L’élection présidentielle américaine se tient tous les quatre ans et s’effectue au suffrage indirect, via le collège électoral des États-Unis.
a) Procédure – b) Conséquences – c) Raisons de cette procédure – d) Autres particularités
4. Inscription sur les bulletins de vote
5. Participation et Abstention
1. Le collège électoral (Electoral College)
a) La procédure
Le collège électoral des États-Unis est constitué de 435 grands électeurs, lesquels sont élus par État. Le nombre de grands électeurs associé à un État est le même que celui d’élus qu’il envoie au Congrès. Ce nombre est de 3 pour les États les moins peuplés (l’Alaska, le Montana, le Vermont …) et, au moins jusqu’au prochain recensement, de 55 pour celui comptant le plus d’habitants (la Californie).
Dans la pratique, le jour de l’élection (Election Day), les citoyens votent pour le candidat à la présidentielle de leur choix. Dans chaque État, ce candidat est associé à des grands électeurs. Officiellement, ce sont ces derniers que les citoyens élisent. Une fois élus, ces grands électeurs forment le collège électoral des États-Unis et leur vote détermine l’élection du président.
Bien que cela soit théoriquement possible, les grands électeurs ne votent pas comme bon leur semble mais attribuent leur voix au candidat à la présidentielle arrivé en tête du vote populaire dans leur État (méthode du Winner-Takes-All : le candidat qui arrive en tête dans un État remporte tous les grands électeurs de cet État). Des écarts à cette règle ont certes été observés, mais ils ont été rarissimes et n’ont jamais eu de conséquences sur l’élection d’un président. Néanmoins, pour se prévenir de toute mauvaise surprise, vingt-quatre États ont adopté des lois prévoyant des poursuites envers les grands électeurs parjures.
b) Conséquences
L’arrivée au pouvoir d’un candidat à la présidentielle est donc fortement influencée par le vote populaire. Mais, comme son élection passe par une étape supplémentaire (les grands électeurs), il est théoriquement possible qu’un candidat soit élu en ayant reçu moins de voix de la part des citoyens que son adversaire.
Exemple : supposons que les États-Unis se résument à deux États, la Californie (55 grands électeurs) et le Vermont (3). Un candidat A bat un candidat B pour une seule voix d’écart en Californie. Au Vermont, le candidat B bat le candidat A par dix voix d’écart. Au total, le candidat B a donc récolté neuf voix de plus de la part des citoyens que le candidat A. Mais comme celui-ci a remporté l’État comptant le plus grand nombre de grands électeurs, c’est lui qui devient président.
En pratique, un tel cas de figure s’est déjà présenté à quatre reprises, la dernière remontant à l’an 2000, lorsque George W. Bush a été devancé par Al Gore sur base du vote populaire, mais n’en a pas moins remporté le scrutin grâce à un plus grand nombre de grands électeurs. Les autres cas sont plus anciens et remontent au XIXe siècle (1824, 1876 et 1888).
c) Raisons de cette procédure
La raison de cette procédure tient à l’acte de naissance même du pays. Comme son nom l’indique, les États-Unis trouvent leur origine dans une union entre des États. De ce fait, sa Constitution a été rédigée de manière à représenter à la fois la volonté du peuple dans son ensemble et celle desdits États. Outre dans la présidentielle, cette approche se retrouve notamment dans l’organisation du Congrès, le Sénat y étant l’émanation des États (deux sénateurs par État, quelle que soit la population dudit État) et la Chambre des représentants celle du peuple (le nombre de représentants est lié à la population de chaque État).
Cette procédure est loin de faire l’unanimité. Parmi les critiques entendues, la principale est celle de ne pas respecter le principe démocratique élémentaire de l’égalité des voix (le vote d’une personne dans un État largement acquis à un camp n’a pas forcément le même impact que celui d’une autre personne dans un État où la compétition est serrée). Une autre critique (découlant en partie de la première) est l’attention accrue que reçoivent les Swing States, parfois de manière exorbitante par rapport à d’autres États. Ainsi, la Californie, New York et le Texas sont certes les États les plus peuplés du pays, mais ils sont généralement considérés comme « acquis » à l’un ou l’autre camp (démocrate pour les deux premiers, républicain pour le troisième), ce qui diminue l’intérêt d’y faire campagne, au contraire d’États avec moins d’habitants, mais dont le gain peut parfois s’avérer déterminant. Enfin, la complexité générale du système est un autre argument pour réclamer sa modification.
Les partisans du statu quo estiment quant à eux qu’un tel système oblige justement les candidats à ne pas tenir compte que des grandes villes, mais aussi des zones plus rurales et moins peuplées. Le maintien du caractère fédéral du pays et la stabilité apportée par le système en limitant le rôle de partis tiers figurent également au rang des avantages mis en avant.
d) Autres particularités
- Pour gagner le scrutin présidentiel, un candidat doit obtenir la majorité absolue des grands électeurs, c.-à-d. 270 grands électeurs sur les 538 qui composent le collège électoral actuel. Si aucun candidat n’atteint ce nombre, alors c’est à la Chambre des représentants que revient de désigner le président. En pratique, ce cas de figure est très improbable du fait du bipartisme profond qui domine le paysage politique américain. Il s’est néanmoins produit à une occasion, en 1824, lorsque Andrew Jackson est arrivé en tête du vote des grands électeurs, mais sans en obtenir la majorité absolue, la Chambre des représentants lui préférant alors le candidat arrivé deuxième, John Quincy Adams. Cet événement est en grande partie à l’origine de la naissance du parti démocrate moderne, lequel n’existait alors pas (le parti républicain non plus, d’ailleurs). Un tel scénario aurait pu se reproduire en 1968 (c’était l’objectif du candidat démocrate ségrégationniste dissident George Wallace, qui espérait ainsi négocier son ralliement au candidat démocrate officiel en échange de diverses concessions), mais, pour quelques pourcents dans une poignée d’États-clefs, le républicain Nixon obtint un nombre suffisant de grands électeurs pour être vainqueur face au démocrate Hubert Humphrey.
- A une autre occasion la Chambre des représentants a joué un rôle déterminant dans l’élection d’un président. C’était en 1800, dans un contexte toutefois bien différent (cf. section consacrée au vice-président).
- Une autre particularité à souligner concerne les États du Maine et du Nebraska. Il s’agit en effet des seuls États à ne pas allouer intégralement leurs grands électeurs au candidat arrivé premier sur l’ensemble de leur territoire, mais à utiliser une clef de répartition consistant à élire deux grands électeurs sur base des résultats de l’État dans son ensemble, et les suivants sur base du résultat de chaque district électoral composant ledit État (deux districts dans le cas du Maine, trois dans le cas du Nebraska).
- Une autre spécificité du système américain est que tous les citoyens du pays ne peuvent pas participer à l’élection. En effet, seuls les résident d’un État des États-Unis ou du District de Columbia peuvent participer à ce scrutin. En sont en revanche exclus les résidents des Territoires, ce qui couvre notamment les habitants de Puerto Rico, des Îles Vierges américaines, de Guam, des Mariannes du Nord et des Samoa américaines (alors que ces territoires participent aux primaires de deux grands partis).
- Si le vote populaire pour la présidentielle se déroule en novembre, le président élu n’entre toutefois en fonction que le 20 janvier (ou le 21, si le 20 est un dimanche) de l’année civile suivante (Inauguration Day). A l’origine, cette entrée en fonction avait lieu le 4 mars (pour coïncider avec la date-anniversaire de l’entrée en vigueur de la Constitution), soit près de quatre mois après l’élection. Ce long délai pouvait toutefois être cause de paralysie gouvernementale en cas d’alternance politique marquée, ce qui fut notamment le cas en 1932, lorsque Franklin Roosevelt fut élu face au président sortant Herbert Hoover dans un contexte de Grande Dépression économique que le nouveau président se proposait d’aborder d’une manière radicalement différente de celle de son prédécesseur. Les inconvénients de la période intérimaire de quatre mois apparurent alors à plein et la date d’intronisation fut ramenée du 4 mars au 20 janvier à partir de l’élection suivante.
2. Éligibilité du Président
Pour pouvoir se présenter à la présidence des États-Unis, il faut : 1°) être né américain ; 2°) être âgé d’au moins 35 ans ; 3°) avoir résidé aux États-Unis au cours des quatorze dernières années.
Le premier critère est en pratique celui qui peut poser le plus débat, la Constitution ne définissant pas le concept « être né américain ». Être né sur le sol des États-Unis est une condition suffisante pour l’être. En revanche, une personne dont au moins un parent est Américain mais qui est née à l’étranger pose questions. Parmi les polémiques ayant eu trait à ce sujet, citons celle concernant le lieu de naissance de Barack Obama (quelques-uns parmi ses détracteurs les plus acharnés – dont Trump – ont tenté de démontrer qu’il n’était pas né sur le sol américain) et celui de Ted Cruz.
D’autres considérations peuvent également empêcher quelqu’un d’accéder à la présidence. La plus connue est l’impossibilité d’être réélu plus d’une fois (ou d’être président plus de six ans si les deux premières années de présidence l’ont été suite à une vacance de la fonction). S’être rebellé contre les États-Unis après avoir juré de défendre la Constitution (comme cela était le cas des Confédérés lors de la guerre de Sécession) et avoir été destitué de la fonction présidentielle sont également des facteurs excluants, le premier pouvant toutefois être levé en cas d’accord à la majorité des deux tiers dans les deux Chambres du Congrès, tandis que le second ne s’applique que si le Sénat en fait la demande.
3. Le vice-président
Le vice-président est la première personne dans la ligne de succession en cas de vacance de la présidence (par exemple en cas de décès, démission ou destitution du détenteur de la fonction). Il est également le président du Sénat ; son rôle y est limité et il n’est pas autorisé à participer aux votes, sauf en cas d’égalité, sa voix servant alors à départager l’ex-æquo.
Les conditions de base pour être éligible en tant que vice-président sont les mêmes que celles s’appliquant pour être élu président : 1°) être né américain ; 2°) être âgé d’au moins 35 ans ; 3°) avoir résidé aux États-Unis au cours des quatorze dernières années. Son mode d’élection est le même que celui du président, avec lequel il se présente en « ticket » (en duo).
La manière pour un parti de choisir un candidat vice-président a varié au cours du temps. Ainsi, au départ (élections de 1789, 1792 et 1796), est élu vice-président le candidat à la présidence arrivé … deuxième au vote des grands électeurs. Il n’y avait donc tout simplement pas de scrutin spécifique au vice-président, celui-ci était mêlé à celui du président.
A l’époque, la procédure de vote était bien différente de celle connue aujourd’hui, chaque grand électeur disposant alors de deux voix à accorder à des candidats différents. Les élections de 1789 et 1792 ne posent pas de problème : George Washington est le candidat incontesté pour la présidence, et il est clair pour tout le monde que les autres candidats concourent pour la deuxième place, c.-à-d. la fonction de vice-président. Les limites du système commencent toutefois à apparaître dès l’élection suivante, lorsque le président et le vice-président élus sont de bords politiques radicalement opposés. En 1800, en revanche, c’est une situation inverse jusqu’à l’absurde qui se produit : des candidats s’allient pour combiner des popularités géographiques distinctes, et les grands électeurs qui leur sont favorables leur attribuent à chacun les deux voix dont ils disposent. Au bout du compte, le tandem Thomas Jefferson-Aaron Burr l’emporte, mais en ayant tous deux obtenu exactement le même nombre de votes. Le choix du président revient alors à la Chambre des représentants, laquelle élit Jefferson (ce qui correspond à l’accord initial entre Burr et lui).
Les défauts du système devenus criants, celui-ci est changé dès l’élection suivante : les grands électeurs ne disposent désormais plus que d’une seule voix chacun, et les candidats se présentent en « ticket », le candidat à la présidence et son colistier étant ainsi désormais clairement distingués.
Pendant plus d’un siècle, les partis vont organiser la désignation de leur candidat à la vice-présidence de la même manière qu’ils désignent leur candidat à la présidence : par un vote des délégués lors des conventions nationales. Celui-ci se tenait après que le choix d’un candidat à la présidence eut été effectué, ce qui permettait parfois d’utiliser la place de colistier comme lot de consolation pour l’un ou l’autre perdant à l’investiture du parti.
La donne change en 1940, quand le président démocrate Franklin Roosevelt impose le colistier de son choix lors de l’élection de son troisième mandat. Depuis, cette méthode s’est généralisée et le candidat vainqueur des primaires décide désormais de la personne avec qui il se présentera en ticket. Comme par le passé, ce choix peut se baser sur divers arguments, par exemple l’expérience internationale quand le candidat président en paraît peu pourvu (ce fut le cas de Barack Obama avec Joe Biden, ainsi que de Clinton avec Al Gore). Autre possibilité : vouloir présenter un duo complémentaire au niveau géographique (cas de Lyndon Johnson, sénateur du Texas, choisi en 1960 comme colistier de John Kennedy, lequel représentait surtout le nord du pays).
En 2016, les choix de Trump et de Clinton sont davantage motivés par des raisonnements idéologiques. Ainsi, pour contrer ses détracteurs au sein du GOP qui l’accusent de ne pas être un vrai conservateur, Donald Trump sélectionne-t-il Mike Pence, un républicain au-dessus de tout soupçon sur cette question-là. Quant à Clinton, elle opte pour le centriste Tim Kaine, une manière pour elle de rassurer l’électorat modéré qui aurait pu craindre qu’elle ne déporte son programme un peu trop à gauche afin de s’assurer le soutien de l’électorat de Sanders.
4. L’inscription sur les bulletins de vote
Au-delà des dispositions constitutionnelles prévues pour être éligible à la présidence (cf. supra), un autre obstacle se dresse devant les candidats : l’inscription sur les bulletins de vote.
Si cette question est anodine pour les candidats démocrates et républicains, elle l’est beaucoup moins pour la quasi-totalité des candidats Third Party. La procédure n’est en effet pas centralisée ni même standardisée, chaque candidat doit s’inscrire État par État, lesquels utilisent en outre des règles différentes pour valider les inscriptions, des plus simples au très compliquées pour des partis avec peu de moyens. Ainsi par exemple, certains États requerront-ils d’un candidat qu’il recueille un certain nombre de signatures de citoyens en sa faveur pour pouvoir figurer sur les listes. D’autres fixeront un seuil similaire à obtenir dans chacun des comtés formant l’État concerné. D’autres encore demanderont le paiement d’une somme modique. Etc., etc.
Dans ces conditions, la présence dans tous les États d’un candidat autre que républicain ou démocrate tient du parcours de longue haleine, voire du miracle pur et simple, même si, cette année, Gary Johnson paraît bien parti pour y parvenir et Jill Stein ne devrait pas en être loin. Et si des électeurs veulent néanmoins porter leur voix sur un candidat non-repris sur la liste officielle de leur État, ils peuvent toujours le faire en inscrivant manuellement son nom sur le bulletin de vote.
5. Participation et abstention
Alors qu’il dépassait les 60% dans les années 1950 et 1960, le taux de participation à l’élection présidentielle au sein de la population en âge d’aller voter a chuté sous les 55% à partir de 1972. Si la brusque diminution enregistrée cette année-là s’expliquait par l’abaissement de l’âge minimum pour voter de 21 à 18 ans), la tendance baissière ne s’en est pas moins poursuivie de manière régulière au cours des six scrutins suivants (1992 excepté, marqué par un fort rebond), pour passer sous la barre des 50% en 1996 (réélection de Bill Clinton). La situation s’est ensuite améliorée en 2004 et 2008, cette dernière année étant notamment marquée par la mobilisation remarquée du corps électoral afro-américain pour soutenir Barack Obama.
La mobilisation des jeunes n’en reste pas moins toujours problématique, moins de 50% des gens âgés de moins de 35 ans s’étant rendus aux urnes en 2008.
En ce qui concerne le vote par origine ethnique, les communautés hispanique et asiatique sont à la traîne, avec à peine un tiers de leurs membres participant au scrutin présidentiel. A contrario, en 2008, la communauté noire s’est manifestée par une très forte mobilisation de ses membres. Tendance lourde ou événement ponctuel lié à la candidature de Barack Obama ? Le camp Clinton craint en tout cas que cette communauté se montre moins motivée à aller voter cette année, ce qui pourrait peser dans la balance, sachant que ce vote va à 90% aux démocrates.
Autre marqueur très différencié concernant la participation au vote : le niveau de revenu annuel. L’affirmation de Sanders comme quoi « Poor people don’t vote, that’s a fact » (les pauvres ne votent pas, c’est un fait) est amplement vérifiée, un écart de 25 à 30 points ayant été observé en 2008 entre la participation des citoyens à hauts revenus par rapport à ceux gagnant le moins.
Un autre paramètre à prendre en compte est celui des États concernés, le taux de participation pouvant varier fortement selon le degré d’incertitude du vainqueur. Ainsi, la Californie, New York et le Texas (les trois États les plus peuplés), généralement considérés comme viscéralement acquis à un camp ou à l’autre (les démocrates pour les deux premiers, les républicains pour le troisième) présentent des taux de participation plus bas que la moyenne nationale. A contrario, les Swing States d’une élection sont davantage susceptibles de voir se produire une mobilisation accrue des électeurs.
6. Débats télévisés
Ces moments forts de la campagne (mais à l’impact contesté) seront cette année au nombre de trois et auront lieu le 26 septembre, le 9 octobre et le 19 octobre. Un débat mettant au prise les candidats vice-présidents sera également organisé le 4 octobre.
Un premier débat radiodiffusé eut lieu en 1948 lors de la primaire républicaine opposant Thomas Dewey à Harold Stassen. En 1956, ce sont les démocrates qui innovent pour leur primaire avec le premier débat télévisé organisé dans le cadre d’une présidentielle (les candidats en lice étaient Estes Kefauver et Adlai Stevenson, ce dernier recevant finalement l’investiture du parti).
Le premier débat télévisé opposant un démocrate à un républicain eut lieu en 1960, avec un duel Kennedy-Nixon massivement suivi par les Américains (environ un tiers d’entre eux, soit 66 millions). Affaibli par une récente hospitalisation due à une blessure au genou, Nixon se présenta en outre défraîchi suite à une journée de meetings et non-maquillé, ce qui nuisit à son image, surtout en comparaison avec celle renvoyée par son adversaire, les enquêtes d’opinion montrant que le républicain était considéré comme ayant perdu le début aux yeux de ceux qui l’avaient vu, alors que ceux l’ayant écouté à la radio eurent un ressenti inverse. Nixon redressa la barre lors des trois débats suivants, mais ceux-ci furent toutefois moins suivis que le premier, de sorte que le sentiment dominant demeura favorable à Kennedy.
Aucun débat présidentiel ne fut ensuite plus organisé jusqu’en 1976, année où Gerald Ford et Jimmy Carter renouèrent avec l’exercice. Trois événements furent organisés avec des fortunes diverses, le premier étant marqué par un incident technique qui interrompit les orateurs pendant de longues minutes, tandis que le deuxième resta dans les mémoires pour l’affirmation hasardeuse de Ford comme quoi l’URSS n’exerçait pas de domination sur l’Europe de l’Est. La gaffe était énorme et contribua à sa défaite.
En 1980, les débats manquent d’être escamotés, Carter refusant d’y participer si le candidat dissident John B. Anderson est autorisé à y prendre part en même temps que Reagan et lui. Conséquences : le premier débat n’oppose que Reagan et Anderson, et le deuxième est annulé. Le troisième a finalement bel et bien lieu (sans Anderson). Carter y sera peu à son affaire, le récit qu’il donne de sa fille Amy (12 ans) lui déclarant que les armes nucléaires sont le plus grand danger qui menace les États-Unis lui attirant les railleries de la presse, tandis que, de son côté, Reagan marque des points en demandant aux Américains s’ils estiment que leur situation est meilleure qu’il y a quatre ans.
1992 est le théâtre du premier débat télévisé à trois, avec, en plus du démocrate Bill Clinton et du républicain George Bush, le candidat indépendant Ross Perot. Celui-ci fera très mal au président sortant George Bush, lequel, alors qu’il critiquait l’inexpérience de Bill Clinton, fut repris de volée par Perot qui déclara que le président sortant, lui, avait montré avoir toute l’expérience requise pour accroître l’endettement des Etats-Unis. Quatre ans plus tard, démocrates et républicains s’entendent pour verrouiller les débats et empêcher Perot d’y participer. Cette approche se poursuit lors des élections suivantes, avec la mise en place de conditions exorbitantes pour éviter que des candidats Third Party ne s’invitent sur scène. Ainsi, en 2016, un candidat doit obtenir à au moins cinq reprises des sondages supérieurs à 15% pendant une période précise pour être convié aux débats, une exigence quasi impossible à remplir pour un participant n’appartenant ni au parti républicain ni au parti démocrate.
Quel est l’impact réel de ces débats ? Il reste difficile à affirmer, l’impression générale étant qu’ils font en général peu bouger les lignes, sauf faits majeurs dans le cadre d’une élection serrée, comme ce fut le cas pour Nixon-Kennedy en 1960, Ford-Carter en 1976 et Carter-Reagan en 1980. Dans ces trois élections, les débats semblent avoir joué un rôle déterminant, si pas décisif. Ou plutôt un moment bien précis des débats (il y en eu quatre en 1960, trois en 1976 et un en 1980), tout le reste de ces événements étant rapidement oublié pour ne retenir et surmédiatiser que l’instant-choc, une poignée de minutes (sauf en 1960, où c’est l’impression d’ensemble vis-à-vis de Kennedy et Nixon lors du premier débat qui joua le plus) sur des heures de discussions, le plus souvent rapidement oubliées. Quant aux débats ultérieurs, ils sont généralement considérés comme n’ayant eu qu’un rôle secondaire dans le dénouement des scrutins, y compris ceux de 1992 (qui contribuèrent davantage à enfoncer le clou qu’à offrir un avantage crucial), tandis que ceux ayant eu lieu depuis 1996 ne laissèrent pas d’empreintes mémorables, excepté peut-être de ceux de 2000, lorsque George W. Bush s’y montra meilleur qu’attendu (les attentes à son égard étaient basses) alors qu’Al Gore donna une image arrogante de lui.
En résumé, « ne surtout pas gaffer » pourrait être la règle d’or des candidats, les gains électoraux en cas de bons mots ou de bonnes prestations semblant rares et marginaux dans le déroulé global d’une campagne, ceux que les débats pourraient franchement avantager (les candidats Third Party inconnus du grand public qui pourraient y trouver une plateforme pour partager plus largement leurs idées et accroître leur notoriété) en étant fermement tenus à l’écart.
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