuite et la discussion qui s’en est suivie n’aurait porté que sur des sujets anodins, mais elle fait mauvais genre et avive un sentiment de collusion et de non-respect de l’indépendance de la justice alors qu’Hillary Clinton est sous le coup d’une enquête criminelle du fait de ses emails.
La suite des événements a toutefois été meilleure pour la candidate démocrate. En effet, après avoir été auditionnée le 2 juillet à huis clos pendant trois heures par le FBI sur ce sujet, elle a eu le bonheur d’apprendre trois jours plus tard que ce même FBI recommandait qu’aucune poursuite ne soit entamée à son encontre, aucune intention de violer la loi n’ayant été démontrée, le seul reproche à formuler étant d’avoir été « extrêmement » négligente. Le directeur de l’agence qui a effectué cette déclaration a également tenu à préciser qu’aucune intervention de l’attorney général Loretta Lynch n’avait eu lieu dans cette affaire. Celle-ci s’était par ailleurs engagée à l’avance à respecter les recommandations du FBI quelles qu’elles soient, ce qui, vu ce qu’elles sont, signifient la fin de toute enquête judiciaire à l’encontre de Clinton, à la fureur des républicains qui hurlent à la connivence et au traitement de faveur.
Autres
- La primaire achevée, les poids lourds du parti peuvent afficher ouvertement leur soutien à Clinton, laquelle vient ces dernières semaines de tenir des meetings communs avec Elizabeth Warren (à Cincinnati), puis Barack Obama (à Charlotte). Un meeting conjoint était également prévu avec Joe Biden en Pennsylvanie, mais celui-ci a été annulé en dernière minute en raison de la fusillade à Dallas.
- Qui comme colistier pour Hillary ? Quatre noms circulent pour l’instant : la sénatrice du Massachusetts Elizabeth Warren (qui représente l’aile gauche du parti, proche des idées de Sanders) ; le sénateur de Virginie Tim Kaine (plutôt tendance centriste) ; l’ex-maire de San Antonio et actuel Secrétaire d’État au logement Julian Castro (hispanique et jeune, la quarantaine) ; et enfin le Secrétaire d’État au Travail Tom Perez (hispanique également, un peu plus expérimenté).
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