Introduction (20 janvier 2012)
Surfant sur les thèmes de l’insécurité, de l’immigration et du protectionnisme que ses adversaires de l’UMP ont gentiment alimentés pour elle, Marine Le Pen est-elle en mesure de se qualifier pour le second tour ? Moins sulfureuse que son père, elle tente de donner au FN davantage de respectabilité mais est loin de l’avoir rendu fréquentable pour autant. Elle profite toutefois à plein de la crise économique permanente qui gonfle les rangs des mécontents, et est annoncée depuis un an aux alentours de 20%. Dans ces conditions, elle est un risque majeur pour Sarkozy, surtout si l’électorat de celui-ci est également siphonné par Bayrou.
Des quatre candidats aux intentions de vote les plus élevées, elle est toutefois la seule à qui aucune chance de gagner n’est accordée, étant admis que sa présence au second tour entrainera aussitôt une forte mobilisation contre elle, semblable (quoique moindre en intensité) à celle rencontrée par son père en 2002.
A noter que Marine Le Pen, comme son père en son temps, annonce être à la peine pour l’obtention des cinq cents parrainages.
La présentation de tous les candidats
Intentions de vote à la mi-janvier 2012
Le sondage réalisé par les 13 et 14 janvier par l’institut Ipsos montre une érosion chez Hollande, mais également chez Sarkozy. Tout profit pour Bayrou qui se relance et ouvre la possibilité d’un match à quatre. Mélenchon continue de ne pas décoller, Le Pen reste stable, Joly chute.
Par rapport aux votes de 2007, le rassemblement réussi par Sarkozy s’effondrerait au profit du FN qui retrouverait son niveau de 2002, mais pas des Divers droites qui ne récolteraient qu’un maigre 4% (elles avaient atteint 13,4% en 2002). Les réserves de Sarkozy pour le second tour seraient donc faibles et il devrait espérer un report très favorable du FN et du Modem pour l’emporter. En hausse, le PS attirerait une partie des voix du centre et parviendrait à faire jouer le vote utile, avec, comme victime collatérale, l’extrême-gauche (PCF, LCR/NPA et LO), dont le score agrégé demeurerait loin de celui obtenu en 2002. Reste le Modem, en baisse par rapport à 2007, mais nettement supérieur au niveau 2002, pour autant que Bayrou maintienne la tendance, voire l’accélère.
En ce qui concerne le second tour, l’avance de Hollande s’éroderait mais resterait large. Niveau report des votes, Hollande ferait le plein sur l’extrême-gauche et les Verts, et capterait la majorité des électeurs de Bayrou, ceux de Le Pen se répartissant de manière égale entre les deux candidats testés et les « Ne se prononcent pas ».Semaine du 29 janvier au 5 février
De passage au 20h de TF1 le dimanche 29, Nicolas Sarkozy continue de ne pas se déclarer et annonce toute une série de mesures présentées comme urgentes … mais qui n’entreront en vigueur qu’après la présidentielle (pour autant que le vainqueur ne décide pas de les supprimer).
Sitôt après cette intervention, Marine Le Pen déclare que Nicolas Sarkozy l’a désignée comme son véritable adversaire. Elle continue tout au long de la semaine d’agiter la menace de ne pas pouvoir se présenter faute de parrainages suffisants, dénonçant « le rêve de la classe politique » que serait son élimination avant même le premier tour. Ses adversaires de tous bords dénoncent une stratégie de victimisation et de bluff. Une exception : la candidate de Lutte ouvrière, Nathalie Arthaud, qui se fait remarquer en disant qu’il ne serait pas normal que Marine Le Pen ne puisse pas se présenter faute de parrainages suffisants.
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Semaine du 6 au 12 février
Continuant de ne pas se déclarer, Nicolas Sarkozy dévoile dans une interview au Figaro Magazine ses « valeurs », qui, pour beaucoup d’observateurs, portent la patte du conseiller ultradroitier Patrick Buisson (qui a entre autres été journaliste à Minute). Selon le spécialiste d’histoire politique Christian Delporte dans Libé, « c’est la troisième stratégie de Sarkozy. Il y a eu le président protecteur, puis le président courage, et maintenant, c’est le président à droite toute. Cela montre qu’il cherche d’abord à bétonner son score au premier tour ».
De son côté, Marine Le Pen continue sa quête des parrainages. En meeting à Strasbourg, elle martèle un message de « défense de la laïcité » visant évidemment l’islam et les immigrés.
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Semaine du 13 au 19 février
Nicolas Sarkozy annonce officiellement sa candidature lors du JT de 20h de TF1 du mercredi 15.
Devant la polarisation Hollande-Sarkozy de la campagne, les autres candidats peinent à se faire entendre, Marine Le Pen exceptée, grâce à 1°) un passage médiatisé (mais sans éclats) chez Laurent Ruquier, 2°) une sortie sur l’abattage halal en Île-de-France, 3°) une intervention de son père citant Robert Brasillach, et 4°) un meeting à Lille le dimanche 19, où elle déclare : « Sarkozy est le candidat de la France morte ».
François Bayrou propose que les grands partis se rencontrent et discutent des moyens à mettre en œuvre si Marine Le Pen ne parvenait pas à rassembler les cinq cents parrainages. Refus de celle-ci qui salue le comportement républicain du leader du Modem, mais indique qu’elle n’appelle pas à l’aide. Refus également des grands partis.
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Semaine du 20 au 26 février
Sondage Ipsos-Le Monde réalisé après l’annonce de candidature de Sarkozy et ses premiers meetings. L’écart avec Hollande est inchangé par rapport au dernier sondage réalisé avant l’entrée en lice officielle du candidat UMP. A contrario, la perspective d’un match à quatre s’éloigne, Le Pen se tassant et Bayrou tombant au point d’être talonné par Mélenchon.
Le reste de la semaine
Marine Le Pen refuse d’abord de se rendre à Des Paroles et des Actes pour y débattre avec Jean-Luc Mélenchon. Elle consent finalement à venir, mais refuse toute discussion avec son adversaire, préférant lire ostensiblement un journal pendant l’intervention de celui-ci. La crédibilité de la candidate FN en prend un coup et Mélenchon a le champ libre pour attaquer son programme. La semaine est difficile pour Le Pen qui voit en outre, d’une part, le Conseil constitutionnel rejeter sa demande de suppression de la publicité des parrainages, et, d’autre part, ses intentions de vote s’éroder, l’entrée en campagne à droite toute de Sarkozy faisant son petit effet.
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Semaine du 27 février au 4 mars
La semaine est marquée par Hollande qui frappe à 75% et Sarkozy qui se fait houspiller à Bayonne.
De son côté, Marine Le Pen annonce jeudi au JT de France 2 qu’il lui manque 48 parrainages et lance un appel aux maires pour la soutenir. Plus tôt dans la semaine, des sympathisants FN ont pris à partie le socialiste Arnaud Montebourg et sa compagne la journaliste Audrey Pulvar.
Suite de l’émission Des Paroles et des Actes de la semaine passée : vexé des attaques sur sa fille, Jean-Marie Le Pen s’en prend vertement à Jean-Luc Mélenchon et veut débattre avec lui. Le leader du Front de gauche réserve sa réponse.
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Semaine du 5 au 10 mars
Le début de semaine est marqué par l’emballement de la question halal. Rétroactes : Marine Le Pen dénonce il y a trois semaines le fait que toute la viande mangée en Île-de-France provient d’animaux abattus suivant le rituel halal. Les associations d’abattage démentent et Nicolas Sarkozy déclare que « ce débat n’a pas lieu d’être ». La polémique n’en reste pas moins latente et, trois semaines plus tard, le président sortant change de point de vue et se déclare « pour l’étiquetage de la viande en fonction de la méthode d’abattage ». Ces propos ont été précédés par une sortie de Claude Guéant liant halal et droit de vote des étrangers, et suivis par une déclaration du Premier Ministre François Fillon sur « les traditions ancestrales qui ne correspondent plus à grand-chose alors qu’elles correspondaient dans le passé à des problèmes d’hygiène », avant que Sarkozy n’en rajoute une couche en déclarant que « le halal est au cœur des préoccupations des Français ». Un sentiment de malaise gagne l’UMP et la communauté musulmane, mais aussi la communauté juive, laquelle se sent également visée. C’en est trop et Sarkozy fait marche arrière, préconisant désormais un simple « étiquetage sur base du volontariat » et demandant que soit mis un terme à « cette polémique qui n’a aucun intérêt ». La chasse sur les terres FN reste décidément un sport périlleux.
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Semaine du 11 au 18 mars
La semaine est marquée par la sursaturation de l’espace médiatique par Nicolas Sarkozy et la prise de la Bastille par Jean-Luc Mélenchon.
Elle l’est aussi par le rush final pour l’obtention des cinq cents parrainages, lesquels doivent parvenir au Conseil constitutionnel pour le vendredi 16 mars dernière limite. Aux certitudes que sont Sarkozy, Hollande, Bayrou, Joly et Mélenchon, et aux rassurés de la semaine passée que sont Nathalie Arthaud et Jacques Cheminade, s’ajoutent dès lundi Philippe Poutou et Marine Le Pen, puis Nicolas Dupont-Aignan.
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Semaine du 19 au 25 mars
L’horreur et la stupeur s’abattent sur la France lorsque quatre personnes (un adulte de trente ans, ses deux enfants et une petite fille) sont abattues froidement dans une école juive de Toulouse lundi à neuf heures du matin. Très vite les enquêteurs font le lien avec deux autres faits divers qui commençaient à soulever questions : l’exécution d’un militaire en civile une semaine plus tôt à Toulouse également, et celle trois jours auparavant de trois soldats en uniforme (dont un survivra) à Montauban. Pendant trois jours, la campagne va s’arrêter, ou du moins, se décliner en pointillés.
Nicolas Sarkozy ré-endosse les habits de président (le CSA annonce que ses interventions sur le sujet ne seront pas décomptées de son temps de parole), annule ses meetings et suspend sa campagne. Idem pour François Hollande (qui calque pendant trois jours ses déplacements sur ceux de Sarkozy) mais pas François Bayrou ni Jean-Luc Mélenchon, tandis que Marine Le Pen adopte un profil bas, la thèse d’un acte néo-nazi semblant plausible au vu de l’identité des victimes (juives dans le cas de l’école, d’origines nord-africaines et antillaise pour les militaires). La vérité s’avérera tout autre, le tueur étant un certain Mohamed Merah, un Français de 24 ans passé par des camps d’entraînement au Pakistan et en Afghanistan et se revendiquant d’un islam radical, quoique semblant avoir agi seul. Identifié dès mardi, il repousse une première tentative d’entrée dans son domicile par le RAID. Barricadé chez lui pendant trente heures, il sera finalement tué armes à la main lors d’un nouvel assaut donné jeudi en fin de matinée.
Si tous les candidats appellent d’emblée à la retenue et à éviter toute récupération, en pratique les attaques ne tardent guère. Ainsi François Bayrou, avant que ne soit connue l’identité du tueur, accuse la majorité d’être responsable des divisions qui minent la société française. Il tentera par la suite d’atténuer ces propos. Côté UMP, Copé sort l’artillerie lourde en stigmatisant les candidats qui ne respectent pas le temps de deuil et en accusant Hollande de double langage. Côté PS, les attaques se concentrent sur les manquements des services de renseignements, l’échec de la politique sécuritaire depuis dix ans et la mise en scène par le Ministre de l’Intérieur Claude Guéant de la mise hors d’état de nuire de Mohamed Merah. Claude Guéant est également la cible d’Eva Joly, qui lui reproche d’avoir outrepassé ses fonctions au détriment du juge d’instruction, tandis que Nathalie Arthaud dénonce « la comédie d’une union nationale ».
Quelles seront les conséquences des tueries sur la campagne ? Un retour à l’avant-plan de l’insécurité, de l’immigration et de l’intégration est inévitable, favorisant a priori Nicolas Sarkozy plus à l’aise que ses adversaires sur ce terrain, et qui annonce sitôt l’affaire dénouée les mesures policières qu’il entend prendre pour prévenir de tels drames. Mais c’est surtout Marine Le Pen qui entend en profiter pour donner une nouvelle dynamique à sa campagne que les sondages montrent s’essoufflant. Elle le démontre dès dimanche lors d’un meeting près de Nantes où elle déclare « ce n’est pas l’affaire de la folie d’un homme mais le début de l’avancée du fascisme vert dans notre pays », et clame sa volonté de « mettre l’islam radical à genoux », marquant ainsi le retour aux fondamentaux du FN qu’elle avait tendance à délaisser au profit de thèmes plus socio-économiques.
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Semaine du 26 mars au 1er avril
La semaine apparaît moins intense que les précédentes, d’abord du fait de la retombée de l’émotion suscitée par les événements de Toulouse, et ensuite de par l’absence de grands débats télévisés (règle du temps de parole oblige + campagne télé officielle ne démarrant que deux semaines avant le premier tour). Bref, l’impression ressentie est celle d’une petite accalmie médiatique. La campagne s’intensifie en revanche sur le terrain avec les meetings et des opérations de porte-à-porte menées par l’UMP et le PS.
Le reste de la semaine
- Suites des tragédies de Toulouse et Montauban: si les thèmes de l’insécurité et de l’immigration sont, comme attendu, revenus sur le devant de la scène, divers sondages indiquent qu’ils restent loin dans la liste des préoccupations majeures des Français. Le drame ne semble pas avoir fait basculer la campagne.
- Sur l’affaire elle-même : le père de Mohamed Merah accuse l’État d’avoir exécuté son fils et porte plainte. Dans un autre genre, Al Jazeera annonce avoir reçu les images filmées par Merah de ses exécutions. Nicolas Sarkozy appelle la chaîne à faire preuve de décence et Marine Le Pen menace d’aller manifester devant son siège français (ce qui permettra plus tard à la candidate FN d’affirmer que c’est grâce à son intervention qu’Al Jazeera a finalement renoncé à diffuser les images.
- A noter l’arrestation très médiatisée de dix-sept islamistes radicaux. Un coup électoral ? A priori, il n’y aurait pas de rapport avec Toulouse.
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3 avril : intentions de vote à trois semaines du 1er tour
Le croisement des courbes se confirme, Nicolas Sarkozy est en train de réussir son premier pari, réaliser l’unité de la droite au premier tour (bien aidé par le retrait de toute candidature dissidente dans sa famille politique proche) et ramener à lui une partie des électeurs tentés par Marine Le Pen (la symétrie entre les courbes des deux candidats est à cet égard particulièrement frappante).
La donne pour le deuxième tour n’en reste pas moins inchangée, François Hollande conservant une large avance grâce à l’excellent report des votants d’un Mélenchon en pleine ascension, et celui, substantiel, d’une partie des électeurs de Bayrou, ceux de Marine Le Pen restant partagé entre Sarkozy et “Ne se prononcent pas”.
Semaine du 2 au 8 avril
Cette semaine, Sarkozy dévoile (enfin) son programme et Hollande confirme le sien.
De son côté, en meeting à Lyon, Marine Le Pen tape sur Jean-Luc Mélenchon (« un idiot triplement utile », à Hollande, à Sarkozy, et aux deux réunis) et sur Nicolas Sarkozy (« il n’est pas amoureux de la nation »). Elle dénonce aussi le « fascisme doré », visant les banques, les marchés financiers, et s’en prend à la mondialisation et à l’Europe (« Que l’Union européenne aille au diable ! »).
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Semaine du 9 au 15 avril
Pas de débat entre candidats au premier tour mais un passage à tour de rôle mercredi et jeudi sur le plateau de Des Paroles et des Actes (France 2) pour un entretien avec David Pujadas et ses journalistes.
Interrogée sur l’attitude qu’elle adopterait en cas d’afflux massif de réfugiés politiques, Marine Le Pen déclare sans ambages qu’elle refuserait tout accueil, « la France n’en ayant plus les moyens ». Elle en rejette la faute sur Nicolas Sarkozy qui a, dit-elle, aggravé le flux migratoire et serait responsable de l’instabilité régnant en Afrique du Nord, l’intervention en Libye étant à ses yeux un échec majeur qui a abouti d’une part à la prise de pouvoir de djihadistes, et d’autre part à déstabiliser la région (cf. le Mali). Questionnée sur ses propos quant à Mohamed Merah, elle confirme être pour la suppression du droit du sol et réitère sa volonté de prendre en compte des critères de bonne conduite pour l’attribution de la nationalité française. Sur les IVG : elle entend lutter contre les interruptions de « récidive » et est opposée au Pass contraception, renvoyant la responsabilité aux parents sur ce sujet. Mise sur la sellette sur ses mesures économique, elle s’en tire par une pirouette en appelant ses interlocuteurs à « sortir du cadre » et ne pas rester figés dans des schémas immuables.
17 avril – Marine Le Pen au Zénith de Paris
Contexte
- Moins d’une semaine avant le premier tour, grand meeting parisien pour Marine Le Pen.
- Objectif principal : convaincre ceux qui hésitent avec Sarkozy qu’elle est le seul vote utile à droite et ainsi reprendre du poil de la bête dans les sondages qui la placent aux environs de 14-16%, au coude-à-coude avec Mélenchon. Elle a assuré la semaine passée que l’écart avec le leader du Front de Gauche serait net et croit en ses chances d’accéder au second tour.
Ambiance / assistance
- Comparaison n’est pas raison (surtout quand la comparaison porte sur des meetings aussi différents que ceux en plein air de Sarkozy et Mélenchon avec ceux de Bayrou et Le Pen dans des enceintes fermées), mais le meeting de Marine Le Pen apparaît comme celui où l’assistance est la plus énergique et la plus motivée, parfois hystérique. Si le Zénith n’était pas complet en début de soirée, il s’est ensuite rempli jusqu’à être plein à craquer, avec de nombreuses personnes debout (6000 personnes au total sont annoncées).
- Beaucoup de jeunes. Le sondage Ifop d’il y a quelques semaines annonçant Le Pen en tête des intentions de vote chez les 18-24 ans y gagne en crédibilité.
- Deux sortes de drapeaux : les bleu-blanc-rouge et ceux « Marine présidente ».
- Pas de concert, pas d’animation, juste le Boléro de Ravel en fond sonore.
Avant-discours
- Deux intervenants chauffent la salle (et y arrivent plutôt bien). Le premier est Paul-Marie Coûteaux, anciennement proche de Chevènement, Séguin, Pasqua et de Villiers, et qui vient de fonder le parti SIEL (Souveraineté, Indépendance Et Libertés). Au cours de son intervention, il évoque son combat souverainiste et s’en prend à la génération « soixante-huitattardée ». Il est suivi par l’avocat Gilbert Collard, qui déclame un discours virulent. Des interventions punchy dans la forme donc, des charges passionnées et véhémentes, mais peu (pas) constructives sur le fond. L’essentiel du discours de Marine Le Pen sera dans la même veine.
Discours
- La première demi-heure consiste presque exclusivement à taper sur ses adversaires : Hollande (le moins attaqué), Mélenchon (« Mélenchon-Buisson, copains comme cochons », en référence à la remise de la légion d’honneur il y a quelques années au conseiller de Sarkozy, à laquelle le candidat au Front de Gauche a assisté) et Sarkozy (« Le vote Sarkozy est un vote inutile, un vote perdu. Le seul qui va compter, c’est le vote Marine Le Pen »). Dans un second temps, elle s’attaque au système, à l’Europe, à l’euro, à la finance, mais ne formule que peu de propositions concrètes ou ne les développe pas, repassant aussitôt en mode incantatoire et accusatoire.
- « Je suis la candidate de l’État-nation. » « Seul l’État-nation est capable de protéger et réguler l’économie. » Un peu plus tard, la foule scande : « Ni droite, ni gauche, front national ! »
- Discours long (une heure et quart) : la candidate tient la distance, ses harangues électrisent une salle qui entre en transe lorsqu’est abordé le thème de l’immigration. Les cris redoublent, les « On est chez nous ! » pleuvent, ainsi que les « On va gagner ! ».
- Marine Le Pen attaque alors Mohamed Merah, parle d’une menace terroriste toujours présente et relance le couplet de la nationalité française qui s’hérite ou se mérite. Elle tente ensuite d’atténuer son propos en rejetant la faute de cette situation non pas sur les immigrés, mais sur les politiques qui n’ont pas agi comme ils auraient dû le faire. La remarque passe pour le moins inaperçue. Elle la réitérera en fin de discours en appelant les « Français de toujours » et les « Français les plus récents » à la rejoindre.
- Une cible très courtisée : les seniors, les retraités, que les études d’opinions indiquent comme toujours largement partisans de Sarkozy.
- L’entrée fut christique, le final pareil. Marine Le Pen est ensuite rejointe sur scène par une ribambelle de jeune (quelques-uns de 10-12 ans) pour entonner la Marseillaise.
- « Bougez-vous ! Cette élection est la vôtre ! ».
Semaine du 16 au 21 avril
Le sondage Ipsos-Le Monde (vague 18) réalisé les mardi 17 et mercredi 18 avril confirme le décroisement des courbes Hollande et Sarkozy, le candidat PS reprenant même une nette avance (3,5 points). Derrière, Le Pen et Mélenchon restent dans un mouchoir de poche, même si la candidate FN est donnée comme repartant légèrement à la hausse. Quant à Bayrou, son électroencéphalogramme reste plat à 10%.
Les autres instituts de sondage abondant dans le même sens (à part IFOP qui place les deux candidats à égalité parfaite), Sarkozy virant en tête dimanche soir serait une sensation. Parmi les éléments qui pourraient la rendre possible, deux reviennent en particulier : une forte abstention et un important transfert dès le premier tour de Bayrou vers Sarkozy, l’électorat du candidat Modem étant celui se déclarant le moins sûr de son choix (le vote Le Pen étant quant à lui annoncé comme certain par 80% des sondés).
La perspective d’un deuxième tour sans Sarkozy ou Hollande est écartée par tous les instituts, chacun plaçant Le Pen à au moins neuf points de Sarkozy. Et si des rumeurs d’une forte sous-estimation de la candidate FN et d’un recul conséquent du président sortant ne s’en mettent pas moins à circuler, un échec aussi cinglant de Sarkozy semble improbable.
Pour ce qui est du deuxième tour, pas de changement, la victoire nette de François Hollande est toujours attendue. Seul un basculement très fort des « Ne se prononcent pas » de Le Pen et Bayrou pourrait redonner une chance à Sarkozy.
Reste de la semaine
Eva Joly EELV gagne le procès que lui intentait Marine Le Pen pour diffamation, la candidate frontiste lui reprochant d’avoir dit qu’elle était « l’héritière de son père milliardaire par un détournement de succession ». Quant à Jean-Luc Mélenchon, il exhorte les Français à le placer devant le FN et demande aux médias de l’aider « plutôt que de nous tirer dans le dos ».
L’actualité complète de la semaine
22 avril : Résultats du 1er tour
Participation : élevée, 79,5% (83,8% en 2007, 71,6% en 2002 et 78,4% en 1995).
Sensation sur le coup de 20h lorsque les premiers résultats fournis par Ipsos sur France 2 donnent Hollande et Sarkozy en tête (comme attendu), mais aussi Marine Le Pen à 20%, à cinq points seulement du candidat UMP. Cette nouvelle fait l’effet d’une déflagration, que n’atténuent que peu les résultats définitifs qui donnent pourtant un écart plus net (Le Pen 17,9%, Sarkozy 27,2%). Le FN réalise son meilleur score historique (un point de plus qu’en 2002), qui plus est dans un contexte de forte participation qui aurait censément dû le desservir.
Cette percée est un échec pour Nicolas Sarkozy qui malgré ses tentatives n’a pas réussi à rassembler au-delà de son noyau dur et est le premier président sortant à ne pas virer en tête au premier tour. Contrairement à ses attentes, la « majorité silencieuse » n’a pas démenti le rejet que les médias anticipaient, il a perdu la majeure partie du vote frontiste qui l’avait rallié en 2007 et sa réélection est plus que jamais compromise (un sondage effectué dans la soirée donne Hollande vainqueur par 54-46). Seules raisons pour lui de garder la foi : le fait que Hollande n’a pas créé un écart significatif, le score plus faible qu’annoncé de Mélenchon (la poussée de la gauche est réelle mais pas aussi forte que prévue) et l’espoir fou qu’il est possible de convaincre la très grande majorité de l’électorat FN de le rejoindre. Sa tactique : durcir davantage encore sa campagne à droite toute et écraser le candidat socialiste lors du débat télévisé (il réclame d’ailleurs dès dimanche qu’en soient organisés trois).
Le résumé complet du premier tour
Semaine du 23 au 27 avril
Les prédictions de l’institut Ipsos ont été proches des résultats officiels, notamment pour Hollande (28,6% des votes vs. 28,3% pour la moyenne des sondages depuis mars) et Sarkozy (27,2% des votes vs. 27,3%, quoique la dernière prédiction le donnait à seulement 25,5%).
Sous-estimée a par contre été Marine Le Pen (17,9% vs. 15,6%) et surestimé Jean-Luc Mélenchon (11,1% vs. 13,1%). Le score cumulé de ces candidats considérés comme incarnant le vote « contestataire » a en revanche été bien évalué (28,6% vs. 29%), ouvrant ainsi la porte à au moins deux interprétations : soit le vote FN reste difficile à estimer et a été mal jaugé, soit un transfert de dernière minute s’est opéré en faveur de Le Pen, les électeurs « antisystème » se retrouvant davantage en elle que dans un Mélenchon peut-être trop proche de Hollande à leur goût.
En tout cas, Marine Le Pen pavoise. Si elle n’a pas réussi à se qualifier pour le second tour, elle n’en a pas moins rassemblé 6,4 millions d’électeurs autour de sa personne. Pour l’heure, elle renvoie dos-à-dos les finalistes, mais espère sans doute une défaite de Sarkozy qui ferait imploser la droite et poserait le FN en principal parti de l’opposition. Il faudra pour cela que la dynamique qui l’a portée si haut se poursuive lors des législatives (où de nombreuses triangulaires sont attendues) et permette à son parti d’obtenir une quinzaine de députés pour former un groupe à l’Assemblée. Dans l’immédiat, ses électeurs sont l’objet d’une cours assidue de la part de Nicolas Sarkozy, qui multiplient les propositions à leur intention (cf. le résumé complet de la semaine).
Semaine du 28 avril au 5 mai
Sans surprise, Marine Le Pen annonce qu’elle votera blanc et ne donne pas de consigne à ses électeurs. « Je n’accorderai ni confiance ni mandat à ces deux candidats qui (…) s’ingénient depuis trente ans à faire perdre la France ».
8 mai : Synthèse de campagne
Grande gagnante du premier tour, Marine Le Pen va devoir relever un autre défi : transformer l’essai et convertir sa dynamique en sièges à l’Assemblée. Sans résultats probants de son parti aux législatives, sa performance restera un coup d’épée dans l’eau.
La synthèse complète de la campagne
20 juin : Bonus législatives
Parmi les points chauds des législatives : Hénin-Beaumont, où Jean-Luc Mélenchon s’est lancé dans un face-à-face direct avec Marine Le Pen. Le tribun du Front de Gauche perd son pari et est éliminé au premier tour, dépassé par le socialiste Philippe Kemel qui battra de toute justesse la candidate FN au second (118 voix d’écart).
Cette défaite de Marine Le Pen est symptomatique d’un Front national qui ne réussit pas à convertir son bon score de la présidentielle en sièges à l’Assemblée, n’en obtenant au bout du compte que deux, un pour la petite-fille de Jean-Marie Le Pen et nièce de Marine, Marion Maréchal-Le Pen (qui devient à 22 ans la plus jeune députée de l’histoire de la République), l’autre pour Gilbert Collard, tous deux vainqueurs d’une triangulaire, la première dans la circonscription de Carpentras, le second dans le Gard. A noter que l’extrême-droite compte un troisième élu, Jacques Bompard (ex-FN), dans le Vaucluse.
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