a) Polémiques diverses – b) Polémiques concernant Trump
a) Polémiques diverses – b) Polémiques concernant Clinton
1. Chez les républicains
a) Polémiques diverses
Le débat des seconds couteaux – Les médias inféodés aux démocrates – L’éligibilité de Cruz – Les rumeurs d’abandons de Carson en Iowa – Le remplacement du juge Scalia – L’absentéisme de Rubio
Les débats des seconds couteaux
Le nombre élevé de candidats côté républicain a conduit le comité chapeautant les primaires (le RNC) à former deux groupes pour le premier débat télévisé : d’un côté les dix prétendants les mieux cotés dans les sondages, regroupés pour le débat en prime-time du 6 août ; de l’autre, les sept candidats suivants, qui doivent se contenter d’un débat secondaire à une heure de moindre écoute. Ce débat des seconds couteaux incluait Carly Fiorina, Jim Gilmore, Lindsey Graham, Bobby Jindal, George Pataki, Ron Perry et Rick Santorum. Fiorina y livra une prestation remarquée qui a accru sa visibilité et lui a permis aujourd’hui d’être ajoutée au panel « prime-time » du deuxième débat républicain (le 16 septembre).
Au cours de la campagne, aucun autre candidat du débat des seconds couteaux ne sera promu dans le débat prime-time. Le chemin inverse sera effectué par Chris Christie le temps d’un débat (le quatrième). Il sera ensuite réintégré avec les cadors, au contraire de Mike Huckabee, que l’on ne revit plus avec eux.
La campagne avançant, les conditions de participation au débat prime-time se durcirent, et, en janvier, ce fut au tour de Carly Fiorina et Rand Paul d’être rétrogradés. Le sénateur du Kentucky ne l’accepta pas et refusa de participer au débat des seconds couteaux auquel il était convié.
Les médias inféodés aux démocrates
La ritournelle est récurrente : les grands médias télévisés sont pro-démocrates et jouent contre les républicains. Pour étayer leur propos, ces derniers ont reçu une occasion en or qu’ils n’ont pas manqué d’exploiter : le fiasco des journalistes de CNBC lors du troisième débat républicain, Marco Rubio allant jusqu’à qualifier les médias de « Super PAC au service des démocrates ».
Les critiques envers les médias continueront de plus belles pendant la campagne, en particulier dans le chef de Donald Trump, toujours prompt à critiquer un système qu’il juge truqué et décidé à l’empêcher de gagner. Dans la ligne de mire du milliardaire : à peu près tous les journalistes, CNN notamment (qu’il a rebaptisé Clinton News Network), mais aussi Fox News (cf. sa brouille avec Megyn Kelly), les modérateurs des débats présidentiels (quitte à dire n’importe quoi, comme accuser Lester Holt d’être démocrate alors qu’il est républicain depuis plus de dix ans) et les fact checkers (les vérificateurs de faits), toujours prompts à vérifier ses assertions et à qui il donna beaucoup de travail par ses approximations et ses exagérations, quand il ne s’agissait pas tout simplement de mensonges.
A noter : alors que le scrutin présidentiel approchait, la très, très grande majorité de la presse américaine a appelé ses lecteurs à voter contre le candidat républicain. Ce fut notamment le cas du New York Times et du Washington Post (ce qui fut tout sauf une surprise), mais aussi de journaux n’ayant quasiment jamais pris parti pour ou contre aucun candidat (USA Today, qui n’avait jamais pris position sur le choix d’un président en 34 ans d’existence, ou le mensuel The Atlantic, qui jusqu’ici ne l’avait fait que deux fois depuis sa fondation en 1857).
L’éligibilité de Cruz
Alors qu’en décembre 2015 Ted Cruz devient le rival principal de Trump, celui-ci commence à accentuer ses attaques contre le sénateur du Texas, notamment en remettant en cause son éligibilité à la présidence. En cause : le lieu de naissance de Ted Cruz, lequel est né au Canada (à Calgary) d’un père d’origine cubaine et d’une mère américaine. Une situation suffisamment compliquée pour que Trump l’utilise pour semer le doute et mettre en cause le fait que Ted Cruz est bien né citoyen américain (une condition indispensable pour être président). Le sujet fera des remous quelques semaines avant de s’éteindre, Ted Cruz obtenant d’un tribunal la confirmation d’une citoyenneté que peu de monde remettait vraiment en question.
Dans un tout autre genre, parmi d’autres tentatives de Trump pour tenter de décrédibiliser son adversaire, rappelons d’une part ses attaques contre la femme de Cruz (d’abord en s’en prenant à son physique et en le comparant à celui de son épouse et ex-mannequin Melania, puis en laissant en entendre qu’il était en possession d’informations peu reluisantes à son sujet), et d’autre part la rumeur qu’il se fit un malin plaisir à relayer concernant un possible lien entre le père de Cruz et Lee Harvey Oswald, le principal assassin de John Fitzgerald Kennedy.
La rumeur du retrait de Carson en Iowa
Peu avant le début du scrutin en Iowa (le premier État à ouvrir le bal des primaires) se met à courir la rumeur d’un abandon de Ben Carson. Celle-ci est notamment relayée par les équipes de Ted Cruz qui a tout à en profiter, l’électorat évangéliste du neurochirurgien étant susceptible de reporter ses votes sur lui. Cette tactique fonctionne-t-elle ? A l’arrivée en tout cas, Cruz gagne l’Iowa avec 27,6%, Trump finit deuxième avec 24% et Carson est loin derrière avec 9%.
Cruz était-il à l’origine de cette rumeur ? Lui assurera que non, blâmera CNN pour cette erreur et présentera ses excuses à Carson, lequel répondit en déclarant que de telles méthodes étaient symptomatiques de l’éthique à Washington. Quant à Trump, il répéta à plusieurs occasions que le coup bas du sénateur du Texas était la seule raison pour laquelle il avait perdu le scrutin en Iowa et évoqua son intention de porter plainte, mais ne donna pas suite et passa à autre chose.
Le remplacement du juge à la Cour suprême Antonin Scalia
Début février 2016 décède le juge à la Cour suprême Antonin Scalia. Aussitôt, du côté des républicains, c’est l’effroi : Obama a l’occasion de nommer à sa place un juge progressiste qui va faire basculer l’équilibre idéologique de la Cour, jusque-là favorable aux conservateurs. Dès lors, le GOP se mobilise et multiplie les appels pour que le président ne procède à aucune nomination et laisse à son successeur le soin de choisir le remplaçant de Scalia. Obama passe outre et annonce en mars avoir porté son dévolu sur le juge Merrick Garland. Furieux, les républicains répliquent : ils n’autoriseront aucun vote au Sénat (qu’ils contrôlent) permettant de valider cette nomination tant que la présidentielle n’aura pas eu lieu. La situation est ainsi bloquée, et la Cour suprême demeure pendant de longs mois composée de huit juges seulement, ce qui n’est pas sans conséquence pour la politique que souhaite mener Barack Obama (cf. l’immigration illégale et le DACA).
L’absentéisme de Marco Rubio
Le faible taux de vote de Marco Rubio au Sénat est souvent revenu dans la bouche de ses détracteurs au cours des primaires. Ainsi, entre mars 2015 et mars 2016, Rubio a manqué 41% des votes au Sénat, ce qui en fait le sénateur à l’absentéisme le plus élevé sur cette période. Principale explication avancée par l’intéressé : sa campagne pour la présidentielle. Ted Cruz est à peu de chose près dans le même cas, avec un taux de votes manqués s’établissant à 36% pour la même période. En revanche, celui de Bernie Sanders est substantiel mais nettement plus bas que ceux des deux républicains (19%).
Sur la durée totale de leurs mandats, les taux d’absentéisme de Cruz et Rubio s’élève à 14,8% pour chacun d’eux, ce qui reste élevé mais inférieur à certains de leurs prédécesseurs, dont … Barack Obama, qui enregistra un taux d’absentéisme de 24% au cours de sa carrière de sénateur (cf. l’analyse complète de Politifact).
ii) Polémiques spécifiques à Trump
Trump homme d’affaires : Les casinos de Trump – Trump et ses dons aux politiques – Les pratiques d’affaires de Trump – La Trump University – La Fondation Trump – Les déclarations fiscales de Trump – Trump héritier – Trump et Cuba
Trump vs. le GOP : Trump en tant qu’indépendant – Les valeurs de Trump – Bush vs. Trump – L’hypothèse d’une convention négociée – La fronde des anti-Trump
Trump président ? : L’aptitude de Trump à présider – Trump et la Russie – Trump, l’OTAN, les Alliés et le nucléaire
Trump en roue libre : Trump et les femmes – Trump et la guerre en Irak – Trump et les birthers – Trump, le KKK et l’extrême-droite – Les propos off de Trump au New York Times – Trump et les vétérans de guerre McCain et Khan – Trump et les appels au meurtre d’Hillary – Trump et les Mexicains – Trump et le cyberterrorisme – Trump et le racisme – Trump et la (post-)vérité – Trump et les insultes – Autres
Les casinos de Trump
Alors que le milliardaire met perpétuellement en avant ses succès dans le monde des affaires pour se poser en homme providentiel capable de résoudre n’importe quel problème, plusieurs de ses adversaires n’hésitent pas à remettre en question ce parcours si brillant. Parmi les angles de tir :
- le fait que Trump est un héritier et qu’il a démarré dans la vie avec un beau capital fourni par papa
- la Trump University
- la faillite de plusieurs de ses casinos.
Au cours de la campagne pour les primaires, ce dernier point est celui qui est revenu le plus souvent. Dans les années 1980, Trump s’est en effet lancé dans le développement d’hôtels et de casinos à Atlantic City (New Jersey). Le succès ne fut toutefois pas au rendez-vous et, à quatre reprises (1991, 2004, 2009 et 2014), ses sociétés en charge de ces projets ont dû recourir au Chapter 11, l’affaire s’achevant par la fermeture des propriétés concernées ou leur sauvetage par de nouveaux investisseurs.
Au cours des débats, Fiorina fit plusieurs allusions au fait que les casinos de Trump étaient exclusivement financés à l’aide de dettes, référence au fait que Trump a recouru à des emprunts à haut risques pour développer ses activités dans les casinos, ce qui joua un rôle dans leur déconfiture de par les intérêts élevés qu’il fallut payer.
Pour sa défense, le magnat de l’immobilier expliqua que les conditions économiques étaient devenues très mauvaises à Atlantic City et que, en recourant au Chapter 11, il n’avait rien fait d’autres qu’utiliser la loi comme tout un chacun était autorisé à la faire. Il déclara également avoir conclu des centaines de deals dans sa vie et que seulement quatre d’entre eux avaient mal tourné.
Pour rappel : seules les activités liées aux casinos d’Atlantic City ont fait faillite, les autres sociétés de Trump n’étaient pas concernées, et lui-même n’a jamais été mis en faillite personnelle. A partir de septembre 2016, toutefois, la compréhension de ces événements prend une autre tournure dès lors qu’il apparaît que les pertes enregistrées par Trump lors de ces opérations ont été massives, et qu’elles lui ont en outre permis de ne pas payer d’impôts pendant près d’une vingtaine d’années (cf. infra, le paragraphe sur les impôts de Donald Trump).
Trump et ses dons aux politiques
En début de campagne, plusieurs rivaux de Trump l’ont accusé d’avoir mangé à tous les râteliers en distribuant de l’agent à tout le monde, y compris et surtout pendant longtemps aux démocrates. Trump ne le nia pas et expliqua que la dépendance des politiciens à des donateurs expliquait pourquoi le système était corrompu, mettant alors en avant le fait que cette corruption ne risquait pas le toucher, lui, vu sa fortune personnelle. Jeb Bush rétorqua alors que le seul de ses donateurs qui ait jamais essayé de l’influencer était … Donald Trump, tandis que d’autres jurèrent leurs grands dieux qu’ils n’avaient jamais rien reçu de sa part (l’un ajoutant avec humour : « mais j’espère qu’il le fera »).
Un autre angle d’attaque fut ses donations à Hillary Clinton, certains s’interrogeant sur la contrepartie qu’il avait alors obtenu. « Qu’elle assiste à mon mariage » fut sa réponse.
Les pratiques d’hommes d’affaires de Trump
Le décalage entre les propositions de Trump concernant les immigrants illégaux (qu’il veut expulser) et ses actes en tant qu’entrepreneur a régulièrement été mis en évidence par ses adversaires républicains, ceux-ci stigmatisant son recours à des illégaux pour travailler sur les chantiers de ses immeubles ou faire le service dans ses hôtels. Également dans leur ligne de mire : la délocalisation de certaines de ses affaires à l’étranger, notamment en matière textile, les cravates « Trump » qu’il commercialise étant fabriquées au Mexique. Bref, dénoncent-ils, un double discours et l’application du « Faites ce que je dis, pas ce que je fais ». En réponse, le milliardaire déclare qu’il ne fait que ce que tout le monde d’autre fait, qu’il joue avec les règles du jeu telles qu’elles existent, et que cela n’empêche pas qu’il faille les changer.
Au cours des débats d’automne 2016, Clinton reprend en partie ces arguments pour discréditer Trump et en ajoute un nouveau : celui d’avoir utilisé de l’acier chinois pour élever certains de ses buildings.
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La Trump University
La Trump University était un établissement d’enseignement privé fondé par Donald Trump et qui dispensait des formations de gestion immobilière. En dépit de son nom, cet établissement n’était pas universitaire ni même accrédité par les services d’éducation de New York, et il ne délivrait pas de diplôme reconnu.
Très vite, la Trump University gagne une réputation sulfureuse et doit cesser ses activités en 2010. Cela n’empêche pas les poursuites judiciaires de s’abattre sur Donald Trump. A leurs têtes : d’une part les autorités publiques qui accuse la Trump University de fraude en ce qui concerne sa communication et la qualité des services qu’elle offrait ; et, d’autre part, d’anciens étudiants critiquant la pauvreté des formations reçues en comparaison des sommes qu’ils ont dû verser pour les suivre. Depuis, les procédures s’enchaînent, et plusieurs sont toujours en cours.
Lors de la campagne 2016, le sujet s’invite à la table pendant les débats de mars, au cours desquels Trump est plusieurs fois interpellé sur cette controverse. Malgré ses vives dénégations, le milliardaire n’est pas très convaincant dans ses explications, de sorte que l’affaire lui reste tel un caillou dans la chaussure et revient régulièrement sur le tapis. Ainsi, en juin, Trump s’énerve-t-il publiquement contre le juge Gonzalo Curiel, lequel est en charge d’une partie dossier et qui a rendu public une série de témoignages de plaignants évoquant un « système frauduleux ». Furieux, le candidat a accusé le juge d’être partial et mis en cause ses origines mexicaines, provoquant aussitôt la consternation de la plupart des caciques du parti républicain, atterrés que Trump continue de s’aliéner de la sorte l’électorat hispanique si vital pour le scrutin à venir.
Le scandale va aussi d’étendre à la Trump Fondation (cf. paragraphe ci-après), celle-ci se voyant accusée d’avoir réalisé un don en faveur de l’attorney general de Floride Pam Bondi, laquelle est en charge de plaintes contre la Trump University dans son État.
La Fondation Trump
La Fondation Donald Trump a été créée en 1988 dans un but caritatif. Elle est amenée sur le devant de la scène pendant la campagne 2016 suite à une série d’articles du Washington Post. Le journal a commencé à s’y intéresser suite au retard pris par Trump pour verser des fonds récoltés lors d’un événement en faveur des vétérans de guerre (événement auquel le milliardaire avait préféré se consacrer plutôt que d’affronter Megyn Kelly lors du septième débat républicain).
De fil en aiguille, le Washington Post découvre d’autres faits étranges au sujet de cette fondation, notamment l’absence de tout don à celle-ci de la part du milliardaire depuis 2008 (laquelle ne vivrait dès lors que par les sommes versées par des donateurs extérieurs), ainsi que diverses dépenses illégales ou douteuses, dont l’achat pour $20 000 d’un portrait à l’effigie du milliardaire, un versement à l’attorney general de Floride Pam Bondi en charge d’une enquête sur la Trump University (cf. le paragraphe ci-avant), et le paiement d’indemnités liée à des règlements de litige à l’amiable entre Trump et divers plaignants.
Suite à ces révélations, la justice new-yorkaise (par l’entremise de l’attorney general Eric Schneiderman) ouvre une enquête à l’encontre de la fondation et, fin septembre, lui ordonne de cesser de recueillir des dons tant que sa situation n’aura pas été clarifiée.
Les déclarations fiscales de Donald Trump
Comme il est de coutume à chaque présidentielle, les candidats principaux à l’élection rendent public leurs déclarations fiscales des années précédentes. Cette année ne fait pas exception et tous se plient à l’exercice. Tous, sauf un : Donald Trump, lequel prétexte un audit en cours de l’IRS pour retarder l’exécution de cet acte.
Très vite des voix s’élèvent pour contester l’excuse avancée par le milliardaire, notamment du côté des républicains anti-Trump, dont Mitt Romney, lequel affirme que ces déclarations fiscales doivent contenir quelque chose d’explosif pour qu’il refuse ainsi de les publier. Du côté de l’IRS, la position est simple : rien n’empêche une personne auditée de rendre public ses déclarations.
Malgré les pressions, Trump persiste et signe, continuant de s’abriter derrière la même excuse. Dès lors, les spéculations sur la raison d’une telle attitude vont bon train, la plus répandue étant que ces déclarations montreraient que Trump n’est pas aussi riche qu’il le prétend. Une autre explication gagne en notoriété lorsque Hillary Clinton la mentionne sans prendre de gants lors du premier débat face au magnat de l’immobilier : grâce à ses conseillers fiscaux, Trump n’aurait en fait quasiment pas payer d’impôts au cours de ces dernières années. La confirmation de ce fait tombe quelques jours plus tard, quand le New York Times publie un article selon lequel Trump n’aurait – de manière tout à fait légale – payé quasiment aucun impôt pendant vingt ans. En cause : de très lourdes pertes liées à ses casinos en 1995 ($915 millions d’après le journal) qui lui auraient permis de bénéficier d’abattements de cinquante millions par an jusqu’en 2013. Inutile de dire que la nouvelle fait très mauvais genre, d’autant plus que son corollaire est d’écorner le mythe inlassablement vanté de la réussite éclatante du milliardaire dans le monde des affaires. C’est pourtant à cet argument que Trump recourt pour se défendre, expliquant être un homme d’affaires talentueux qui ne paye pas plus d’impôts que ne l’exige la loi. Il avait tenu semblables propos lors du débat de lundi lorsque Clinton l’avait attaqué sur son refus de publier ses déclarations fiscales et laissé sous-entendre que c’était parce qu’elles montraient qu’il ne contribuait à aider le pays.
Trump héritier
Avec quel capital Trump s’est-il lancé dans la vie active ? Ici aussi les versions divergent, lui parlant d’un viatique modeste ($1 million de dollars) qu’il a transformé en jackpot, tandis que ses détracteurs sèment le doute en parlant de dizaine de millions de dollars (Rubio allant jusqu’à 200), ainsi que du secours que papa lui aurait apporté pour le remettre à flots ou lui permettre de signer des contrats en offrant des garanties que son fils aurait été incapable de fournir seul.
Plusieurs journaux ont mené l’enquête, dont le Washington Post, lequel a n’est pas arrivé à un total aussi élevé que Rubio, mais n’en a pas moins mis en évidence les gros coups de pouce que Donald Trump a reçu de la part de son paternel, de diverses manières que ce soit (voir : Trump’s false clam he built his empire with a small loan from his father). De son côté, le magazine Business Insider donne un peu plus de détails sur la manière dont Trump a réussi ses premiers coups (How Donald Trump got rich).
Trump et Cuba
Fin septembre 2016, juste avant la révélation sur ses impôts, une autre nouvelle gênante pour le magnat de l’immobilier a surgi : l’accusation d’avoir dépensé 68 000 dollars à Cuba en 1998 dans le cadre d’un voyage visant à étudier la possibilité d’y développer des affaires immobilières. Cuba étant sous embargo commercial, les sommes auraient transité en douce par une société offshore pour pouvoir être dépensées, et l’affaire se serait arrêtée là, Trump décidant alors de ne pas pousser plus en avant ce projet. La révélation de ces dépenses fait un peu de bruit le jour même de sa sortie, puis disparaît rapidement des radars.
Trump et la menace de se présenter en tant qu’indépendant
Lors du tout premier débat républicain (août 2015), Trump fait scandale en déclarant que, s’il ne gagne pas la primaire républicaine, il pourrait ne pas soutenir le vainqueur et concourir à la présidentielle en tant qu’indépendant. Il se ravise un peu plus tard au cours de la campagne, mais n’en continue pas moins à l’occasion de laisser planer cette menace, notamment lorsque le spectre d’une convention négociée pointe à l’horizon (cf. infra).
Les valeurs de Trump
Trump est-il un vrai conservateur ? Telle est la question qui hante le GOP. Le milliardaire s’est longtemps affiché démocrate et a défendu des positions que nombre républicains considèrent au mieux comme tièdes en matière d’avortement et de droits au mariage gay. L’homme jure avoir changé sur ces sujets et être désormais radicalement opposé à l’exercice de ces droits. Le doute n’en subsiste pas moins, mais, pour les électeurs qui l’ont porté lors des primaires, ce débat n’a visiblement que très peu d’importance. Beaucoup plus l’est son combat contre le libre-échange, un combat qui, lui, heurte de plein front la vision économique conservatrice classique. Mais là aussi, cela ne semble pas poser de problème à son électorat, signe pour beaucoup de la déconnexion profonde entre la direction du parti et une base dont elle a complètement perdu de vue les aspirations.
Au cours de la campagne, Cruz tentera de discréditer Trump en parlant de ses « valeurs new-yorkaises », mais l’attaque fut maladroite et fit un flop.
Bush vs. Trump
Désarçonné par l’entrée en lice de Trump (qui le « tua » quasi d’emblée en le qualifiant de « candidat à basse énergie »), Jeb Bush s’est ensuite mué en adversaire farouche du milliardaire, qu’il fut le seul pendant plusieurs à tenter de déstabiliser (voir surtout les cinquième et neuvième débats), en vain. Jeb manquait de coffre et d’envergure, et Trump para ses coups sans difficulté, et avec un mépris de moins en moins dissimulé.
Trump s’en prit également vertement au bilan de son frère l’ex-président W., notamment pour la guerre en Irak, ulcérant tant et plus le clan Bush qu’aucun de ses membres ne daigna participer à la convention de Cleveland et encore moins adouber la victoire du milliardaire, des rumeurs évoquant même la volonté de George Bush père de voter Hillary. Les Bush furent également plus ou moins actifs à soutenir le mouvement des anti-Trump au sein du parti républicain, là encore en vain.
L’hypothèse d’une convention négociée
Début mars 2016, Trump a pris l’avance dans la course aux délégués mais est encore loin d’atteindre la majorité absolue requise pour automatiquement recevoir l’investiture du parti. Et si tel était, s’il ne devait pas avoir assez de délégués au moment de se présenter à la convention de Cleveland en août, alors la convention deviendrait « négociée » et les candidats encore en lice (voire quelqu’un n’étant pas candidat) auraient une chance de lui subtiliser la place et d’être investi par le parti.
Avec la série de succès enregistrée par Cruz de mi-mars à début avril, cette hypothèse gagne en crédibilité, et Trump se met à hurler à l’injustice et au coup fourré, menaçant de se présenter à la présidentielle en tant qu’indépendant si le parti n’adoube pas le candidat ayant récolté le plus de délégués. Au bout du compte, la question ne se pose pas, Trump remporte toute une série d’États qui lui permettent de s’envoler, et Cruz et Kasich, ses derniers rivaux, sont contraints d’abandonner.
La fronde des anti-Trump
A venir.
L’aptitude de Trump à présider
Expérience et tempérament : deux qualités qui, pour la quasi-totalité de ses détracteurs, font défaut à Trump. D’abord, l’expérience. Sa méconnaissance sur certains sujets fut patente en début de campagne, un exemple parmi les plus commentés étant la réponse très évasive que le milliardaire donna à une question sur la « triade nucléaire » (c.-à-d. sa capacité des États-Unis à déclencher une attaque nucléaire par avions, sous-marins, depuis la terre), comme s’il n’avait aucune idée de ce que ce concept recouvrait.
Plus généralement, ses réponses superficielles dès que les questions deviennent un peu pointues et sa propension quasi-systématique, quel que soit le sujet, à répéter encore et toujours le même discours (« l’Amérique ne gagne plus, elle est dans un chaos total, avec moi ce sera différent, croyez-moi, je lui rendrai sa grandeur ») confortent cette impression de méconnaissance, une impression encore renforcée par la légèreté de son entourage en matière de politique étrangère, au contraire de celui bien fourni de son adversaire Hillary Clinton. Cette dernière peut en outre se targuer d’avoir occupé de nombreuses fonctions politiques importantes depuis vingt-cinq ans (notamment comme Secrétaire d’État) et d’avoir une connaissance approfondie des dossiers. A cela Trump répond que cela fait trop longtemps qu’elle a manifesté son incompétence et que, lui, en tant qu’homme d’affaires, il a l’expérience de négocier et sait comment obtenir de bons « deals », et que c’est justement ce dont l’Amérique a besoin pour traiter avec la Chine, la Russie, etc., ainsi que pour redéfinir les accords de libre-échange qui, selon lui, sont à l’heure actuelle tous au désavantage États-Unis.
Son tempérament est l’autre angle d’attaque abordé par ses opposants, pour qui un homme réagissant au quart de tour à la moindre provocation pour prononcer des injures ou sortir des tweets rageurs au beau milieu de la nuit ne doit absolument pas être en position de pouvoir se servir du bouton nucléaire. A nouveau, par ses nombreuses sorties tapageuses et à l’emporte-pièces, ainsi que par la très grande difficulté qu’il a à présidentialiser ses attitudes et son discours, Trump fournit allégrement de l’eau à leur moulin. En résumé, l’incapacité de Trump à être président est l’un des arguments principaux mis en avant par ses adversaires, lesquels soulignent que son élection constituerait un danger majeur pour la sécurité de tout un chacun.
Son attitude lors des débats face à Hillary renforce cette impression, le républicain tombant à plusieurs reprises dans le panneau des provocations de sa rivale, que ce soit sur Alicia Machado, ses impôts ou l’Irak lors du premier débat, sur ses propos concernant les femmes lors du deuxième, ou encore son refus de déclarer qu’il reconnaîtra le verdict des urnes lors du troisième.
Trump et la Russie
A plusieurs reprises Trump n’a pas manqué de dire le bien qu’il pense de Vladimir Poutine. Il faut dire que le dirigeant russe a su se mettre le milliardaire dans la poche en déclarant en décembre 2015 que celui-ci état « haut en couleurs et talentueux ». Traductions approximatives aidant, ces qualificatifs se sont transformés au point de permettre à Trump d’affirmer que Poutine le trouve « brillant ». En retour, le milliardaire ne tarit plus d’éloges sur lui, affirmant entre autres qu’il a un contrôle très fort sur la Russie et un leadership bien meilleur que celui d’Obama. Des propos qui font jaser, alors que la Russie est soupçonnée de chercher à interférer dans l’élection présidentielle (cf. infra l’épisode du DNC Leaks), Trump en rajoutant en couche dans ces soupçons en appelant les pirates informatiques de ce pays mener des actions pour que soient mis à jour tous les emails qu’Hillary Clinton n’a pas encore rendus public (cf. infra la polémique des emails).
En retour, les critiques sur sa relation avec Poutine et la Russie vont bon train, le milliardaire se voyant notamment accusé de sympathie (voire plus) pour un pays et un dictateur avec lesquels les États-Unis sont en opposition sur de nombreux points (Syrie, Ukraine, pays Baltes …). Clinton se servira à plusieurs reprises de cet argument pour tenter de discréditer Trump lors des débats ou faire diversion lorsqu’elle est interrogée sur les publications d’emails de John Podesta par WikiLeaks.
Trump, l’OTAN, les Alliés des États-Unis et le nucléaire
Trump l’a plusieurs fois répétés : les Alliés des États-Unis doivent davantage participer au coût financier des opérations et programmes militaires conjoints, voire, au besoin, développer eux-mêmes leur propre arsenal de défense et se passer de l’aide américaine. En point de mire : d’abord l’OTAN, une organisation que Trump juge obsolète et dont (selon lui) les États-Unis supportent la plus grosse partie de la charge financière ; ensuite, des pays comme la Corée du Sud, le Japon ou l’Arabie saoudite, à qui le milliardaire semble conseiller de développer l’arme nucléaire. Tollé chez les détracteurs de Trump, qui expliquent qu’il va à rebours de décennies d’efforts pour empêcher la prolifération nucléaire. De la même manière, Clinton insiste : les États-Unis n’ont pas l’intention de laisser tomber leurs alliés de longue date.
Trump et les femmes
La misogynie du milliardaire a souvent été mise en avant, et lui-même n’a pas fait grand-chose pour détromper ses détracteurs (notamment Clinton, qui ne s’est pas privée de jouer cette carte), préférant mettre ces attaques sur le compte d’un politiquement correct qui entraverait l’action politique et ferait perdre du temps.
Parmi les faits de campagne les plus marquants concernant cette question, citons notamment :
- la controverse au sujet de la journaliste de Fox News Megyn Kelly suite au premier débat républicain
- les remarques peu amènes de Trump à l’encontre du visage de sa rivale Carly Fiorina, laquelle répliqua lors du deuxième débat républicain
- la passe d’armes surréaliste entre le milliardaire et l’ex-Miss Univers 1996 Alicia Machado au sujet de son poids, Trump tombant à pieds joints dans le piège pourtant gros comme une maison tendu par Clinton lors de leur premier débat et, pire, continuant par après à polémiquer avec l’ancienne reine de beauté via Twitter, s’interrogeant notamment sur les conditions qui ont permis à Machado d’obtenir la nationalité américaine, puis invitant ses suiveurs à aller consulter une sex tape de l’intéressée …
Tout cela n’est toutefois encore rien avec ce qui va suivre : la divulgation d’une vidéo de 2005 dans laquelle Trump tient des propos obscènes sur les femmes et revendique un comportement assimilable à de l’agression sexuelle (voire l’article : Du 3 au 8 octobre 2016 – où Trump explose). Aussitôt, c’est la curée, les critiques fusent de toute part, y compris au sein même du GOP, où ils sont nombreux à le lâcher, dont Paul Ryan, pour qui c’est le dérapage de trop (cf. Le GOP à feu et à sang). Pour le milliardaire, c’est la fin des espoirs qu’il lui restait, ses chances de gagner s’envolent, et le débat qui a lieu 48 heures après ces révélations n’y change rien, enfonçant au contraire davantage le clou (cf. 9 octobre 2016 – 2e débat : le pire de l’Histoire ?).
L’affaire marque Trump au fer rouge, et ses suites ne se font pas attendre, plusieurs femmes portant plainte dans les jours qui suivent contre le magnat de l’immobilier, qui pour attouchements, qui pour agressions sexuelles. Son cas s’arrange pas lors du troisième débat, lorsqu’il s’exclame « What a nasty woman ! » en réaction à une pique que Clinton venait de glisser sur ses impôts.
Trump et la guerre en Irak
Au cours de la campagne pour les primaires, Trump soutient de manière répétée avoir été un des rares opposants à la guerre en Irak en 2003. S’il est assez peu contredit sur ce point par ses rivaux républicains, l’équipe Clinton remettra en revanche fortement en cause cette position. Le site journalistique spécialisé dans le « fact-checking » Politifact conclura que l’assertion de Trump était plutôt fausse, déclarant que, d’après son enquête, les propos tenus par le milliardaire avant la guerre montraient qu’il était inquiet à son sujet, mais pas vigoureusement opposé, avant qu’il ne déclare dans une autre interview être partisan de l’invasion (cf. l’enquête complète de Politifact).
Trump et les birthers
La théorie conspirationniste selon laquelle Barack Obama ne serait pas né aux États-Unis doit une bonne partie de sa persistance et de sa notoriété à Donald Trump. Celui-ci a bondi à pieds joints dans la polémique en 2011 et l’alimente régulièrement. Ou du moins, l’alimentait-il jusqu’au 16 septembre 2016, date à laquelle, un peu beaucoup contraint et forcé par son entourage qui le presse de clore cette polémique, il déclare : « President Barack Obama was born in the United States, period » (« le président Barack est né aux États-Unis, point final »). La veille encore il avait refusé de l’admettre, avant d’enfin changer d’avis. Le sujet n’est pourtant pas encore clos, Trump affirmant maintenant que c’est le camp Clinton qui le premier, en 2008, a soulevé la controverse sur le lieu de naissance de l’actuel président.
Trump, le KKK, l’Alt-Right et l’extrême-droite
Parmi ceux à qui plaisent le style et les idées de Donald Trump, figurent divers mouvements d’extrême-droite, dont le soutien revendiqué est parfois gênant pour le candidat républicain. Ainsi fin février 2016 le milliard a-t-il feint de ne rien connaître du KKK et de son ex-dirigeant David Duke, lequel venait de déclarer qu’il soutenait Trump à 100%. Plus tard, le milliardaire affirmera avoir mal compris la question suite à un problème d’oreillette, et, sous la pression, il finira par désavouer tant le Ku Klux Klan que David Duke.
Plus généralement, Trump bénéficie d’un soutien massif de la part de l’Alt-Right, notamment le journal internet Breitbart News, dont l’un des dirigeants les plus en vue (Stephen Bannon) est devenu président de sa campagne en août 2016. Son embauche en septembre 2016 de David Bossie, le président de l’organisation Citizens United, a également fait jaser, John Podesta (le président de la campagne d’Hillary Clinton) déclarant alors : « Depuis maintenant des mois, Citizens United fait office de bras armé de la campagne de Trump, et le recrutement de Bossie ne fait qu’officialiser la situation. C’est simplement le dernier signe en date que Trump a placé aux commandes de sa campagne les éléments de la frange la plus extrême de la droite ».
Enfin, en août 2016, le président du parti nazi américain Rocky Suhayda a déclaré qu’une victoire de Trump représenterait une grande opportunité pour les nationalistes de bâtir des coalitions pro-blancs.
Les propos off de Trump au New York Times
Au début du mois de mars 2016, alors que les primaires battent leur plein, une rumeur se répand : au cours d’un entretien off the record (confidentiel, non-destiné à être retranscrit) avec des journalistes du New York Times, Donald Trump aurait expliqué ne pas penser tout ce qu’il répétait depuis des moins en matière d’immigration illégale, entre autres concernant le fameux « mur ». Aussitôt des appels se font entendre pour que Trump délie le New York Times du off et le laisse publier ses propos. En dépit des multiples exhortations de Cruz et Rubio lors du onzième débat républicain, Trump refuse, au prétexte du respect du off,
Trump et les vétérans de guerre
A deux reprises Trump a eu l’idée étonnante de s’en prendre à des vétérans de guerre. La première fois fut à l’été 2015, en tout début de campagne, lorsqu’il s’interrogea sur le statut de héros de guerre du sénateur John McCain, déclarant ne pas aimer les gens qui ont été fait prisonniers (McCain, adversaire républicain d’Obama en 2008, a été capturé et détenu pendant six ans lors de la guerre du Vietnam). Sa remarque déclencha un tollé.
Rebelote un an plus tard, quand les parents d’un soldat américain musulman tué en Irak critiquent ouvertement le milliardaire lors de la convention démocrate. Commence alors un virulent échange à entre les parties concernées, suivi d’une multitude de réactions offensées venues de toute part (y compris du camp républicain) pour fustiger l’attitude de Trump qui s’en prend à la famille d’un soldat mort au combat.
Dans un autre registre, et de manière moins médiatisée, Trump s’est aussi fait remarquer pour avoir tardé à verser les fonds récoltés lors d’une soirée de charité organisée en faveur des vétérans. L’affaire serait peut-être restée totalement inconnue si ladite soirée n’avait pas servi de prétexte au milliardaire pour ne pas se rendre au septième débat républicain, lors duquel il aurait dû affronter la journaliste de Fox News Megyn Kelly, avec qui il était en froid. Toujours est-il que, quelques mois plus tard, le Washington Post a vent de l’affaire et se met à enquêter, ce qui lui permettra de mettre à jour quelques-uns des cadavres à l’origine des affaires concernant la Fondation Trump.
Trump et les appels subliminaux au meurtre d’Hillary Clinton
Après les conventions de Cleveland et Philadelphie de fin juillet 2016, alors que la campagne est entrée dans sa dernière ligne droite, Trump sous-entend à au moins deux reprises que la seule façon de barrer la route à Clinton est … de l’abattre.
La première a lieu début août lors d’un meeting en Caroline du Sud : « si elle peut choisir ses juges [à la Cour suprême], il n’y a rien que vous puissiez faire les gars. Quoique, les défenseurs du Deuxième Amendement peuvent peut-être faire quelque chose, je ne sais pas ». Tollé général, auquel Trump rétorque en expliquant qu’il appelait simplement les partisans du port d’armes à se mobiliser afin de voter pour lui.
La deuxième se passe à la mi-septembre : Trump en remet une couche sur Hillary Clinton qui voudrait déposséder les Américains du droit de porter des armes et parle de désarmer ses gardes du corps pour ce qu’il se passerait. A nouveau les accusations d’appels au meurtre ne se font pas attendre, notamment de la part du sénateur démocrate Chris Murphy qui déclare que si un supporter du milliardaire venait à tuer Clinton, Trump aurait le sang de sa mort sur les mains.
Trump et les Mexicains
Les Mexicains illégaux aux États-Unis ont été l’arme-choc déployée avec succès par Trump dès le début de sa campagne. En les accusant de tous les maux, en les qualifiant de « dealers, criminels, violeurs » et en affirmant sa volonté de les expulser tous (qu’ils aient commis un crime ou pas), le milliardaire a électrifié sa base et mis le doigt sur une question visiblement sensible auprès d’une partie substantielle de l’électorat. S’en est suivi sa fameuse proposition de bâtir un mur à la frontière américano-mexicaine, un mur que le Mexique payera, qu’il le veuille ou non, dixit Trump.
Ce thème est un des marqueurs forts de la campagne de Trump au cours des primaires républicaines. Un doute s’élève toutefois à l’été 2016 lorsque la présidentielle entre dans sa dernière ligne droite : le milliardaire va-t-il maintenir sa position-choc jusqu’à l’absurde sur ce sujet ? Lui-même semble hésiter, et le mois d’août est marqué par plusieurs propos laissant entendre un adoucissement de la ligne dure qu’il avait prônée jusque-là, sans doute en vue de ménager un électorat hispanophone important pour gagner l’élection. L’incertitude sera toutefois levée au terme du journée du 31 août un peu folle, au cours de laquelle Trump se rend d’abord à Mexico pour y rencontrer le président Nieto, puis à Phoenix, où il livre dans la soirée un discours ne laissant aucune place à l’ambiguïté (cf. Du 29 août au 11 septembre : où Trump va à Mexico et Clinton chez le médecin).
Trump et le cyberterrorisme
Autre source de critiques pour Trump : ses déclarations fin juillet concernant les cyberattaques subies par le camp démocrate (cf. infra), des cyberattaques dont la Russie est soupçonnée d’être responsable, et que le magnat de l’immobilier semble encourager, puisqu’il a déclaré : « Russia, if you’re listening, I hope you’re able to find the 30,000 emails that are missing », en référence à des emails que Clinton aurait détruits lors de l’enquête sur sa messagerie privée. Et comme dans la foulée le candidat républicain a semblé ouvrir la porte à une reconnaissance de l’annexion de la Crimée par la Russie, les réactions virulentes (côté démocrate) ou gênées (côté républicain) ne se sont pas fait attendre, contraignant Trump à expliquer que sa sortie n’était qu’une petite blague.
Trump et le racisme
Les accusations de racisme envers Trump n’ont pas manqué au cours de la campagne. L’homme a, il est vrai, tendu le bâton pour se faire battre avec ses propos sur les immigrés clandestins mexicains « dealers, criminels, violeurs » et sa volonté d’interdire au moins temporairement l’immigration des musulmans (cf. Trump en folie après les attentats de Paris et San Bernardino). De leur côté, les démocrates ont exhumé une autre casserole : le refus de Trump que des appartements de ses immeubles soient loués à des Noirs. Les faits remontent aux années 1970 et sont évoqués par Clinton au cours du premier débat. Pour sa défense, le magnat de l’immobilier déclare que les poursuites pour discrimination évoquées par sa rivale ont abouti à un règlement à l’amiable sans reconnaissance de culpabilité. De la même manière, Clinton reprochera également à Trump « ses propos racistes à l’encontre d’Obama » (en référence à la polémique sur son lieu de naissance), ainsi que des insultes proférées à l’encontre de l’ex-Miss Univers Alicia Machado, notamment un « Miss Femme-de-ménage » qu’elle estime stigmatisant pour toute la communauté latino.
A noter que Donald Trump n’a pas été le seul membre de sa famille à faire parler de lui sur ce sujet, son fils Donald Jr. se faisant remarquer à la mi-septembre 2016 en publiant un tweet censé résumer le dilemme de l’accueil des réfugiés syriens : un bol de bonbons au chocolat (des « skittles ») accompagné de la question « si trois d’entre eux étaient empoisonnés, en prendriez-vous une poignée ? Voilà notre problème avec les réfugiés syriens ». Inutile de préciser que ce message a déclenché un tollé.
Trump et la (post-)vérité
Trump et la vérité, un débat sans fin, et peut-être complètement vain. L’homme est un habitué des déclarations à l’emporte-pièces, imprécises, exagérées, voire complètement mensongères. Depuis les primaires, des armées de fact-checkers se sont escrimés à vérifier ses affirmations et, la plupart du temps, à les contredire, avec des analyses précises et circonstanciées. Le bilan de ce travail de titan ? Très incertain. La démonstration des mensonges de Trump n’a eu aucune influence sur les primaires républicaines, et à peine plus sur la présidentielle. Comme si cela n’avait aucune importance, comme si cela était dérisoire, juste un bruit de fond qui participe à l’ambiance générale, sans déranger.
Le mensonge en politique n’est certes pas chose nouvelle, et Clinton en sait quelque chose, elle qui, d’une manière différente, par ses attitudes, ses omissions et ses circonvolutions, donne l’impression de régulièrement prendre ses aises avec la vérité. Toutefois, la proportion de mensonges assénés avec aplomb par Trump semble sans précédent, que ce soit sur des déclarations qu’il nie avoir tenues, sur des citations qu’il déforme, sur son parcours, sur sa réussite professionnelle, etc., etc. La liste est sans fin. Et si, répétons-le, ce comportement n’est ni nouveau ni exceptionnel, son ampleur et son efficacité malgré les démentis ont surpris, au point d’en laisser bon nombre d’observateurs ébahis.
Ce phénomène (qualifié de « post-vérité ») a pourtant au moins un précédent récent notable : la campagne du Brexit, au cours de laquelle les partisans du Out ont multiplié les affirmations chocs mais fausses. Celles-ci eurent beau être démenties sans relâche par les médias et les analystes, elles n’en imprimèrent pas moins dans l’esprit de beaucoup et ne furent pas pour rien dans le succès du Leave. Bref, peu importe la véracité des faits, peu importe le travestissement des réalités : pour une partie conséquente de l’électorat, l’émotion et la colère antisystème ont pris le dessus.
Trump et les insultes
Le recours à l’insulte est une des marques de fabrique du milliardaire. S’il s’en prend verbalement à ses opposants lors des débats, de meetings ou d’interviews, son vecteur favori n’en a pas moins été Twitter, dont le magnat de l’immobilier a usé et abusé. Le New York Times en a effectué le relevé et est arrivé à un total de 281 personnes, lieux ou choses insultées par Trump depuis le début de sa campagne (décompte arrêté au 23 octobre 2016). De son côté, le Time a créé un générateur d’insultes Donald Trump.
Trump et son équipe de campagne
A la différence de celle de Clinton, restée plutôt stable, l’équipe de campagne de Donald Trump aura connu bien des modifications en cours de route. La principale fut l’éviction de Corey Lewandowski en juin 2016. Partisan de la stratégie « Let Trump be Trump » (« Laisser Trump être Trump », c.-à-d. ne pas le brider, le laisser s’exprimer comme il l’entend), il doit céder la place à ceux qui souhaitent voir le milliardaire présidentialiser son image dès lors que l’investiture républicaine est obtenue. Parmi ceux-ci : Paul Manafort, arrivé en mars 2016 dans l’équipe et qui remplace ensuite Lewandowski au poste de directeur de campagne. Manafort ne reste toutefois pas longtemps en place : il doit démissionner en août suite à la révélation de son implication dans une affaire de corruption concernant l’ex-président ukrainien Viktor Ianoukovitch, dont il a été un conseiller. D’autres personnalités montent alors en grade ou rejoignent le milliardaire. C’est notamment le cas de Stephen Bannon, un polémiste politique haut en couleurs et président exécutif du site polémique d’informations Breitbart News qui soutient Trump depuis le lancement de sa campagne, mais aussi de Kellyanne Conway, une spécialiste des sondages politiques, déjà conseillère de Trump et désormais en charge des aspects plus stratégiques de la campagne. Plus tard encore, Trump nommera au poste de directeur-adjoint de sa campagne David Bossie, surtout connu pour avoir présidé le mouvement Citizens United, à la base de la fameuse décision de la Cour suprême levant les plafonds de financement aux candidats.
L’autre aspect-polémique concernant l’équipe de Trump est son efficacité sur le terrain. Ainsi, nombre d’observateurs pointèrent du doigt une inorganisation et une inexpérience qui coûtèrent sans la doute la victoire du milliardaire dans plusieurs caucus (notamment l’Iowa) remportés par Ted Cruz, bien mieux préparés. Cette question resurgit également à mesure que le duel avec Clinton avançait, le maillage du territoire par l’équipe de campagne de Trump s’avérant particulièrement léger en comparaison avec la machine de guerre démocrate, notamment dans certains Swing States importants (cf. l’article de la chaîne PBS The Trump campaign has a ground-game problem où il est révélé que, fin août 2016, Trump ne possédait que 88 bureaux électoraux dans 15 États-clefs, contre 291 à Hillary Clinton).
Trump : autres
Citons en vrac :
- Les polémiques concernant Melania Trump (son discours plagié de celui de Michelle Obama ; ses anciennes photos dénudées ; des accusations d’avoir été escort girl)
- L’affaire Michelle Fields, du nom d’une journaliste de Breitbart News qui a accusé Corey Lewandowski de l’avoir violemment tirée par l’avant-bras lors d’un meeting en Floride début mars 2016. L’affaire fit du bruit mais se solda finalement par un non-lieu faute de preuves.
- Trump et les médias : voir ci-dessus un bref aperçu de leurs relations acrimonieuses
- Etc.
2. Chez les démocrates
a) Polémiques diverses
Les super-délégués – Le Data Breach – Le DNC Leaks et le favoritisme pro-Clinton – La tentation de Bloomberg
Les super-délégués
La polémique sur les super-délégués démocrates est revenue avec vigueur cette année sur le devant de la scène. En cause : le très, très large soutien reçu par Hillary Clinton de la part des caciques du parti, un soutien presque unanime, qui rendait la course quasi jouée dès le départ.
Furieux de cette situation qui faisait apparaître comme inéluctable la victoire de Clinton, Sanders et ses partisans ont réclamé une modification des règles, estimant (comme d’autres avec eux) que les droits accordés aux super-délégués sont anti-démocratiques et qu’ils devraient a minima être contraints de voter selon le résultat des primaires de leur État.
Finalement battu par Clinton au décompte des délégués normaux, Sanders a néanmoins profité de son bon score pour négocier son ralliement et ainsi obtenir la promesse d’une réforme de ces super-délégués si controversés.
Le Data Breach
A la fin de l’automne, des membres de la campagne de Sanders ont eu indûment accès à des données informatiques provenant du staff de Clinton. Lors du troisième débat démocrate, Sanders a clarifié l’origine de ce data breach (piratage de données), expliqué que le membre de son staff concerné n’aurait pas dû consulter le listing concerné et que cette personne avait été licenciée. Il présenta alors ses excuses à Clinton qui les accepta et appela à passer à autre chose
Le DNC Leaks et le favoritisme pro-Clinton
A plusieurs reprises des voix sont élevées pour se plaindre d’une attitude outrancièrement favorable à Clinton de la part du DNC et de sa présidente Debbie Wasserman Schultz. Une première plainte entendue dès l’automne concerne le peu de débats prévus côté démocrate, et, plus encore, leur programmation à des jours de faibles audiences (les dimanches, ou la veille du jour férié Martin Luther King Day). Pour Sanders et O’Malley, c’est clair : ce choix a été effectué sciemment pour éviter qu’ils ne bénéficient d’une tribune trop favorable pour les mettre en valeur, exposer leurs idées et mettre trop souvent à mal la super-favorite démocrate.
La tension monte encore au fil des scrutins, par exemple en Arizona, où la mauvaise organisation de la primaire démocrate conduit non seulement à d’interminables files d’attentes, mais aussi à déclarer invalides plusieurs milliers de bulletins, principalement ceux d’électeurs considérés comme indépendants (seuls ceux enregistrés comme démocrates pouvaient voter dans cet État), ce que beaucoup ont contredit et parlé de fichiers non-actualisés. Et si Sanders ne conteste finalement pas le résultat de ce scrutin, la défiance de son camp à l’encontre du DNC et de Debbie Wasserman Schultz devient criante, avec des accusations de moins en moins voilées de favoritisme et de partialité.
Quelques mois plus tard, au moment de négocier son ralliement, Sanders mettra plusieurs conditions pour soutenir Clinton. Parmi celles-ci : la tête de Debbie Wasserman Schultz. L’a-t-il obtenue ? Les événements ne permettront pas de le savoir, le DNC-leaks (la révélation par Wikileaks juste avant l’ouverture de la convention démocrate de Philadelphie de milliers d’emails confirmant le favoritisme prononcé de Debbie Wasserman Schultz en faveur de Clinton) contraignant en effet l’intéressée à immédiatement démissionner. De son côté, Sanders ne fait pas d’éclat, maintient son soutien à Clinton et appelle sans retenue ses supporters à voter pour elle.
Ce sujet connaîtra un autre développement en octobre 2016, lorsque, dans le cadre de l’affaire des emails de John Podesta, WikiLeaks révélera un message dans laquelle l’actuelle président par intérim du DNC Donna Brazile a communiqué à l’avance à Hillary Clinton au moins une question qui allait être posée au cours du débat démocrate organisé à Flint par CNN, dont Brazile était alors une consultante.
La tentation de Bloomberg
Fin janvier, alors que s’approche l’ouverture des primaires et que Clinton est de plus en plus contestée par Sanders, Michael Bloomberg laisse entendre qu’il se lancerait bien dans la course à la présidentielle comme indépendant si le sénateur du Vermont venait à remporter l’investiture démocrate. Ce projet ne dépassera toutefois pas le stade des intentions, et le début mars, lorsque Clinton prend une avance nette, Bloomberg renonce à son idée.
b) Polémiques spécifiques à Clinton
Benghazi – Les emails – La Fondation Clinton – Uranium One – Clinton et l’Irak – Les conférences de Clinton – Les pitoyables – La santé d’Hillary – WikiLeaks et les emails de John Podesta – Huma Abedin –
Les attentats de Benghazi
(situation au 15 septembre 2015) Les attentats de Benghazi (Libye) se sont déroulés le 11 septembre 2012 et ont notamment visé les installations diplomatiques américaines installées dans la ville. Ils ont au total coûté la vie à quatre ressortissants américains, deux agents de la CIA, un fonctionnaire de l’ambassade et l’ambassadeur John Christopher Stevens.
Très vite des critiques se font entendre aux États-Unis quant à la réaction adoptée par Barack Obama et sa Secrétaire d’État Hillary Clinton. En cause : avoir d’abord affirmé que les attaques de Benghazi étaient survenues suites à des débordements spontanés liés à une manifestation de protestation contre la vidéo Innocence of Muslims (un film anti-islam qui venait d’être lancée sur Internet et faisait scandale dans les pays arables), alors qu’ils savaient pertinemment que lesdites attaques avaient été planifiées et réalisées par un groupe terroriste proche d’Al-Qaïda du nom d’Ansar al-Charia. Telle est du moins l’accusation lancée par les républicains et soutenue par diverses enquêtes des médias, l’objectif prêté à Obama (qui était alors en pleine campagne pour sa réélection) étant de ne pas renforcer l’impression que l’intervention en Libye tournait au désastre face à un adversaire organisé.
Cette accusation de mensonge à visée électoraliste (et qui se double un peu plus tard d’une deuxième sur des négligences quant à la sécurité des diplomates) ne retombe pas après la nouvelle victoire d’Obama, l’ire des républicains se concentrant en particulier sur Hillary Clinton, laquelle a fortement encouragé l’intervention en Libye. La pression constante maintenue par les républicains mène alors à la création d’une commission d’enquête du Congrès, laquelle sera le point de départ d’une autre affaire : celle des emails d’Hillary Clinton (cf. infra).
(situation au 15 octobre 2016) – L’affaire Benghazi a continué à peser sur Clinton principalement via la polémique de ses emails (cf. infra). Concernant Benghazi même, la principale évolution sur ce sujet a eu lieu en juin 2016, lorsque la commission d’enquête de la Chambre des représentants en charge du dossier a présenté les conclusions de ses travaux. Plusieurs manquements et erreurs de l’administration Obama ont été pointés dans le rapport, le principal étant d’avoir trop tardé à envoyer des renforts pour venir en aide aux fonctionnaires américains sous le feu des terroristes. Le rapport est également revenu sur le reproche de double discours tenu par Obama et Clinton, accusés d’avoir, pour des raisons électorales (la campagne pour l’élection 2012 battait alors son plein), affirmé que l’attaque était liée à un mouvement populaire spontané alors qu’ils savaient qu’elle était l’œuvre de terroristes qui l’avait dûment planifiée. L’essentiel de ces reproches étant connu depuis plusieurs mois, leur officialisation n’a pas suscité de remous supplémentaires immédiats. Hillary Clinton a refusé de les commenter et appelé à passer à autre chose.
De leur côté, les républicains n’ont pas manqué tout au long de la campagne de remettre sur le tapis la question du rôle de Clinton dans cette affaire. Au cours des deux premiers débats l’opposant à la démocrate, Trump a tenté un nouvel angle d’attaque en mettant en avant le nom de Sidney Blumenthal (un conseiller de longue date des Clinton), qu’il accuse d’avoir une responsabilité dans le déroulé des événements.
Les emails d’Hillary
(situation au 15 septembre 2015) De 2009 à 2013, Hillary Clinton a utilisé un email et un serveur privés dans le cadre d’activités liées à son mandat au département d’État (l’équivalent de Ministère des Affaires étrangères). Problème : un tel usage est interdit pour des raisons d’archivage obligatoire, de sécurité et de confidentialité.
L’existence de cette adresse et de ce serveur a été découverte par une commission de la Chambre des représentants mise en branle par les républicains pour enquêter sur les attentats de Benghazi. Confrontée à la nouvelle de cette découverte (révélée au public début mars 2015), Clinton a commencé par expliquer qu’une telle pratique était autorisée du temps de son mandat, ainsi qu’à dénier tout caractère confidentiel des messages ayant transité par le serveur incriminé. Las ! Un enquêteur a déclaré à la mi-août que plusieurs emails parmi ceux analysés contenaient des informations classifiées, voire que certains, étaient répertoriés « Top secret ». Des révélations gênantes pour une candidate à la présidence, mais pas autant que son attitude vis-à-vis de la commission, à qui elle a tardé pendant près de cinq mois à communiquer les disques durs et fichiers concernés, lesquels s’avérèrent en outre être incomplets (plusieurs milliers d’emails, considérés comme privés, ont été détruits), ravivant ainsi une méfiance jamais complètement éteinte à l’égard d’une femme souvent perçue comme dissimulatrice et manipulatrice.
Conséquences à l’heure actuelle (septembre 2015) : une image ternie (mais dans quelles proportions ?), une enquête du FBI sur le dos, des républicains déchaînés, et une affaire appelée à rester visible au moins jusqu’en janvier, lorsque le département d’État aura fini de publier tous les emails concernés. Pas vraiment l’idéal pour une campagne, qui plus est quand elle est poussive à l’allumage.
(situation un an plus tard, au 15 septembre 2016) – L’affaire des emails a empoisonné la vie d’Hillary Clinton tout au long de la campagne et continue à le faire. Le début de l’automne 2015 semblait pour autant annonciateur d’une accalmie : d’une part Sanders annonçait clairement qu’il n’entendait pas attaquer sa rivale sur ce sujet (cf. le premier débat démocrate où Sanders refuse d’attaquer Clinton sur ses emails), et d’autre part, quelques jours plus tard, Clinton passait sans encombre une audition-marathon devant la Commission Benghazi, face à laquelle elle a évité tout faux pas aux cours d’échanges longs, tendus et parfois vifs.
Las pour la favorite de la primaire, ses déboires en la matière ne font que commencer : au fur et à mesure que les emails concernés sont publiés (le processus devait durer jusqu’en janvier 2016), la quantité de messages classifiés « Top Secret » s’accroît. L’intéressée a beau se défendre en parlant de procédures de « reclassification rétroactive » de la part de l’administration, le scandale ne s’éteint pas, d’autant que les républicains continuent de l’agiter à tour de bras, et que, au début du printemps, un rapport d’audit indépendant demandé par le département d’État met à mal cette défense en remettant notamment en cause l’affirmation de Clinton d’avoir respecté les règles.
L’affaire rebondit au début de l’été. En mal d’abord, avec, fin juin, le tollé qui a suivi une conversation d’une demi-heure entre Bill Clinton et Loretta Lynch, l’attorney général des Etats-Unis (équivalent du ministre de la Justice). La rencontre, qui a eu lieu à l’aéroport de Phoenix, était apparemment fortuite et la discussion qui s’en est suivie n’aurait porté que sur des sujets anodins, mais elle fait mauvais genre et avive un sentiment de collusion et de non-respect de l’indépendance de la justice alors qu’Hillary Clinton est sous le coup d’une enquête criminelle du fait de ses emails.
La suite des événements est toutefois meilleure pour la candidate démocrate. En effet, après avoir été auditionnée le 2 juillet à huis clos pendant trois heures par le FBI sur ce sujet, elle a le bonheur d’apprendre trois jours plus tard que ce même FBI recommande qu’aucune poursuite ne soit entamée à son encontre, aucune intention de violer la loi n’ayant été démontrée, le seul reproche à formuler étant d’avoir été « extrêmement » négligente. Le directeur de l’agence qui a effectué cette déclaration a également tenu à préciser qu’aucune intervention de l’attorney général Loretta Lynch n’avait eu lieu dans cette affaire. Celle-ci s’était par ailleurs engagée à l’avance à respecter les recommandations du FBI quelles qu’elles soient, ce qui, vu ce qu’elles sont, signifient la fin de toute enquête judiciaire à l’encontre de Clinton, à la fureur des républicains qui hurlent à la connivence et au traitement de faveur.
Fin de l’histoire, donc ? Non. Le premier soubresaut survient le 16 août, lorsque le Congrès obtient la remise par le FBI du dossier confidentiel consacré à l’affaire, donnant ainsi l’impression de vouloir se lancer dans une sorte d’enquête sur l’enquête. Le second soubresaut a lieu une semaine plus tard, lorsqu’un juge fédéral ordonne au département d’État de rendre public avant l’élection du 8 novembre 15 000 emails supplémentaires liés à la correspondance de Clinton à l’époque où elle travaillait pour l’administration Obama. Ces nouveaux faits n’apportent a priori rien de neuf à une saga qui dure depuis un an et demi déjà, mais ils maintiennent une certaine pression sur la candidate en entretenant le soupçon de dissimulation et malhonnêteté, et montrent que les républicains sont bien décidés à ne pas lâcher le morceau, ce que les démocrates qualifient « d’acharnement ».
31 octobre 2016 – Les emails de Clinton continuaient de planer sur la campagne, mais de manière mécanique, presque ordinaire, avec Trump et les républicains continuant d’agiter cette controverse pour tenter d’affaiblir la démocrate. Ainsi Trump répétait-il que sa rivale avait détruit 33 000 messages, ainsi se moquait-il de l’excuse qu’elle avait avancée au FBI pour justifier son ignorance de la confidentialité de certains documents (en bref : elle a déclaré aux enquêteurs ne pas savoir que le « C » apposé sur certains papiers signifiait « Confidentiel »), ainsi pouvait-il la traiter en boucle de criminel, tout cela ne changeait pas fondamentalement la donne : l’affaire ne connaissait plus de remous judiciaire depuis que le directeur du FBI James Comey avait déclaré en juillet qu’elle ne nécessitait pas de poursuites, et elle apparaissait désormais comme digérée par la majorité Américains public, au point de ne plus risquer de compromettre une élection qui apparaissait désormais quasiment gagnée.
Et puis, patatras pour la démocrate : dans une lettre envoyée au Congrès le 28 octobre, le directeur du FBI James Comey annonce qu’il relance l’enquête. En cause, un rebondissement rocambolesque : Anthony Weiner, l’ex-mari d’Huma Abedin (proche conseillère de Clinton) est poursuivi pour avoir envoyé des messages à caractère sexuel à une mineure. Un des ordinateurs de Weiner est saisi et, sur celui-ci, qu’il partageait avec son ex-femme, sont découverts des milliers d’emails liés à la correspondance non-sécurisée de Clinton. Ces emails sont-ils différents de ceux qui ont déjà été publiés ? Certains de ceux que l’ex-Secrétaire d’État a détruits s’y retrouvent-ils ? Pour l’instant, nul le sait, le FBI doit le déterminer sur base de l’autorisation qu’il obtient le 30 octobre pour aller plus en avant dans l’étude de ces messages. En attendant, le camp démocrate est furieux et dénonce une manœuvre partisane. De son côté, Trump exulte. A dix jours du vote, la campagne est-elle vraiment relancée ?
Le résumé complet du rebondissement
7 novembre 2016 (veille du scrutin) – Dimanche 6 novembre, le directeur du FBI James Comey a annoncé que ses services ont terminé la vérification des emails trouvés sur l’ordinateur utilisé par l’ex-couple Huma Abedin et Anthony Weiner. Verdict : rien de particulier n’a été trouvé et le FBI confirme les conclusions qu’il avait rendu en juillet (c.-à-d. ne pas entreprendre de poursuites à l’égard d’Hillary Clinton).
Fin de l’histoire ? Ce rétropédalage n’annule pas l’effet provoqué par la sortie de Comey il y a une semaine, et il est probable que celui-ci aura des comptes à rendre si Clinton l’emporte. C’est peu dire en effet que cet « intermède » a été peu goûté par la candidate démocrate, laquelle a reçu un coup auquel elle ne s’attendait pas, et qui a substantiellement amplifié le redressement que Donald Trump manifestait alors dans les sondages. Un redressement suffisant pour renverser une situation qui il y a dix jours était complètement compromise ? Les observateurs sont sceptiques, d’autant que la mise au point hier du FBI n’est pas favorable au milliardaire. En réaction, celui-ci s’est déclaré surpris que l’agence fédérale ait réussi à passer en revue 650 000 emails en une semaine alors qu’il lui avait fallu un an pour analyser les 50 000 trouvés sur le server de Clinton. De son côté, Reince Priebus (le président du RNC) a déclaré que les enquêtes concernant la Fondation Clinton, elles, étaient toujours en cours. La semaine passée (le 2 novembre), le Wall Street Journal avait évoqué des dissensions qui opposent le FBI au Ministère de la Justice sur la manière de traiter les soupçons portant sur la Fondation et l’intensité à donner aux recherches (voir le compte-rendu qu’en donne The Daily Wire).
La Fondation Clinton
Organisation à but non-lucratif en 1997 afin de mener des actions de charité à travers le monde entier, la « Bill, Hillary & Chelsea Clinton Foundation » peut compter sur des dons conséquents de la part de mécènes étrangers, dont l’Arabie saoudite (entre $10m et $25m de dollars sont cités), le Qatar, les Émirats Arabes unis, l’Algérie, Brunei, etc., ou encore des personnes privées tel le gendre de l’ex-président ukrainien Leonid Koutchma. L’identité de ces donateurs alimente depuis longtemps les accusations de conflit d’intérêts concernant le rôle de Secrétaire d’État tenu de 2009 à 2013 par Hillary Clinton, laquelle aurait pu, selon plusieurs virulents critiques, profiter de sa fonction pour négocier des versements en faveur de sa fondation en échange d’avantages politiques. Un exemple de ce genre de situations litigieuses est donné par le cas Uranium One.
Bien qu’aucun élément concret ne soit jusqu’à présent venu étayer ces affirmations, le camp Trump a profité de la mention de certains de ces donateurs dans les emails rendus publics par le FBI pour ouvrir une nouvelle ligne de feu vis-à-vis de la candidate démocrate, le magnat de l’immobilier parlant de corruption (« No issue better illustrates how corrupt my opponent is than her pay for play scandals as secretary of state ») et demandant la nomination d’un procureur spécial pour enquêter sur le sujet. Du côté Clinton, ces accusations sont évidemment formellement démenties, même si Bill a reconnu que la Fondation devrait renoncer aux dons étrangers si son épouse était élue présidente.
Mise à jour au 7 novembre (veille du scrutin) – La fournée quotidienne de WikiLeaks sur les emails de John Podesta s’intéresse aujourd’hui aux relations entretenues avec la Fondation Clinton par Marc Mezvinsky, (le mari de Chelsea Clinton), lequel est soupçonné d’avoir utilisé sa belle-famille et leur fondation pour attirer des investisseurs dans son hedge fund. Ex-partner chez Goldman Sachs, Mezvinsky cherchait en effet à obtenir des clients pour le fond d’investissements qu’il venait de créer et aurait profiter d’un des tournois de poker organisé par la Fondation Clinton pour démarcher de riches participants. Le résumé de ces révélations par Politico.
Uranium One
Un autre exemple de relations troubles a été dévoilé en avril 2015 lors de la parution du livre Clinton Cash, écrit par le consultant politique Peter Schweizer. Celui-ci revient sur le cas d’une société étatique russe (Rosatom) cherchant en 2009 à prendre une participation dans une entreprise canadienne (Uranium One) active dans les mines d’uranium et possédant des activités aux Etats-Unis. Pour mener à bien cette opération financière, l’accord de plusieurs agences fédérales américaines était nécessaire, dont celui du Département d’Etat, alors dirigé par Hillary Clinton et qui donna finalement son feu vert. Le problème ? Selon Schweizer, plusieurs personnes liées à Rosatom ont effectué divers dons à la Fondation Clinton et rémunéré grassement Bill Clinton pour quelques conférences. Les preuves décisives manquent toutefois pour vraiment affirmer qu’il y a eu corruption, mais ce genre d’histoire illustre le flou récurrent avec lequel les Clinton mêlent leurs différentes activités et combien régulièrement il leur arrive de flirter avec la ligne rouge.
Pour un résumé de l’affaire et de l’utilisation que Donald Trump a tenté d’en faire au cours de la campagne, voir l’analyse que Politifact y a consacré.
Clinton et l’Irak
Le vote d’Hillary Clinton en 2002 au Sénat en faveur de la guerre en Irak a été amplement utilisé par Sanders pour tenter de décrédibiliser la candidate et remettre en cause son jugement. De son côté, l’intéressée a depuis longtemps admis que ce vote avait été une erreur.
Les conférences de Clinton
Les conférences données par Clinton à Goldman Sachs et rétribuées pour $600 000 ont été un angle d’attaque important pour Bernie Sanders, lequel n’hésite pas à revenir régulièrement sur cette pratique et à demander que sa rivale publie les discours qu’elle avait prononcés lors de ces événements. Faussement naïf, il ajoute « trouver très étrange que cette institution financière majeure, qui a payé cinq milliards d’amendes pour avoir enfreint la loi, n’ait aucun de ses dirigeants poursuivis en justice, alors que dans le même temps, des gamins qui fument de la marijuana sont envoyés en prison » (quatrième débat démocrate).
Il revient sur ce sujet lors du septième débat démocrate et redemande la publication des discours concernés. Réponse de Clinton : « J’ai déjà dit que je les publierai lorsque tout le monde le fera ». Narquois, Sanders rétorque : « Je suis votre opposant démocrate, je les publie ici et maintenant, voilà, il n’y a rien, je ne prononce pas de discours à Wall Street pour des centaines de milliers de dollars ». Puis il revient sur Goldman Sachs qui a payé une amende énorme mais dont aucun cadre n’a été poursuivi.
Une dernière passe d’armes les opposera sur ce même thème lors du neuvième débat démocrate, Sanders revenant à la charge soutenu par les modérateurs qui s’étonnent que la candidate continue de ne pas rendre public ses discours. La candidate se justifie en expliquant que cette demande ne fait pas partie de ce qui était généralement attendu de la part d’un candidat à la présidentielle, mais qu’elle est prête à y accéder si tout le monde accepte de faire pareil. Elle tente ensuite de faire diversion en déclarant que, elle, elle a publié trente ans de déclarations fiscales au contraire de Sanders, qui n’en a publié aucune. Celui-ci annonce qu’il rendra dès demain publique sa déclaration de 2014, et que les autres années suivront prochainement. Quant à l’argument de Clinton pour ne pas dévoiler le contenu de ses discours, il y répond comme déjà fait dans un précédent débat : « I’m going to release all the transcripts of the speeches I gave on Wall Street behind closed doors (…). There were no speeches ». Bilan de la séquence : l’impression irrépressible qu’il doit vraiment y avoir quelque chose de dérangeant dans ces discours pour que Clinton s’obstine ainsi à ne pas les publier, qui plus est en recourant à des arguments aussi fallacieux que ceux qu’elle avance.
La controverse est relancée le 7 octobre 2016 lorsque WikiLeaks révèle le contenu des discours tenus à Goldman Sachs par Hillary Clinton. La nouvelle passe toutefois quasiment inaperçue, noyée qu’elle est dans le maelström déclenché par la révélation de propos anciens de Trump concernant les femmes.
Les pitoyables
Début septembre 2016, lors d’une levée de fonds à New York, Clinton : « To just be grossly generalistic, you can put half of Trump supporters into what I call the basket of deplorables. Right ? Racist, sexist, homophobic, xenophobic, Islamaphobic, you name it » (« en gros, la moitié des partisans de Trump peuvent être placés dans ce que j’appelle le panier des pitoyables. Racistes, sexistes, homophobes, xénophobes, islamophobes, au choix) », ajoutant plus tard « they are irredeemable, but thankfully they are not America » (« ils sont incorrigibles, mais heureusement ils ne sont pas l’Amérique »). Du coup, évidemment, tollé : Michael Pence parle des électeurs du milliardaire comme des Américains qui travaillent dure et méritent d’être respectés, et plusieurs observateurs renchérissent en estimant que Clinton a commis une erreur en stigmatisant ainsi l’électorat de son adversaire. Vu de ces réactions, l’intéressée décide alors de ne pas assumer entièrement ses propos et exprime ses regrets, non sans rappeler qu’elle a décrit l’autre moitié des supporters de Trump comme des gens en quête de changement par anxiété économique (« people who are looking for change in any form because of economic anxiety »). Et en guise de conclusion, elle affirme qu’elle n’aura de cesse de dénoncer la bigoterie et les théories racistes dans cette campagne.
La santé d’Hillary
Aux alentours de la mi-août 2016, la question de la santé d’Hillary Clinton commence à prendre de l’ampleur. Au départ, un bruit de fond : celui de la sociosphère conservatrice qui alimente nombre rumeurs évoquant des problèmes qui d’épilepsie, qui de démence, la plupart basées sur des images détournées et sur-interprétées, voire des faux. Bref, beaucoup d’attaques fallacieuses, apparemment sans grand fondement (voir l’article du Monde La « maladie » de la candidate Clinton, intox persistante de la presse de droite aux États-Unis), mais qui n’en circulent pas moins, et auxquelles Trump ne se prive pas de faire allusion.
L’affaire va toutefois commencer à s’amplifier le vendredi 2 septembre suite à un énième épisode concernant ses emails (cf supra). Ce jour-là en effet paraissent des notes d’enquêtes inédites du FBI, lesquelles, outre des commentaires sur la négligence de celle qui était alors Secrétaire d’État, évoquent une commotion cérébrale et un caillot sanguin dans le crâne survenus en décembre 2012 (ce qui était connu), mais aussi … des pertes de mémoire qu’elle subissait à l’époque. L’info fait mauvais genre, mais ce n’est qu’un apéritif.
L’entrée arrive trois jours après, lors d’un discours dans l’Ohio au cours duquel Clinton est prise d’une quinte de toux qui s’éternise deux bonnes minutes. Et si elle en profite pour lâcher une blagounette sur les crises d’allergie que Trump provoque chez elle, l’incident fait le délice de ses détracteurs les plus acharnés, lesquels entrent en transe six jours plus tard lorsque, au cours de la commémoration du 11 septembre qui se tenait à Ground Zero, leur cible favorite est victime d’un malaise qui la contraint à s’éclipser. Le verdict tombe quelques heures plus tard : la candidate soufre d’une pneumonie et suspend sa campagne pour au moins deux jours. Cette affection lui avait en fait déjà été diagnostiquée dès vendredi, mais l’information a été tenue secrète pour ne pas faire de vagues, ce qui, au vu du déroulé du week-end, est plutôt raté et renforce les interrogations tant sur sa santé que sur son manque de transparence et sa manie de jouer avec la vérité.
Finalement, au deux jours de repos initialement prévus, Clinton en rajoute un troisième avant de reprendre le cours normal de sa campagne. Auparavant elle rend public un bulletin de santé rédigé par sa médecin traitante, dans lequel cette dernière déclare notamment que sa patiente « continues to remain healthy and fit to serve as President of the United States » (« elle est en bonne santé et apte à exercer la fonction de Président des États-Unis »).
Clinton réagit également à la volée de bois vert qu’elle s’est prise de la part des médias qui lui ont vigoureusement reproché son manque de transparence et sa capacité à continuellement donner l’impression de cacher des choses, avançant pour sa défense que, si elle n’avait pas parlé plus tôt de sa pneumonie, c’est parce qu’elle en avait sous-estimé la gravité. De son côté, Trump s’est d’abord gardé de surenchérir et s’est contenté d’un « J’espère qu’elle se remettra vite » que l’on imagine sans mal être ironique. Il s’est ensuite vanté de l’excellence de sa propre santé, ce qu’a confirmé le docteur Mehmet Oz (son médecin traitant) au cours d’une émission télé médicale qu’il anime. La révélation de son surpoids (121kg) a néanmoins fait jaser, Trump le justifiant par un excès de fast-food durant la campagne.
Par la suite, Trump tente encore et toujours d’instiller le doute sur l’endurance et la capacité de sa rivale à exercer le job de président, moquant notamment ses retraites avant les débats (Clinton a à chaque fois fortement réduit ses apparitions publiques dans les jours précédant les débats afin de mieux se préparer) et demandant à ce qu’un contrôle anti-dopage soit effectué pour vérifier qu’elle ne prend pas de substances excitantes lors de ces soirées (bien que ce soit le milliardaire qui ait par moments le plus donné l’impression d’avoir pris quelque chose).
WikiLeaks et les emails de John Podesta
Semaine du 10 au 16 octobre 2016 – Julian Assange l’avait promis : WikiLeaks passe à l’offensive à un mois du 8 novembre et publie désormais presque quotidiennement des fournées d’emails concernant la candidate démocrate.
Commencée dès vendredi 7 octobre 2016, la charge a dans un premier temps été complètement éclipsée par la vidéo polémique sur les propos de Donald Trump envers les femmes. Après avoir atteint son apogée dimanche avec le deuxième débat des candidats, puis lundi, avec l’annonce de Paul Ryan qu’il cessait de faire campagne pour Trump, la tempête s’est ensuite calmée et, même si la mer demeure agitée, davantage d’attention a enfin pu être portée aux publications de WikiLeaks.
A partir d’emails obtenus via le piratage de l’adresse électronique de John Podesta, WikiLeaks a notamment sorti les fameuses conférences prononcées par l’ex-Secrétaire d’Etat à Goldman Sachs. Comme dans le cas du DNC-leaks, ces passages ne contiennent pas spécialement de grandes révélations, mais apportent la confirmation de ce que pressentait quiconque suit de plus ou moins loin la campagne, à savoir un discours pas totalement ni forcément à double-face, mais délivré avec plus de franchise quand elle s’adresse au monde de la finance, notamment lorsqu’elle déclare que certaines décisions (tel que l’adoption du Dodd-Frank Act) l’ont été pour des raisons politiques, afin de montrer à la population que des actions étaient prises pour contrôler Wall Street.
D’autres passages sont plus gênants, notamment quand elle déclare lors d’un événement à la Deutsche Bank en 2014 que le secteur financier doit se réguler lui-même, ou, lorsque, dans un discours de 2013, elle plaide pour davantage de libre-échange, bref autant de sujets où ses positions sont connues pour être mouvantes et qui ne contribueront pas à améliorer la méfiance d’une grande partie de la population à son égard, mais qui, à tort ou à raison, ne devraient pas non plus substantiellement l’aggraver.
De son côté, l’équipe de la candidate a fait peu de commentaires sur ces publications, préférant surtout réitérer ses accusations de connivence entre WikiLeaks et la Russie au profit de Donald Trump, et aussi comparer cette affaire avec celle du Watergate.
Semaine du 17 au 23 octobre 2016 – La publication quotidienne d’emails de John Podesta par WikiLeaks se poursuit. Les informations révélées cette semaine manquent toutefois de croustillant pour réellement influencer la campagne. Seule exception peut-être : des propos de Clinton parlant du soutien logistique et financier du Qatar et de l’Arabie saoudite à Daech, lesquels confirment ainsi un secret de polichinelle (à savoir les soupçons par des dirigeants américains que des monarchies du Golfe aident – ou ont aidé – l’État islamique en sous-main).
Pour le reste, pas vraiment de quoi fouetter un chat : quelques opinions de la candidate sur divers sujets (par exemple que le dirigeant Chinois Xi Jinping est plus expérimenté que son prédécesseur Hu Jintao, ou qu’il faut aider les rebelles syriens contre el-Assad et Poutine, ou encore qu’il faut cerner la Corée du Nord de missiles si la Chine n’intervient pas pour la contrôler), ou quelques petits secrets de campagne telle la liste des vice-présidents possibles évoqués à un moment ou un autre (une quarantaine de noms est donnée, dont ceux d’Elizabeth Warren et Bernie Sanders, mais aussi ceux de Bill et Melinda Gates, ou encore celui du patron d’Apple Tim Cook)
Bref, à moins que WikiLeaks n’ait gardé du très lourd pour la fin, cette affaire ne devrait être qu’un léger désagrément pour la démocrate, laquelle continue de ne pas répondre aux questions sur le contenu des emails dévoilés, préférant mettre l’accent sur le responsable selon elle du piratage à l’origine de ces fuites, la Russie.
En attendant, les mesures de rétorsion contre Assange commencent à être prises : son accès internet à l’ambassade équatorienne de Londres où il est reclus depuis 2012 lui a en effet été restreint par … ses hôtes eux-mêmes, le gouvernement de l’Équateur respecter « le principe de non-intervention dans les affaires d’autres pays et ne pas s’immiscer dans les processus électoraux en cours, ni ne soutenir un candidat en particulier ». De là à imaginer des pressions américaines …
Semaine du 24 au 31 octobre 2016 – WikiLeaks continue son travail de sape. Parmi les nouvelles fournées de cette semaine figure une implication d’Obama dans la controverse des emails. Le président avait en effet déclaré n’avoir appris le problème qu’en même temps que celui-ci était révélé, ce qu’un message à John Podesta dévoilé par WikiLeaks semble contredire. Un porte-parole d’Obama est intervenu peut après cette révélation pour clarifier la réponse du président : celui-ci savait que Clinton n’utilisait pas la messagerie officielle de l’administration fédérale, mais il ignorait tout des conditions dans lesquelles elle le faisait. En réaction, Trump veut que le rôle d’Obama dans cette affaire soit clarifié par une enquête du FBI.
Semaine du 1 au 6 novembre – Les emails piratés de John Podesta ont fait une victime : Donna Brazile, la présidente par intérim du DNC, mais qui est aussi consultante chez CNN, un poste dont elle a dû démissionner. En cause : la révélation qu’elle a fourni à l’équipe de Clinton au moins une des questions qui seraient posées lors du débat démocrate à Flint organisé par CNN en mars 2016. Les rumeurs qui avaient circulé il y a quelques semaines sur une Clinton informée à l’avance de questions posées lors des débats se voient ainsi confirmées, ternissant davantage encore l’image d’un DNC dont la collusion avec l’ex-First Lady au détriment de Sanders est une fois de plus démontrée (NB : au moment des faits, Donna Brazile n’était pas présidente par intérim du Comité, seulement membre, la présidence étant alors occupée par une autre figure controversée, Debbie Wasserman Schultz).
7 novembre (veille du scrutin) – La fournée quotidienne de WikiLeaks sur les emails de John Podesta s’intéresse aujourd’hui aux relations entretenues avec la Fondation Clinton par Marc Mezvinsky, (le mari de Chelsea Clinton), lequel est soupçonné d’avoir utilisé sa belle-famille et leur fondation pour attirer des investisseurs dans son hedge fund. Ex-partner chez Goldman Sachs, Mezvinsky cherchait en effet à obtenir des clients pour le fond d’investissements qu’il venait de créer et aurait profiter d’un des tournois de poker organisé par la Fondation Clinton pour démarcher de riches participants. Le résumé des ces révélations par Politico.
Huma Abedin
Vice-présidente de la campagne d’Hillary Clinton, Huma Abedin défraye brièvement la chronique à la fin du mois d’août 2016 suite à sa demande de divorce, son mari Anthony Weiner (ex-représentant de l’État de New York à la Chambre) s’étant fait attraper pour la troisième fois en cinq ans sur les réseaux sociaux occupé à échanger avec des femmes des photos suggestives, dont (cette fois-ci) une prise alors que son jeune enfant dort à ses côtés.
Les remous sur la campagne sont en revanche beaucoup plus violents deux moins plus tard (le 28 octobre). Accusé d’avoir envoyé à une mineure des messages à caractère sexuel, Anthony Weiner voit un de ses ordinateurs saisis par le FBI. Surprise : la machine (qui était utilisée conjointement par Huma Abedin) contient des milliers d’emails liés à l’affaire qui empoisonne la vie d’Hillary Clinton depuis plus d’un an et demi. Dès lors, le directeur du FBI James Comey avertit le Congrès qu’il doit relancer l’enquête sur ce sujet, et la campagne de Clinton de vaciller à dix jours d’une élection qui lui semblait acquise.
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