Contexte
- Vingt-quatre heures après le succès de la marche de Jean-Luc Mélenchon sur République, Benoît Hamon tient à Bercy son grand meeting de campagne. Objectif : donner un coup d’accélérateur à une aventure qui patine et maintient ses sondages aux alentours de 12-14%, près de Mélenchon et loin du second tour.
- Bercy (20 000 places) est rempli par une foule chauffée à bloc. Malgré sa déliquescence, le PS est toujours capable d’organiser une démonstration de force.
- Parmi les présents : Montebourg, Peillon, Taubira, Pinel, Hidalgo (que Hamon qualifie de « maire exceptionnelle »), Vallaud-Belkacem (la seule ministre ?), Jadot, le couple d’économistes Thomas Piketty et Julia Cagé, etc. Valls en revanche est évidemment absent après l’annonce de son refus de parrainer Hamon.
Contenu
- « Nous avons rendez-vous avec l’Histoire et j’en assume la responsabilité ».
- Benoît Hamon débute par un rappel des attentats qui ont frappé la France ces dernières années (le 19 mars marque « l’anniversaire » d’assassinats commis par Mohamed Merah) et demande une minute de silence en hommage à toutes les victimes du terrorisme. Il salue au passage le travail de François Hollande, Bernard Cazeneuve et Jean-Yves Le Drian qui « fait primer la défense de l’Etat et la protection des Français » (vifs applaudissements).
- « Votre présence est un message envers tous ceux qui espèrent our redoute une élection jouée d’avance. Tout commence aujourd’hui. Tout commence avec vous. Tout commence par vous ! »
- Il s’inscrit dans la continuité des luttes de la gauche, affirme ne pas confondre « les communards et les Versaillais, Braudel et Maurras, les dreyfusards et les anti-dreyfusards » et sous-entend que tout ne se vaut pas et revendique la clarté de son projet : « Nous avons trop cédé de terrain aux déclinistes, aux réactionnaires (…) comme si on pouvait confondre Zemmour et Césaire ».
- Grosse défense de sa mesure emblématique : « Le revenu universel d’existence poursuit l’œuvre du Conseil national de la résistance »
- « Ils [ceux de la petite coterie qui fait l’éternel procès en illégitimité de la gauche et n’a jamais accepté mai 1936, mai 68 et pas davantage mai 1981 et (…) tente de nous voler mai 2017] veulent que nous nous renions, que nous oublions la gauche, que nous soyons progressistes, sociaux-démocrates (…) Ils nous aiment quand nous sommes la pâle copie de nous-mêmes ». S’en suit un appel à ne pas oublier toutes les victoires obtenues par la gauche depuis plus d’un siècle. « Nous ne renierons rien de ce que nous sommes ».
- Sur « ceux qui voudraient ignorer le vote des primaires », il parle de « manquement à la parole donnée » et « d’un mépris de l’expression du peuple qui finit par le jeter dans l’aventure du Brexit et les bras de monsieur Trump et de madame Le Pen ».
- Vient la tirade qui sera la plus commentée après-meeting, une attaque à l’encontre de Macron (dont il ne site pas le nom), même si elle englobe aussi Le Pen et Fillon : « Je veux le dire solennellement : le parti de l’argent a trop de candidats dans cette élection. Ce parti de l’argent a plusieurs noms, plusieurs visages, il a même plusieurs partis (…) “Enrichissez-vous” pour l’un, “enrichissez-nous” pour les deux autres (…) Il existe dans cette campagne une vision de la France qui n’est pas la mienne : un pays vu comme une entreprise, un gouvernement comme un conseil d’administration du CAC4 (…) un pays où l’argent serait roi, voire la seule raison d’être, un pays où les alternances démocratiques seraient sans objet car puisque gauche et droite travailleraient ensemble pour l’entreprise France et en réalité pour ceux qui (…), quels que soient les aléas de la vie, se maintiennent au pouvoir. “Vous êtes au chômage ? Créez votre entreprise. Vous êtes pauvres ? Devenez milliardaire. Vous n’avez qu’un T-Shirt ? Allez vous acheter un costume, diable !” (…) Je ne crois pas pour ma part que la France soit une entreprise ni que les Français rêvent d’en être les actionnaires. J’ambitionne pas de devenir le PDG du site France, mais de devenir le président de la République au service exclusif des Français et des Françaises ».
- Le vote utile ? « Ils pensent faire barrage au Front national, il lui prépare un pont pour après-demain » (…) « Je ne crois pas à l’indifférenciation des idées ».
- Autre attaque à peine voilée contre Macron : « Avant que la loi ne l’oblige, je rends public les dons importants de ma campagne, (…) Vous avez le droit de savoir qui finance qui (…) Vous saurez quand des lobbys puissants financent des campagnes en attendant des contreparties derrière ».
- Il passe ensuite à son programme et demande au peuple de « devenir [ses] propres dirigeants » et de prendre le pouvoir avec le 49.3 citoyen et la 6e République qu’il propose. Il annonce aussi avec vigueur défendre le droit de vote des étrangers aux élections locales et que cette proposition sera soumise à référendum dès son élection.
- Il égrène le nom des « nôtres » victimes de l’extrême-droite et en appelle à la jeunesse : « Espérez ! (…) Ne les laissez pas vous diviser (…) Ouvrez-vous au monde ».
- Vive diatribe contre la « clause Molière » (des mesures prises par des présidents de régions LR pour imposer l’usage exclusif du français sur les chantiers) : « Tartuffe Wauquiez ! Tartuffe Pécresse ! Tartuffe Fillon ! (…) Tout ça pour plaire à Marine Le Pen ! ». Il en appelle à se souvenir d’où chacun vient et à être fier des Français qui ont accueilli les exilés du monde entier. « Merkel a parlé d’une voix d’or en disant ce qu’il fallait dire au nom même du projet européen pour les réfugiés ».
- « Ne les laissez pas enlaidir notre pays ! »
- Si, dans un message à l’adresse des filles et des femmes, il affirme son féminisme, il leur confie espérer que le prochain président de la République ne sera pas une présidente, parce que, « celle qui est aujourd’hui candidate, personne ici ne la désire ».
- « J’entends être à la fin de mon mandat le président d’une grande puissance sociale écologique, qui misera tout sur l’éducation et l’intelligence ». Il enjoint ensuite ses rivaux d’expliquer où il compte pratiquer les coupes de fonctionnaires qu’ils annoncent. Quant à lui, il augmentera le nombre d’enseignants et de place dans les crèches. « Notre modèle social est une force et non une charge ».
- « Avec le revenu universel, je suis le candidat de la fiche de paye, du pouvoir d’achat ».
- « Nous sommes fatigués de voter contre, nous voulons voter pour, pour plus de justice (…) pour un futur désirable ».
- Au bout du compte, un discours bon, voire très bon, qui a galvanisé ses troupes. La vraie question sera toutefois de celle l’après-meeting : oui ou non celui aura-t-il permis à Benoît Hamon d’enclencher une nouvelle dynamique et de décoller dans les sondages, ou n’aura-t-il été qu’un coup d’épée dans l’eau ?
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