Branle-bas de combat à Cleveland pour le raout qui va officialiser la nomination de Donald Trump. La tension est grande et la ville quadrillée par la police. En cause : la crainte de débordements liés aux événements survenus ces dernières semaines à Dallas et Bâton-Rouge (décès d’Afro-Américains suite à des interventions policières « musclées », meurtres en représailles de représentants des forces de l’ordre).
Si quelques échauffourées mineures auront effectivement lieu en marge de l’événement, c’est bel et bien au sein même de la convention que se déroulent les troubles les plus notables. A la baguette, non pas des militants de la cause noire, mais … les anti-Trump du parti républicain, ceux-ci exigeant que les délégués soient libérés de l’obligation de voter selon le résultat des primaires de leurs États, mais puisse le faire « selon leur conscience ». Pour appuyer cette demande est exhibée une pétition signée par une majorité de délégués de dix États. S’ensuit une période de confusion au cours de laquelle les partisans de Trump s’attellent à convaincre une partie des contestataires de retirer leur signature de ladite pétition. Finalement, après un moment de flottement, Steve Womack, le président de la convention, clôt la question en déclarant que n’est pas atteint le nombre d’États signataires requis pour procéder à un vote modifiant le règlement. Huées des anti-Trump. Ceux-ci expliqueront par après ne pas avoir agi dans le but de nuire au milliardaire mais bien pour pouvoir changer la manière dont la nomination républicaine s’effectuera à l’avenir. Certains observateurs y voient la patte de Ted Cruz dans l’optique de 2020. Son conseiller Ken Cuccinelli aurait en effet déclaré que la protestation visait à inciter les États à « fermer » leurs primaires, pour empêcher un candidat au conservatisme discutable (comme Trump) de bénéficier du vote d’électeurs indépendants (la plupart des succès de Cruz ont été obtenus dans des primaires fermées).
Deux jours plus tard, c’est Cruz lui-même qui entre en action. S’il commence son discours en félicitant Trump pour sa nomination, il ne prononcera plus son nom par la suite. Il déclarera en revanche vouloir que les principes défendus par le parti l’emportent en novembre et appellera les électeurs à « se lever et parler et voter selon [leur] conscience, et à voter pour les candidats en qui [vous avez] confiance pour défendre [notre] liberté et être fidèle à la Constitution », s’attirant aussitôt une bordée de sifflets et les exhortations de la foule pour qu’il prononce le nom du candidat investi. Persifleur, le sénateur du Texas déclare « apprécier l’enthousiasme de la délégation new-yorkaise » et, impassible, achève son discours.
Cleveland a également été le théâtre d’absences, telles celles de la famille Bush, de Mitt Romney, de John McCain et de plusieurs membres du Congrès. De leur côté, Scott Walker et Marco Rubio se sont contentés du strict minimum pour officialiser leur soutien à Trump, tandis que John Kasich, le « régional de l’étape », s’est refusé à toute intervention officielle. Dans un autre registre, notable a également été le manque de personnalités célèbres qui égayent traditionnellement ce genre d’événement. Bref, pour un parti donnant une image d’unité et dont le candidat fait l’unanimité, il faudra repasser.
Il serait toutefois erroné de croire que la fracture du GOP est totale. Les responsables en charge de la convention ont soutenu Trump contre les contestataires, et une bonne partie de l’establishment semble s’être rangée à l’idée qu’il sera le visage du parti à la présidentielle et qu’il convient de le soutenir pour éviter que Clinton ne devienne présidente. A son propos, tous sont d’accord : « Lock her up ! » (« En prison ! »), une incantation reprise à l’unisson par la foule lors du discours de Chris Christie, un discours également marqué par les « Guilty ! » (« Coupable ! ») sanctionnant chacun des chefs d’accusations (sur ses emails, sur Benghazi …) qu’égrena l’ex-attorney du New Jersey à l’encontre de la démocrate.
Le déroulé de la convention
Le thème de l’évènement était « Make America Great Again », décliné de manière différente à chaque journée. Ainsi la première fut-elle consacrée à la sécurité (« Make America Safe Again ») et vit notamment intervenir la mère d’un agent de renseignements tué lors de l’attaque de Benghazi, celle d’un soldat mort en Afghanistan, des parents d’enfants tués par des immigrants illégaux, le frère et la sœur d’un agent de la sécurité des frontières assassiné, etc. Rudolph Giuliani parla également, mais le clou fut l’intervention de Melania Trump (photo), dont il apparut vite que le discours reprenait de nombreux passages de celui prononcé par Michelle Obama à la convention démocrate de 2008. Les moqueries ne tardèrent pas à fuser et la personne en charge de rédiger le speech dut s’excuser pour le malentendu.
La deuxième journée fut consacrée à l’emploi (« Make America Work Again », avec, parmi les orateurs, Paul Ryan, Chris Christie, Ben Carson et deux des enfants de Trump, Tiffany et Donald Trump Jr.), tandis que la troisième (« Make America First Again ») vit entre autres passer Scott Walker, Marco Rubio et Newt Gingrich, lequel, passant juste après Ted Cruz, tenta vaille que vaille d’expliquer que le discours du sénateur du Texas était en faveur de Trump. Le défilé des enfants du milliardaire se poursuivit aussi, avec cette fois son fils Eric. Enfin, Mike Pence, choisi par Trump pour être son vice-président, termina la soirée. Quant à la dernière journée, elle fut consacrée à l’unité (« Make America One Again »). Parmi les intervenants : Reince Priebus, Peter Thiel (le co-fondateur de PayPal) et Ivanka Trump (photo), dont la prestation fit bonne impression et qui parla juste avant la montée sur scène de son père.
Le discours de Trump
Il a été dans la continuité de sa campagne des primaires, dépeignant une Amérique sinistrée, dont le monde entier profite, une Amérique engluée dans la bien-pensance, et corrompue par une élite économique, politique et médiatique qui refuse le changement.
Après avoir (« humblement et avec gratitude ») accepté la nomination du parti, le milliardaire annonce ses leitmotivs : ramener la sécurité, la prospérité et la paix, ajoutant dans la foulée ce qui semble être sa nouvelle expression-fétiche : « être un pays de loi et d’ordre » (« law and order »). Déclarant que le pays ne peut plus se permettre d’être politiquement correct, il décrit une Amérique dans un état catastrophique, submergée par le crime et la déroute économique, avant de dresser un bilan dramatique de l’action de Clinton en matière de politique étrangère lorsqu’elle était Secrétaire d’État. Il dénonce aussi les nations qui ne respectent pas les États-Unis, avertit les pays qui comptent sur la protection des USA qu’ils devront davantage mettre la main à la poche, et tient des mots durs à l’égard de la Chine qui pratique le vol de propriété intellectuelle, le dumping intensif des prix et la manipulation de monnaie. Il s’en prend aussi grandes entreprises, médias et donateurs majeurs qui soutiennent son adversaire (« une marionnette ») parce qu’ils savent qu’elle maintiendra le système truqué actuel en place. Sur ce dernier point, il évoque les coups bas encaissés par Sanders pendant la campagne, un Sanders qui, estime-t-il, n’avait aucune chance de gagner (sous-entendu : tant les dés étaient pipés) et dont il exhorte ses supporters à le rejoindre.
Ses solutions ? « America first », « Americanism, not globalism » et « Law and Order ». Lui est l’homme du changement, il libérera les citoyens du crime et du terrorisme, mettra un terme à la violence et aux attaques contre la police, renégociera les accords commerciaux qui pénalisent les travailleurs américains, sera la voix des oubliés, et élèvera un mur qui stoppera l’immigration illégale, cause d’insécurité et de bas salaires, destructrice d’emplois américains et au coût exorbitant pour les finances publiques. Il diminuera aussi la fiscalité, mettra un terme à la régulation excessive et facilitera la production d’énergie nationale. Grâce à ces mesures, le pays s’enrichira, la qualité de vie s’améliorera et les infrastructures bénéficieront d’investissements massifs. Niveau social, il abrogera l’Obamacare et défendra le Deuxième Amendement (droit au port d’armes) mais aussi les LGTBQ, viendra en aide aux étudiants endettés (applaudissements timides dans la salle) et remettra sur pied une armée fragilisée (ovation du public).
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