François Bayrou avec Emmanuel Macron, Yannick Jadot avec Benoît Hamon : le mot d’ordre cette semaine était « alliances ». Si celle de l’écologiste avec le socialiste était attendue, plus incertaine était celle du leader du Modem avec le nouveau favori des sondages. La tentation d’une quatrième campagne présidentielle était en effet bien présente chez Bayrou, qui ne l’a pas caché mercredi 22 lors de la conférence de presse où il a annoncé sa volonté d’offrir une « alliance » (et non pas, a-t-il insisté, un « ralliement ») à Emmanuel Macron, lequel s’est empressé quelques heures plus tard de l’accepter.
Au cours de son allocution, François Bayrou a pris des accents similaires à ceux entendus chez Hollande deux mois auparavant : la prise en compte d’une situation politique inquiétante, la volonté de contribuer au rassemblement, celle de ne pas ajouter à la division …, autant d’éléments qui l’ont amené à la conclusion de ne pas se présenter, bien que cette décision lui en coûte (il a notamment utilisé le mot « abnégation », ainsi que, lors de la séance questions/réponses, celui de « sacrifice »).
Dès lors, qui rejoindre ? François Fillon ? Une telle hypothèse était devenue bancale depuis que, deux semaines auparavant, Bayrou avait déclaré que le Penelopegate ne laissait au candidat LR « pas d’autre solution que de se retirer ». Toujours à propos de Fillon, il avait aussi déclaré que « jamais un candidat n’a ainsi été sous l’influence des puissances d’argent », en prenant pour preuve les sommes perçues par l’intéressé via sa société de consultance 2F Conseil. Emmanuel Macron alors ? Bien que devenu quasi-évident, ce choix n’était pas pour autant automatique, Bayrou ayant quelques mois plus tôt utilisé à l’encontre du candidat d’En Marche une critique semblable à celle portée à Fillon, à savoir « être le candidat des forces de l’argent », derrière lequel se cache « de grands intérêts financiers incompatibles avec l’impartialité exigée par la fonction publique ». Plus tard, il déclara également « ne pas se reconnaître dans ce qu’Emmanuel Macron incarne », lui dont le projet de société est « au fond infiniment proche de celui que défendait Nicolas Sarkozy en 2007 ». Ces propos n’ont d’ailleurs pas manqué ce mercredi d’être rappelés par nombre de commentateurs, tandis que le camp Fillon, de son côté, criait à une nouvelle trahison de la part de Bayrou, accusé de « voter pour la deuxième fois pour François Hollande », dixit Thierry Solère, le porte-parole de François Fillon.
A quelles conditions Bayrou offre-t-il son union ? Lors de sa conférence de presse, il en a pointé quatre (que, selon ses dires, il n’avait pas encore discutées avec Macron) : une loi de moralisation de la vie publique ; un vrai changement des pratiques et non pas un recyclage des pratiques anciennes ; la défense du travail, dont la rémunération doit cesser d’être réduite ; l’introduction de la proportionnelle aux législatives. Autant de conditions qui ne devraient pas rencontrer de problèmes insurmontables pour être validées par l’intéressé. Quid d’un accord En Marche-Modem pour les législatives ? Cette question n’a pour l’heure pas été mentionnée.
Pour Emmanuel Macron, la pêche aux renforts de cette semaine ne s’est pas arrêtée à celle (précieuse, puisqu’il aurait clairement empiété sur son électorat) du leader du Modem. Peu de temps auparavant, c’est en effet l’écologiste François de Rugy qui a déclaré s’engager en faveur du chef de file d’En Marche ! Candidat à la primaire de la gauche en janvier, François de Rugy rompt ainsi l’engagement qu’il avait alors pris (comme les autres participants) de soutenir le vainqueur de ladite primaire. Pour justifier son choix, il parle de faire valoir la « cohérence plutôt que d’obéissance ». D’autres soutiens supplémentaires ont aussi été enregistrés en fin de semaine : ceux de l’écolo Daniel Cohn-Bendit, du socialiste marseillais Christophe Masse (ex-soutien de Manuel Valls) et du député socialiste de Paris Christophe Caresche.
Le reste de la semaine de Macron a été marqué par un déplacement à Londres où il a notamment rencontré la Premier ministre Theresa May et encouragé les expatriés français à revenir en France. Vendredi 24, il a également commencé à lever le voile sur certains pans de son programme économique, dont un plan d’investissement de 50 milliards et la réduction du nombre de fonctionnaires via le non-renouvellement de 120 000 départs (dont 70 000 au niveau local) sur cinq ans. Son programme détaillé sera rendu public la semaine prochaine (jeudi 2 mars).
Autre union cette semaine, celle conclue entre Benoît Hamon et Yannick Jadot, le candidat écologiste se retirant officiellement de la présidentielle au profit du socialiste. Le ralliement a été annoncé par Jadot le jeudi 23 au journal de France 2 et approuvé dimanche à 79,5% par les militants d’EELV (9 433 votants, sur un total possible de 17 000). Parmi les points figurant à l’accord servant de base à cette union, citons : une VIe République ; la sortie du nucléaire d’ici 25 ans, avec objectif intermédiaire d’un mix énergétique à 50% d’ici 2025; l’opposition de la France aux accords TAFTA et CETA ; la reconnaissance de la Palestine ; un Small Business Act à hauteur de 50% des marchés publics pour les PME/TPE ; l’abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes ; la sortie du diesel pour les véhicules légers en 2025 ; l’abrogation de la loi Travail ; etc.
Un accord électoral réservant aux écologistes une quarantaine de circonscriptions pour les législatives de juin 2017 a également été passé. D’après les rumeurs, celui-ci fait toutefois grincer des dents côté PS, d’une part à cause du cas « Cécile Duflot », dont la maire de Paris Anne Hidalgo ne voulait pas entendre parler mais qui aura finalement sa circonscription dans la capitale, et d’autre part à cause de la non-réciprocité de l’accord, celui-ci prévoyant qu’aucun candidat PS ne soit présenté dans les circonscriptions réservées à EELV, sans pour autant que l’inverse (des candidats EELV se présentant ailleurs contre des candidats PS) ne soit prévu.
Accord Hamon-Jadot donc, mais, en revanche, pas de fumée blanche avec Jean-Luc Mélenchon, Hamon déclarant dimanche soir sur TF1 que le leader de France insoumise lui avait confirmé vendredi au cours d’un dîner qu’il entendait bien être candidat. Les divergences entre les deux hommes (sur l’Europe, sur le travail) étaient trop grandes pour être surmontées, sans même parler des questions de personnes et des rapports conflictuels entre Mélenchon et nombre des dirigeants socialistes. Les deux candidats ont donc acté que leur rassemblement ne pouvait se faire et que chacun mènerait la course de son côté.
Auparavant, la semaine de Jean-Luc Mélenchon a été marquée par son passage dans « L’Émission politique » sur France 2, dont l’audience a été inférieure à celle enregistrée quinze jours auparavant avec la venue de Marine Le Pen (3,5 millions de spectateurs vs. 2,7 millions pour Mélenchon). Au cours de la soirée, le leader de La France insoumise a notamment débattu avec Valérie Pécresse sur l’éducation et avec l’acteur Philippe Torreton.
De son côté, François Fillon espérait enfin passer une semaine à mener campagne et mettre en avant ses propositions, notamment concernant les soins de santé, à propos desquels il a donné mardi 21 une vision rectifiée de son programme initial. Hélas pour lui, ses espoirs ont été déçus, le Penelopegate le rattrapant vendredi 24 lorsque le PNF (Parquet national financier) a ouvert une information judiciaire pour détournements de fonds publics, abus de biens sociaux et recel, trafic d’influence et manquement aux obligations de déclaration à la Haute Autorité sur la transparence de la vie publique.
L’accélération de l’action judiciaire s’explique notamment par la volonté du parquet d’éviter tout risque de prescription d’une partie des faits (ceux antérieurs à 2005). L’adoption le 16 février dernier d’une loi sur la prescription pénale pose en effet question sur la rétroactivité qu’elle peut avoir sur des enquête préliminaires en cours, c.-à-d. le type d’enquête jusqu’ici ouverte dans le cadre du Penelopegate. Dès lors, pour éviter toute confusion, le Parquet a décidé de passer à la vitesse supérieure en ouvrant une instruction quelques jours avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, cette décision permettant de lever toute ambiguïté juridique relative à la prescription. Autre conséquence : l’affaire est désormais dans les mains de trois juges d’instructions, lesquels ont la possibilité de convoquer en vue d’une éventuelle mise en examen François Fillon, son épouse et ses enfants.
De son côté, le candidat LR a tenu dimanche des propos forts en accusant le Premier ministre Bernard Cazeneuve et son gouvernement de laisser « se développer dans le pays un climat de quasi-guerre civile », en voulant pour preuve les débordements que des trublions provoquent à ses meetings (notamment des … concerts de casseroles), mais aussi les incidents lors d’un rassemblement de Macron à Toulon peu après ses propos sur la colonisation, ainsi que les heurts violents qui ont eu lieu à Nantes en marge d’une manifestation pro-FN prise à partie par des militants de gauche. Ces propos (en particulier l’emploi de « quasi-guerre civile ») ont été vivement critiqués, Fillon se voyant reprocher d’aviver la colère de ses partisans contre les boucs-émissaires qu’il désigne, les médias les semaines passées, et maintenant le gouvernement.
Une autre pour qui la semaine a été difficile, c’est Marine Le Pen. Lundi, alors qu’elle est en voyage au Liban (cf. infra), le siège du FN à Nanterre est perquisitionné pour la deuxième fois en an. Dans le viseur : l’affaire des assistants parlementaires européens soupçonnés d’avoir été rémunérés pour des tâches sans lien avec l’Union européenne. L’histoire s’accélère deux jours plus tard lorsqu’une des personnes visées (la cheffe de cabinet de Le Pen, Catherine Griset) est mise en examen pour recel d’abus de confiance. De son côté, la deuxième personne concernée (Thierry Légier, l’ex-garde du corps de Le Pen) est aussi placée en garde à vue, laquelle est toutefois vite levée. Quant à Le Pen elle-même, également convoquée par la justice dans le cadre d’une audition libre, elle crée la polémique en refusant d’être entendue par les enquêteurs jusqu’aux élections législatives qui auront lieu en juin, utilisant ainsi à plein l’immunité que lui confère son mandat de parlementaire. Pour se justifier, elle déclare le 22 au soir sur TF1 que la justice ne doit pas venir perturber la campagne présidentielle.
Les turpitudes judiciaires de la candidate FN ne s’arrêtent toutefois pas là : samedi, Le Monde révèle que, dans le cadre de l’enquête sur le micro-parti Jeanne, l’administration fiscale conteste à la formation politique son statut d’association et entend la requalifier en société commerciale, ce qui pourrait avoir comme conséquence de l’empêcher de prêter de l’argent aux candidats FN lors des législatives à venir. Une semaine auparavant (le 15 février), Frédéric Chatillon, l’homme considéré comme la clef-voûte du mécanisme de financement mis en place via Jeanne, a été mis en examen pour abus de bien sociaux dans le cadre des ramifications de cette affaire liées des campagnes de 2014 et 2015 (municipales, européennes, sénatoriales et départementales). Il avait déjà été renvoyé en correctionnelle cinq mois plus tôt dans le cadre cette fois du financement des législatives de 2012.
Face à ces graves remises en cause de l’intégrité de son parti, Le Pen, en meeting à Nantes, affirme être la victime d’un « système au service » de Macron, et accuse les magistrats de vouloir « contrecarrer la volonté du peuple », parlant de « cabales », de « persécutions », de « coups tordus », et se faisant menaçante à l’égard des fonctionnaires impliqués dans l’enquête, déclarant qu’ils « devront assumer le poids de ces méthodes illégales » et qu’ils « mettent en jeu leur propre responsabilité ».
Dans un autre registre, le début de semaine de Marine Le Pen a été marqué par son voyage au Liban, où, une première pour elle, elle a rencontré un chef d’Etat, le président Michel Aoun. Si l’entretien est réputé avoir été courtois, celui qui a suivi avec le Premier ministre Saad Hariri a semble-t-il été le théâtre de divergences concernant le Syrie, Le Pen plaidant pour le maintien de el-Assad pour empêcher la prise du pouvoir par l’Etat islamique, tandis que Hariri se montre plus hostile au maître de Damas et appelle à ne pas faire d’amalgame entre islam et terrorisme. Quant au second jour de la visite de la leader frontiste au pays du cèdre, il a été marqué par son refus de mettre un voile au moment d’entrer dans une mosquée pour rencontrer le grand mufti de la République libanaise. Après avoir ainsi manifesté sa désapprobation, la candidate FN s’en est allée de son chef sans avoir eu l’entretien prévu.
Invité de l’émission On n’est pas couché samedi soir sur France 2, Philippe Poutou attire l’attention médiatique pour la première de la campagne. Pas en raison de ses propos, non, mais pour un fou rire qui fait le buzz. En cause ? La chroniqueuse Vanessa Burggraf qui s’emmêle les pinceaux en tentant de poser une question sur l’interdiction des licenciements que prône le candidat NPA. Après un premier raté, Burggraf essaye une deuxième fois, se plante encore, reformule sa phrase, n’y arrive toujours pas, Ruquier s’en mêle, Burggraf se replante et, pendant deux minutes, l’hilarité est générale face à un Poutou mi-consterné mi-amusé.
La séquence (qui n’a pas été coupée au montage) fait polémique après sa diffusion, plusieurs observateurs y voyant la preuve d’un manque de respect pour les « petits candidats », arguant que le présentateurs et ses journalistes ne se seraient jamais permis un tel relâchement face à un candidat aux intentions de vote plus élevées.
L’émission permet néanmoins à Poutou d’exposer le pourquoi de sa candidature malgré le faible score qui lui est promis et le fait que son parti ne croit pas aux élections (en gros : « même si nous sommes petits, nous sommes légitimes et la présidentielle est une occasion de faire entendre nos idées »). Il revient également sur les difficultés à recueillir les cinq cents parrainages (« une mesure anti-démocratique ») et regrette le faible temps de parole accordé aux « petits ».
Pour finir, TF1 a annoncé en début de semaine qu’elle organisera le lundi 20 mars un débat mettant au prise les candidats crédités de plus de 10% dans les sondages (c.-à-d. à l’heure actuelle Mélenchon, Hamon, Macron, Fillon et Le Pen, mais pas Dupont-Aignan, qui crie au « viol de démocratie »). Ce débat de premier tour constituera une grande première, permise par les modifications de règle du temps de parole entrée en vigueur cette année.
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