1. Introduction (15 septembre 2015)
2. Son avant-primaires (du 1er août 2015 au au 31 janvier 2016)
3. Ses primaires (du 1er février au au 31 juillet 2016)
4. Ses prestations lors des débats
1. Introduction (15 septembre 2015)
Né à Detroit (Michigan) en 1951 (64 ans en 2015), Ben Carson a derrière lui une carrière de neurochirurgien fameuse, marquée entre autres par la première séparation réussie de jumeaux siamois par la tête.
Son parcours (qui inspira le téléfilm Gifted Hands en 2009) est marqué par une enfance difficile à Détroit, suivi d’une plongée dans la Bible et des études qui le menèrent à Yale, puis au réputé Johns Hopkins Hospital. Décoré de la plus haute distinction civile américaine en 2008 par George W. Bush, il est membre de l’Église adventiste du Septième jour et très introduit dans les milieux religieux évangélistes.
Il doit sa soudaine notoriété politique à un discours largement relayé qu’il tint en 2013 au National Prayer Breakfast en présence du président Barack Obama et dans lequel il critiqua le politiquement correct et exposa ses points de vue en matière de santé et fiscalité.
2. Son avant-primaires
Carson se déclare candidat à l’investiture républicaine en mai 2015. Alors que ses intentions de vote fluctuent d’abord entre 5% et 10%, elles connaissent fin août une brusque accélération qui le porte à 25% à la mi-novembre, à un cheveu de Donald Trump et loin devant la masse des autres concurrents. Chez les observateurs, l’incrédulité est totale : comment cet autre complet néophyte peut-il lui aussi devancer de la sorte les candidats traditionnels du parti ? Car si, à la différence de Trump, Carson n’est que calme, douceur et exquise urbanité, comme Trump, il n’a jamais exercé le moindre mandat électif public, tient un discours populiste, et défend un programme qui laisse pour le moins perplexes spécialistes et éditorialistes. A eux deux c’est 50% des intentions de vote des électeurs républicains qu’ils rassemblent autour de leurs personnes.
Les attentats de Paris et San Bernardino vont cependant changer la donne. Restée jusque-là au second plan, la question du rôle de commandant-en-chef que doit tenir le président en cas de guerre ou d’attaque terroriste majeure devient brûlante. Et sur ce terrain, le calme et poli (et inexpérimenté) Carson ne fait pas le poids face au belliqueux et très martial Ted Cruz. Celui-ci chassant en partie sur les mêmes terres électorales que le neurochirurgien (à savoir la communauté évangéliste), une bascule dans les sondages ne tarde pas à apparaître. Pour Carson, c’est le début de la fin. Ses sondages s’effondrent et sa campagne est rapidement marginalisée.
3. Ses primaires
Au jour du premier scrutin en Iowa, les résultats confirment la tendance : Carson n’y récolte que 9% des voix (en partie aussi à cause d’un coup bas de Cruz). New Hampshire, Caroline du Sud et Nevada : le verdict y est partout le même, Carson est incapable de rivaliser avec Donald Trump, Ted Cruz ou même Marco Rubio. Il jette finalement l’éponge au lendemain du Super Tuesday et annonce quelques jours plus tard son ralliement à Donald Trump.
4. Le résumé de ses débats
1er débat (août 2015, Cleveland, Ohio) : comme quasi tous les autres candidats, Ben Carson a dû se contenter d’un rôle de faire-valoir par rapport à Donald Trump, la seule et unique attraction de la soirée.
Interrogé sur sa méconnaissance de certains sujets (les partis politiques en Israël, l’OTAN dans les pays Baltes …), Carson répond que le plus important est d’avoir un cerveau et de savoir s’en servir. A la question de savoir s’il est favorable à la réautorisation du waterboarding, il regrette d’abord ne pas avoir assez de temps de parole, puis déclare qu’il ne faut pas être politiquement correct ni crier tout au haut ce que l’on veut faire. Calme et pondéré, il est dans l’ensemble apparu assez discret.
Le résumé complet du 1er débat républicain
2e débat (septembre, Bibliothèque Ronald Reagan, Californie) : la gagnante de la soirée est Carly Fiorina. Invitée au débat prime-time après sa prestation remarquée lors de celui des seconds couteaux à Cleveland il y a un mois, l’ex-dirigeante d’HP est sortie du lot grâce à ses qualités oratoires, ses réponses argumentées et sa façon de gérer les escarmouches qui l’ont opposées à Donald Trump.
De son côté, Carson déclare vouloir apporter du leadership à l’Amérique mais ce n’est pas une qualité qui transparaît de ses interventions. Il promeut l’unité et se positionne comme un sage logique, responsable et non-guidé par d’intérêts autres que ceux du peuple. Posé et réfléchi, on ne peut toutefois pas dire qu’il envoie du rêve, ni qu’il enthousiasme. Ennuyeux en fait. Peu probable qu’il soit vraiment en mesure de gagner la primaire.
Partisan d’un taux fiscal unique (comme beaucoup de candidats), il est aussi en faveur d’un relèvement du salaire minimum (ce qui est plus rare), notamment pour les jeunes et parla de donner la possibilité aux fermiers d’engager de la main-d’œuvre immigrée pour six mois afin de pourvoir à des travaux agricoles que les Américains ne veulent pas effectuer.
Concernant Trump, il qualifia de « socialiste » sa proposition d’accroître la progressivité de l’impôt, mais ne le désavoua pas fermement sur son point de vue concernant la vaccination (qui augmenterait les risques d’autisme) et se contenta de déclarer qu’il conviendrait sans doute de les espacer davantage.
Le résumé complet du 2e débat républicain
3e débat (octobre, Boulder, Colorado) : alors que Carson talonne désormais Donald Trump dans les sondages et que les autres prétendants à l’investiture pointent sous les 10% d’intentions de vote, le débat est marqué par la fronde commune des candidats les journalistes de CNBC qui animaient le débat, une fronde à laquelle Carson assiste mais ne se mêle peu.
En général, Carson est resté fidèle à sa ligne de conduite posée, calme et « candidat par devoir envers les gens qui le lui demandent ». Mis sur le gril pas moins de cinq fois au cours de la soirée, il a été mis en difficulté sur le réalisme budgétaire de son projet fiscal. Il se défendit en affirmant qu’il n’avait jamais parlé d’un taux de 10% pour sa « flat tax » (il prône plutôt 15%), puis se perdit dans une justification chiffrée peu convaincante. Il parla également de diminuer drastiquement les 645 agences fédérales en vigueur et de réduire les niches fiscales.
Les autres sujets sur lesquels il fut interrogé furent :
- la société Costco qui se vante d’être populaire dans la communauté gay, un positionnement en décalage avec les opinions de Carson, membre du board de cette entreprise. Sa réponse : d’abord, la Constitution protège de tout le monde, ensuite le mariage se fait entre un homme et une femme et, contrairement à ce qu’insinuent les démocrates, ce n’est pas parce que quelqu’un défend cette vision qu’il est automatiquement homophobe ; il termina le débat en affirmant qu’il ne fallait pas sacrifier ce qui a fait la grandeur des Etats-Unis sur l’autel du politiquement correct
- ses rapports avec la société Mannatech, laquelle est attaquée pour avoir commercialisé un médicament miracle contre le cancer et l’autisme qui ne tient pas ses promesses (Carson démentit toute implication autre que quelques discours à l’un ou l’autre événement et affirma que l’utilisation de son portrait sur le site web de l’entreprise s’était fait sans son accord)
- le prix élevé établi par l’industrie pharmaceutique sur certains médicaments, sujet qu’il éluda en y allant d’un : « le problème c’est l’emploi, il faut une réduction de la régulation »
- les subsides à l’industrie pétrolière qu’il veut stopper pour les rediriger vers la filière éthanol (il admit s’être trompé et déclara qu’il fallait se débarrasser de tous les subsides et que toute régulation avait un impact négatif).
Le résumé complet du 3e débat républicain
4e débat (novembre, Milwaukee, Wisconsin) : peu d’originalité dans ce débat pour ce qui est des sujets abordés et des tirades prononcées, beaucoup de propos et positionnements ayant déjà été entendus lors des soirées précédentes, parfois (quasi) au mot près. Bref, un débat un peu pour rien, sans vainqueur ni perdant, ni moment vraiment fort, le seul à ressortir un peu du lot étant Rand Paul grâce à une vision très différente de celles de ses rivaux en matière de politique étrangère.
Carson a continué à cultiver la même attitude discrète, calme et posée que lors des autres débats, à une exception près, quand, interrogé sur les attaques médiatiques de ces derniers jours, il fit preuve d’humour (« merci de ne pas m’avoir interrogé sur ce que j’ai dit en quatrième secondaire ») et d’un peu de passion lorsqu’il répondit n’avoir aucun problème à ce que son passé soit analysé, mais qu’il ne pouvait être question de mensonges de la part des médias, ni y avoir de double standard, prenant comme contre-exemple le traitement réservé à Hillary Clinton dans l‘affaire Benghazi, qu’il juge partial. Il conclut par une description catastrophique des Etats-Unis actuels (dette, avortements, suicides …), une situation que les républicains peuvent changer (pas les démocrates) à condition de ne pas se laisser prendre au piège du politiquement correct.
Sur la Syrie et l’Afghanistan, il se déclara en faveur d’y envoyer des troupes spéciales pour entraîner les troupes locales et ne pas laisser Poutine imposer son influence au Moyen Orient. Il insista aussi sur la nécessite que Daech apparaisse comme un « loser » et qu’il fallait pour cela il faut détruire son califat en Iraq. Il fit aussi se lever plusieurs sourcils en déclarant que la Chine était active en Syrie, alors que strictement rien n’indique une quelconque implication chinoise dans ce pays. Enfin, il évoqua brièvement le problème du taux de suicide élevé parmi les vétérans de l’armée.
Le résumé complet du 4e débat républicain et son « fact-checking » par le Washington Post.
5e débat (décembre, Las Vegas, Nevada) : la soirée se déroule dans un contexte bien différent de la précédente suite aux attentats qui ont frappé Paris et San Bernardino.
Carson apparaît de plus en plus insignifiant dans les débats et sa première intervention fut pour se plaindre de son temps de parole. Sur son aptitude à être commandant-en-chef, il a affirmé avoir l’habitude d’établir les bons diagnostics en tant que neurochirurgien et qu’il fallait considérer la situation dans son ensemble, organiser, préparer, agir de manière ferme et résolue et prendre les conseils des experts. Il a également affirmé qu’il ne se présentera pas en tant qu’indépendant à l’élection s’il n’est pas choisi par les électeurs du GOP (il avait semble-t-il manifesté de telles intentions suite aux attaques du Washington Post à son égard, les estimant injustes et téléguidées de l’intérieur même du parti).
Le résumé complet du 5e débat républicain
6e débat (janvier, North Charleston, Caroline du Sud) : alors que le début des primaires arrive à grands pas et que les échanges gagnent en virulence avec de nombreuses prises de bec mettant au prise Donald Trump, Ted Cruz, Marco Rubio, Jeb Bush et Chris Christie, Carson, tout comme John Kasich, refuse (ou évite) de se prêter à ce genre de jeux. Une attitude honorable, mais qui a pour revers de les confiner à un rôle discret, voir marginal. Une touche d’humour à noter toutefois concernant Carson : celle dont il a usé pour prendre la parole (Carson : « Mon nom a été cité ». Le journaliste : « Ah bon ? » Carson : « Oui, il [un candidat] a dit tout le monde »). Il sortit également une tirade sur la perte de principes moraux et le besoin de distinguer le bien du mal, ainsi que son souci de prendre l’avis d’experts
Le résumé complet du 6e débat républicain
7e débat (janvier, Des Moines, Iowa) : dans un débat marqué par l’absence volontaire de Donald Trump, Carson est à nouveau resté en retrait (il parla deux fois moins que Ted Cruz et Marco Rubio), vague et sans relief, débitant des généralités. Sur son manque d’expérience gouvernementale, il dit que ce n’est pas un problème, qu’il a l’habitude de gérer des situations d’urgence, de mettre des équipes en place, de prendre des décisions complexes, et que, en outre, il apportera des solutions nouvelles (« Think out of the box »).
Le résumé complet du 7e débat républicain
8e débat (février, Goffstown, New Hampshire) : dans un débat marqué par la défaillance de Marco Rubio, Carson s’est fait remarquer pour avoir manqué son entrée en scène et semé la confusion parmi les candidats qui le suivaient et ne savaient pas s’ils devaient s’avancer ou pas.
Concernant le débat lui-même, Carson a en général été dans la continuité de ses prestations précédentes. A noter : une discussion sur le coup bas que lui a asséné Ted Cruz en Iowa (juste avant le scrutin, un membre de l’équipe de campagne du sénateur du Texas a semé la confusion en annonçant que le neurochirurgien avait abandonné). Donald Trump déclara que Cruz avait uniquement gagné le caucus parce qu’il avait pris des votes à Carson, Cruz tenta d’expliquer les raisons du dérapage, blâma CNN pour avoir communiqué de mauvaises informations et présenta ses excuses à Carson, et ce dernier réagit en affirmant que de telles méthodes étaient symptomatiques de l’éthique à Washington.
Le résumé complet du 8e débat républicain
9e débat (février, Greenville, Caroline du Sud) : la castagne a été sévère entre Donald Trump, Jeb Bush, Ted Cruz et Marco Rubio, et même John Kasich s’est retrouvé à un moment donné pris dans un échange animé avec Bush. Rien à signaler en revanche concernant Carson, transparent et dont quasi tout le monde s’en fiche, c’est à peine si les autres candidats l’écoutent, d’autant qu’il a encore trouvé le moyen de faire une réflexion sur le peu de temps de parole qu’il reçoit. A noter qu’il invita les électeurs à visiter son site où, dit-il, il a plein de plans pertinents à partager.
Le résumé complet du 9e débat républicain
10e débat (février, Houston, Texas) : dans un contexte de grande animosité entre Donald Trump, Ted Cruz et Marco Rubio, les calmes John Kasich et Carson ont eu du mal à exister. Le premier s’en est le mieux sorti, a refusé d’entrer dans toute joute verbale et a rappelé sa volonté d’unir tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du parti. Pas sûr qu’il ait été beaucoup entendu. Quant au second, il a été dans la veine transparente de ses précédents débats, parvenant une fois encore à se plaindre de son temps de parole et à demander à ce qu’un des autres candidats « l’attaque » pour que lui soit donné un droit de réponse.
Le résumé du 10e débat républicain
5. Style et positions
Posé et parlant avec une voix calme qu’il n’élève jamais, Carson a dénoté par rapport aux autres candidats. Inexpérimenté dans nombre domaines politiques, il s’est présenté comme un sage capable de réflexion et de prendre conseil auprès des experts, s’affichant en fait comme un chef d’équipe (comme il l’a été dans son service de neurochirurgie) qui sait s’entourer, écouter les avis qu’on lui donne, juger une situation de crise, déléguer et prendre des décisions, bref faire preuve de leadership.
L’approche était originale et a visiblement contribué à son bon début de campagne. Rapidement toutefois les manquements de Carson dans la campagne sont apparus criants. D’abord, son inexpérience et sa méconnaissance de plusieurs sujets, notamment en matière de politique étrangère. Puis une certaine naïveté lorsque la lutte devient sale, que des coups se perdent et que des mises en cause en partie calomnieuses se multiplient sur son passé, des attaques dont il s’offusque et ne paraît pas très bien gérer, comme surpris que de telles manœuvres aient été possibles à son encontre. Enfin, un manque de plus en plus flagrant de charisme et de relief : Carson devient vite transparent dans les débats, il ne parvient pas à y opposer sa griffe, se plaint régulièrement de ne pas recevoir assez de temps de parole et y est de plus en plus marginalisé et ignoré, au point de rapidement ne plus y tenir qu’un rôle de figurant.
Pourfendeur du politiquement correct, Carson (qui est profondément religieux) est un ardent anti-avortement (il compara cette pratique à l’esclavage), s’oppose au mariage gay et s’est plusieurs fois montré sceptique quant à la théorie de l’évolution, tout comme il se montre sceptique quant à l’influence humaine sur le réchauffement climatique.
Comme ses homologues républicains il abhorre l’Obamacare et défend le Deuxième Amendement (droit au port d’armes). Sur l’immigration, il se montre prudent vis-à-vis d’une déportation massive des illégaux et insiste sur la nécessité de mieux sécuriser la frontière. Concernant les immigrés, il évoque à plusieurs reprises la création d’un camp d’accueil en Syrie même.
Sur le plan économique, il est un fervent partisan d’un taux d’impôt unique de 15% pour tous et se démarque de ses rivaux par sa volonté de relever le salaire minimum, notamment en faveur des jeunes.
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