Les partis démocrate et républicain sont les deux mastodontes qui monopolisent la vie politique américaine depuis plus de cent cinquante ans. Dans leur ombre vivote une multitude de formations qualifiées de Third Parties dont l’exposition médiatique est quasi nulle. Deux (petites) exceptions : le Parti libertarien et le Parti vert (Green Party), à qui il arrive occasionnellement de récolter 1% ou plus aux présidentielles (ils n’ont cependant jamais compté aucun élu au Congrès). D’autres third parties ont occasionnellement eu une influence réelle sur le résultat de certaines présidentielles (principalement en 1912, avec le Parti progressiste de Theodore Roosevelt), mais ces situations ont jusqu’à présent été exceptionnelles et sans véritables lendemains.
a) Le parti démocrate – b) Le parti républicain – c) Le parti libertarien – d) Le parti vert (Green Party) – e) Autres partis
Le parti démocrate
Né en 1828 de la scission du parti républicain-démocrate, le parti démocrate est le plus ancien parti américain encore en activité. Porté à ses débuts par Andrew Jackson (qui gagne la présidentielle de 1828 et est réélu quatre ans plus tard), il commence par prôner un gouvernement fédéral faible au profit des États, privilégie les intérêts des propriétaires terriens esclavagistes du Sud, et tient un discours populiste qui séduit le petit peuple (notamment les importantes minorités catholiques de migrants irlandais et italiens).
Si le parti démocrate domine les élections présidentielles au cours des trente années suivant sa fondation (six scrutins gagnés sur huit), son unité de plus en plus mise à mal par la question de l’esclavage va se briser en 1860 et permettre au nouveau parti républicain emmené par Abraham Lincoln d’accéder à la Maison Blanche. S’en suivra la guerre de Sécession, la victoire du Nord et, pour les démocrates, une période de déclin qui ira jusqu’aux années 1870, lorsque le parti se relance en attirant les ségrégationnistes des anciens États sudistes, lesquels deviennent alors pour quatre-vingts ans l’un des plus solides bastions démocrates.
Autre place-forte emblématique du parti : New York. C’est en tant que gouverneur de cet État que Grover Cleveland ramène les siens à la Maison Blanche en 1884, vingt-quatre ans après l’avoir quittée. Et s’il s’incline quatre ans plus tard, il est à nouveau victorieux en 1892. Le succès est toutefois de courte durée : à peine réinstallé au pouvoir, Cleveland se prend de plein fouet la crise économique de 1893, dont les conséquences vont être fondamentales pour son parti. Jusque-là en effet, les démocrates ont surtout défendu une doctrine économique conservatrice, fondée sur un laissez-faire largement favorable au monde des affaires et opposée à un gouvernement fédéral fort ainsi qu’aux entraves commerciales. Avec la crise de 1893 cependant, la donne change, et, sous l’impulsion du nouveau venu William Jennings Bryan, le parti procède à une mue idéologique qui l’installe à gauche de l’échiquier politique américain.
Électoralement parlant cependant, le changement ne porte guère, et les démocrates entament une nouvelle traversée du désert présidentielle. Elle dure jusqu’en 1912, lorsque Woodrow Wilson, tirant parti de la désunion républicaine, reconquiert la Maison Blanche. Son interventionnisme dans la Première Guerre mondiale et le ralentissement économique qui suit immédiatement la fin du conflit sont toutefois fatals aux démocrates pour l’élection de 1920, au cours de laquelle ils sont écrasés par des républicains qui, portés par la prospérité des roaring twenties, vont outrageusement dominer la scène politique pendant dix ans.
La Grande Dépression débutée en 1929 rebat toutefois les cartes. Élu à la présidence en 1932, le démocrate Franklin Delano Roosevelt rompt avec le laissez-faire républicain et lance son New Deal, lequel consiste entre autres en une multitude de programmes d’aide aux démunis, ainsi qu’en de grands travaux d’infrastructure pour relancer l’activité et résorber le chômage.
Cette vision progressiste et sociale s’impose alors à la majorité du pays et permet aux démocrates de conserver la présidence pendant vingt ans, avant que, à partir de 1952, ne s’installe une sorte de cycles de huit ans entre les républicains et eux. Ainsi Dwight Eisenhower (républicain) occupe-t-il la Maison Blanche jusqu’en 1960, John Kennedy puis Lyndon Johnson (démocrates) lui succèdent jusqu’en 1968, et Richard Nixon puis Gerald Ford (républicains) prennent la relèvent jusqu’en 1976, année où Jimmy Carter (démocrate) l’emporte.
Entre-temps le parti démocrate a connu la mutation d’une partie importante de son électorat. La lutte pour les droits civiques et la fin de la ségrégation lui ont en effet attiré les faveurs de la communauté noire et aliéné une partie substantielle de ses partisans historiques du Deep South. Les États du Sud cessent dès lors d’être sa chasse gardée, tandis que, dans le même temps, la population afro-américaine devient l’un de ses soutiens majeurs.
En 1980, c’est un autre changement qui s’opère, national celui-là : l’avènement d’une vague conservatrice républicaine qui emporte tout sur son passage. A sa tête : Ronald Reagan, auquel succède George Bush père en 1988. Rendu groggy par ses revers électoraux, le parti démocrate entame une nouvelle remise en question doctrinale et, sous l’impulsion d’une nouvelle génération de politiciens, se déplace de la gauche vers le centre de l’échiquier politique. Ce repositionnement permet à Bill Clinton de devenir président en 1992 et d’être réélu quatre ans plus tard. Au terme d’une élection controversée en 2000, son vice-président Al Gore ne parvient toutefois pas à lui succéder, la victoire de George W. Bush replaçant les républicains à la Maison Blanche jusqu’en 2008, année où le démocrate Barack Obama devient le premier président noir des États-Unis.
Le parti républicain (ou GOP, acronyme de Grand Old Party)
Fondé en 1854 par des militants anti-esclavagistes, le parti républicain voit six ans plus tard son candidat Abraham Lincoln tirer parti des divisions démocrates et accéder à la présidence.
Son élection déclenche la sécession des États du Sud et une guerre civile qui durera de 1861 à 1865. Sorti renforcé du conflit, le parti républicain va alors conserver la Maison Blanche de manière quasi-ininterrompue (trois intermèdes démocrates exceptés) jusqu’en 1932, accompagnant notamment le Gilded Age (« période dorée ») de la fin du XIXe siècle, une époque marquée par la modernisation rapide du pays, une croissance démographique et économique spectaculaire, et la constitution de quelques-unes des plus grandes fortunes industrielles de l’histoire (Rockefeller, Carnegie, JP Morgan …, lesquels, de par leurs méthodes controversées hériteront du sobriquet de « barons voleurs »).
Si les républicains encouragent et favorisent cette expansion (de même que les démocrates lorsqu’ils sont au pouvoir, alors eux aussi particulièrement libéraux en matière économique), ce n’en est pas moins eux qui font adopter les premières lois antitrust (Sherman Act en 1890) afin de limiter certains excès des grands conglomérats et protéger les petits commerces. Cette tendance progressiste visant à venir en aide à la classe moyenne et à modérer la puissance des grandes entreprises culmine avec l’arrivée à la présidence de Theodore Roosevelt (1901), lequel veut un gouvernement fédéral fort et que la croissance économique profite à tous. Le parti va alors se désunir entre les partisans de Roosevelt et les tenants de l’orthodoxie conservatrice traditionnelle, et ainsi permettre au démocrate Woodrow Wilson de siéger à la Maison Blanche de 1912 à 1920.
Le retour des républicains aux affaires après la Première Guerre Mondiale s’accompagne d’un retour au libéralisme économique poussé (« laissez-faire ») et à de positions isolationnistes strictes en matière d’affaires étrangères. Le pays va alors connaître une décennie de formidable croissance économique (les roaring twenties) au cours de laquelle les républicains règnent sans partage.
La chute est toutefois brutale : les républicains sont incapables de trouver une réponse à la Grande Dépression qui frappe le pays à partir de 1929, et ils doivent laisser la place à Franklin Delano Roosevelt et à son New Deal en 1933. S’ouvre alors une période ininterrompue de vingt années démocrates à la Maison Blanche, laquelle prend fin en 1952 avec la victoire de Dwight Eisenhower.
Si « Ike » fait preuve d’une certaine continuité avec l’œuvre de ses prédécesseurs démocrates, la donne change après la défaite en 1960 de Richard Nixon face à John Kennedy. Cette déconvenue marque en effet le départ de la montée en puissance d’un courant prônant une ligne conservatrice dure tant au niveau économique (libéralisation poussée des marchés, limitation des contraintes régulatoires, État fédéral aux pouvoirs restreints, baisses des impôts …) que sécuritaire et social (défense des valeurs familiales et religieuses, rejet de l’avortement, law & order …), avec notamment pour objectif (réussi) d’attirer vers les républicains l’électorat blanc traditionnellement démocrate des États du Sud, lequel est ulcéré par la fin du ségrégationnisme et la promotion des droits civiques dont les démocrates se font les champions.
Parmi les promoteurs de cette stratégie : Richard Nixon, qui, après son échec de 1960, retente sa chance en 1968 et est cette fois élu. Six ans et une réélection plus tard, il est toutefois contraint de démissionner suite au scandale du Watergate. Affaibli, le GOP perd la Maison Blanche en 1976 au profit du démocrate Jimmy Carter, mais n’en continue pas son processus de radicalisation, lequel débouche sur la révolution conservatrice de Ronald Reagan, qui est élu président en 1980 et réélu triomphalement en 1984. Lui succède son vice-président George Bush, qui, en partie pénalisé par le candidat dissident Ross Perot, s’incline toutefois face à Bill Clinton en 1992. Les républicains n’en continuent pas moins de se renforcer au Sénat et à la Chambre des représentants où, en 1994, ils retrouvent simultanément la majorité pour la première fois depuis 40 ans.
En 2000 c’est au tour de George W. Bush d’être élu sur cette ligne conservatrice dure, qu’il applique durant deux mandats. Depuis toutefois le parti républicain est en perte de vitesse, en partie pénalisé par l’évolution démographique du pays (les minorités noire et hispanique représentent une part grandissante de la population et se reconnaissent peu dans ce parti), mais aussi par le durcissement profond de son aile droite (symbolisé par l’émergence du Tea Party), laquelle gagne en puissance électorale et en visibilité, mais dont le radicalisme peut faire office de repoussoir auprès des modérés.
Le parti libertarien
Le Parti libertarien est né en 1971 en réaction à la décision de Richard Nixon de mettre fin à la convertibilité du dollar en or et d’imposer un contrôle des prix et des salaires. Son positionnement est (très) conservateur sur le plan économique (rôle de l’État fédéral réduit à son expression la plus simple – c.-à-d. les fonctions régaliennes – et régulation minimale) et libéral sur les questions sociales. Ainsi est-il ouvert sur la question de l’avortement, estimant que la décision de l’interdire ou pas doit être laissé à chaque État, et il défend également une approche tolérante en matière de mariage gay et de libéralisation des drogues) Il défend aussi une politique isolationniste en termes de politique étrangère, ainsi qu’un contrôle strict de la dette publique.
Le parti n’a jamais eu d’élu au Congrès et n’a dépassé qu’à deux reprises la barre du 1% lors des présidentielles (la dernière fois étant en 2012, avec Gary Johnson). L’une de ses figures en vue a été Ron Paul, qui le représenta à la présidentielle de 1988. Il tenta également sa chance pour celles des 2008 et 2012, cette fois sous la bannière républicaine, mais ne passa pas le cap des primaires. Son fils Rand Paul fit pareil pour la présidentielle 2016, sans plus de succès.
Le parti libertarien est perçu comme une sorte de prédécesseur du Tea Party (dont Ron Paul est d’ailleurs considéré comme le parrain intellectuel), les différences principales se situant sur le plan de certaines questions sociales (avortement, mariage gay …), sachant toutefois que les positions ne sont pas toujours uniformes au sein même des deux mouvements.
Le Parti vert (Green Party)
Apparu dans les années 1980 aux États-Unis, les mouvements écologistes gagnent en visibilité dans les années 1990 et présentent pour la première fois un candidat à la présidentielle en 1996 en la personne de Ralph Nader, lequel obtient 0,7% des votes. Le même Nader se représente en 2000 et décroche cette fois 2,7% des suffrages (près de trois millions de voix), un résultat excellent pour un “petit” candidat, mais qui lui vaut les foudres de démocrates l’accusant d’être responsable de la défaite d’Al Gore face à George W. Bush.
Fruit de la coalition de divers mouvements écologistes, le Parti vert des États-Unis est formé en 2001. Les candidats qu’il présente aux élections présidentielles suivantes ne rééditent toutefois pas la performance de Nader, la dernière en date (Jill Stein, en 2012) devant se contenter de 0,36% des suffrages.
Le parti vert n’a jamais eu de membre élu au Sénat ni à la Chambre des représentants. L’écologie est évidemment au coeur de son programme, lequel inclut aussi la justice sociale, la décentralisation, le droit des femmes, le respect des diversités et la démocratie participative.
Autres partis (liste non-exhaustive)
- Le Constitution Party est un mouvement paléo-conservateur qui considère que les États-Unis sont une nation chrétienne fondées sur base de la Bible et qui se distingue notamment par son opposition à l’interventionnisme militaire, à l’immigration non-occidentale et au multiculturalisme. Il a été fondé en 1991 sous le nom de “Parti des contribuables américains” et a adopté son nom actuel en 1999. Son candidat à la présidentielle 2016 est Darrell Castle.
- Le Reform Party a été fondé en 1995 par Ross Perot, trois ans après sa troisième place à la présidentielle de 1992 (où il concourait en tant que candidat indépendant) où il avait récolté 19% des suffrages. Le parti connaît ses meilleurs résultats dans les années suivant immédiatement sa création (Perot obtient 8% à la présidentielle de 1996 et Jesse Ventura est élu gouverneur du Minnesota en 1998) mais décline nettement au début des années 2000, de sorte que les candidats se présentant sous sa bannière ne récoltent que des scores marginaux aux présidentielles suivantes. Le programme du Parti de la Réforme est orienté à droite. Son représentant pour 2016 est Rocky De La Fuente.
- L’America’s Party est un mouvement dissident du Constitution Party. Son fondateur et président Tom Hoefling le représentera à la présidentielle de 2016.
- L’American Solidarity Party est un parti chrétien-démocrate pro-life tant pour ce qui est des questions sur l’avortement que sur la peine de mort, opposé au mariage gay, favorable à d’un État-providence modéré ainsi qu’à une amnistie pour les immigrants illégaux. Mike Maturen est son candidat pour 2016.
- Et bien d’autres encore, tels le Prohibition Party, le Veterans Party of America, le Nutrition Party, le Party for Socialism and Liberation, le Peace and Freedom Party, le Workers World Party, le Socialist Party USA, le Social Equality Party, etc.
La liste de (quelques-uns) des candidats Third Party se présentant à la présidentielle 2016
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