Cinq démocrates (Clinton, Sanders, Chafee, O’Malley, Webb) ont officiellement déclaré leur candidature et ont recueilli suffisamment d’intentions de vote pour apparaître dans au moins cinq sondages indépendants récents. A ces prétendants s’en ajoutent cinq autres (Boss, Braun, Lessig, Wells, Wilson) qui ont formellement annoncé leur candidature et/ou rempli un formulaire officiel de participation, mais dont les intentions de vote sont trop faibles pour apparaître dans les sondages. Viennent enfin trois démocrates (Biden, Gore, Bloomberg) qui font l’objet de spéculations quant à leurs possibles intentions (Biden surtout).
a) La favorite : Hillary Clinton – b) L’absente : Elizabeth Warren – c) L’inconnue : Joe Biden – d) L’outsider : Bernie Sanders – e) Les candidats aux sondages bas – f) Les candidats qui ne sont pas dans les sondages – g) Ceux à la candidature improbable – h) Les intentions de vote
La favorite : Hillary Clinton
Née à Chicago en 1947 (68 ans en 2015), Hillary Clinton est depuis vingt-cinq ans une figure en vue de la politique américaine. First Lady de 1993 à 2000 pendant le double mandat de son mari Bill Clinton, elle est élue sénatrice de New York en 2001 et le reste jusqu’en 2009.
En 2008, elle est favorite pour l’investiture démocrate à la présidentielle, mais, au terme d’une bataille serrée, elle doit s’incliner face à Barack Obama qui, peu après son élection à la Maison Blanche, la nomme au poste de Secrétaire d’État pour un mandat notamment marqué par par l’élimination de Ben Laden (2011), mais aussi les attentats sanglants de Benghazi (2012). En 2013 elle quitte ses fonctions dans l’administration Obama et s’attelle à la préparation de sa candidature à la présidentielle de 2016. Une fois encore, elle part avec les faveurs du pronostic pour la primaire, notamment en raison de :
- une notoriété élevée, de loin la plus élevée parmi tous les candidats, au point que « Hillary » peut être considéré comme une marque
- des moyens financiers conséquents
- une expérience politique de haut vol
- une machine de guerre électorale d’envergure et rodée, qui dit avoir tiré les leçons de la déconvenue de 2008
- la symbolique de porter pour la première fois une femme à la Maison Blanche
- le soutien attendu des femmes et des minorités noire et hispanophone
Peuvent en revanche la pénaliser :
- notoriété n’est pas popularité : Clinton compte nombre détracteurs virulents et ceux qui ne l’apprécient pas semblent peu enclins à changer d’avis à son égard
- une réputation de carriériste prête à beaucoup pour assouvir son ambition
- des relations difficiles avec les médias et une image assez froide, peu conviviale, peu accessible
- le souvenir de nombreuses affaires qui, de diverses manières, ont accompagné son parcours (affaire Monica Lewinsky, scandale Whitewater, conflit d’intérêt entre la Fondation Clinton et son mandat de Secrétaire d’État …)
- un démarrage de campagne difficile, avec la controverse des emails qui lui empoisonne l’existence (voir infra) et l’a contrainte à anticiper de trois mois l’annonce officielle de sa candidature
- un positionnement progressiste tendance centre-droit. Clinton est peu appréciée à la gauche du parti, ses liens avec Wall Street sont pointés du doigt et elle évite prudemment de prendre position sur certains sujets clivants, tels le traité transpacifique ou l’oléoduc géant Keystone XL, au contraire de son rival Bernie Sanders, lequel donne l’impression de parvenir, si pas à prendre le contrôle d’une campagne qui n’en est qu’à ses débuts, du moins à imposer ses thèmes
Bref, des atouts certains, mais aussi un réel flottement au démarrage. De là à remettre en question son statut de candidate « inévitable » et donner à quelques démocrates (Biden, Warren) l’envie de se repositionner ?
Les emails d’Hillary
De 2009 à 2013, Hillary Clinton a utilisé un email et un serveur privés dans le cadre d’activités liées à son mandat au département d’État (l’équivalent de Ministre des Affaires étrangères). Problème : un tel usage est interdit pour des raisons d’archivage obligatoire, de sécurité et de confidentialité.
L’existence de cette adresse et de ce serveur a été découverte par une commission de la Chambre des représentants mise en branle par les républicains pour enquêter sur les attentats de Benghazi. Confrontée à la nouvelle de cette découverte (révélée au public début mars 2015), Clinton a commencé par expliquer qu’une telle pratique était autorisée du temps de son mandat, ainsi qu’à dénier tout caractère confidentiel des messages ayant transité par le serveur incriminé. Las ! Un enquêteur a déclaré à la mi-août que plusieurs emails parmi ceux analysés contenaient des informations classifiées, voire que certains étaient répertoriés « Top secret ». Des révélations gênantes pour une candidate à la présidence, mais pas autant que son attitude vis-à-vis de la commission, à qui elle a tardé pendant près de cinq mois à communiquer les disques durs et fichiers concernés, lesquels s’avérèrent en outre être incomplets, ravivant une méfiance jamais éteinte à l’égard d’une femme souvent perçue comme dissimulatrice et manipulatrice.
Conséquences à l’heure actuelle : une image ternie (mais dans quelles proportions ?), une enquête du FBI sur le dos, des républicains déchaînés, et une affaire appelée à rester visible au moins jusqu’en janvier, lorsque le département d’État aura fini de publier tous les emails concernés. Pas vraiment l’idéal pour une campagne, qui plus est quand elle est poussive à l’allumage.
L’absente : Elizabeth Warren
Née à Oklahoma City en 1949 (66 ans en 2015) et professeur de droit pendant vingt ans à l’université d’Harvard, Elizabeth Warren est révélée au grand public lors de la crise de 2008 lorsqu’elle prend la présidence du conseil de surveillance du TARP (Troubled Assets Relief Program, un plan de soutien gouvernemental au secteur financier). Également « Assistante du Président » Obama et conseillère spéciale au « Bureau de la Protection financière des consommateurs », elle est élue sénatrice du Massachusetts en 2013.
Personnalité neuve dans le paysage politique américain, Elizabeth Warren est une figure en vue de la gauche du parti et est connue pour ses positions en faveur d’Occupy Wall Street. Divers observateurs ont régulièrement avancé son nom pour la course à la présidence 2016, mais elle-même a démenti de telles intentions. Son soutien est activement recherché par les candidats en présence.
Le mystère : Joe Biden
Né à Scranton (Pennsylvanie) en 1942 (73 ans en 2015), Joe Biden a été sénateur du Delaware de 1973 à 2008. Candidat à l’investiture démocrate en 1988 et en 2008, il est le vice-président de Barack Obama depuis 2009.
Depuis le début de sa seconde vice-présidence, Joe Biden a à plusieurs reprises exprimé son intention de se présenter à la course à la Maison Blanche 2016. La mort récente (31 mai 2015) de son fils Beau des suites d’un cancer du cerveau l’a toutefois profondément marqué et conduit à rester en retrait de la campagne. Les spéculations sur un changement de position de sa part n’en continuent pas moins de circuler, surtout au vu de l’érosion subie par Hillary Clinton dans les sondages.
Dans un tout autre registre, l’homme est réputé pour ses « gaffes » (le plus souvent des propos maladroits, ou prononcés dans des circonstances inappropriées), lesquelles sont devenues constitutives de son image de marque.
L’outsider : Bernie Sanders
Né à Brooklyn en 1941 (74 ans en 2015), Bernie Sanders est membre de la Chambre des représentants de 1991 à 2007, année où il devient sénateur du Vermont. Élu au Congrès en tant que candidat indépendant (il a été le premier à l’être depuis 1950), il est administrativement rattaché aux démocrates du Sénat et a adhéré au parti en 2015 afin de pouvoir concourir à la primaire, dont il est la surprise du moment.
Sa visibilité s’est en effet fortement accrue ces derniers mois et, s’il reste loin sa rivale au niveau national, les sondages le placent désormais devant Clinton en Iowa et dans le New Hampshire. Incarnant les aspirations de l’aile gauche du parti, il se revendique « socialiste » et défend entre autres l’instauration d’un salaire minimum, la généralisation des congés maladies et la régularisation des immigrés clandestins. L’homme a le vent en poupe. Assez pour durer et réellement menacer Clinton ?
Ceux qui sont candidats mais que les sondages créditent de faibles intentions de vote
Lincoln Chafee – né à Providence en 1953 (62 ans en 2015)
Sénateur de Rhode Island de 1999 à 2007, puis gouverneur de Rhode Island de 2011 à 2015
Républicain de 1999 à 2007, indépendant de 2007 à 2013, démocrate depuis 2013
Slogan : Fresh Ideas for America
Martin O’Malley – né à Washington DC en 1963 (52 ans en 2015)
Maire de Baltimore de 1999 à 2007, puis gouverneur du Maryland de 2007 à 2015
Slogan : Rebuild the American Dream
Jim Webb – né à St Joseph (Missouri) en 1946 (69 ans en 2015)
Sénateur de Virginie de 2007 à 2013
Secrétaire de la Navy de 1987 à 1988 (sous Reagan)
Slogan : Leadership you can trust
Ceux qui sont candidats mais n’apparaissent pas dans les sondages
Jeff Boss – né à New York City en 1963 (52 ans en 2015)
Théoricien du complot – soutien que la NSA est responsable du 11 septembre
Candidat indépendant à la présidence en 2008 et 2012
Harry Braun – né à Compton (Californie) en 1948 (67 ans en 2015)
Consultant en énergie
Candidat indépendant à la présidence en 2004 et 2012
Né à Rapid City (Dakota du Sud) en 1961 (54 ans en 2015) et professeur de droit à Harvard, Lawrence Lessig centre sa campagne sur la réforme du système électoral (financement et découpage des circonscriptions). Il a annoncé que, si élu, il n’accomplirait pas un mandat plein, mais céderait la place à son vice-président sitôt mise en place la réforme du système électoral qu’il préconise
Slogans : Help Make Democracy Possible et Fixing Democracy Can’t Wait
Robby Wells – né à Bartow (Géorgie) en 1968 (47 ans en 2015)
Ancien joueur et entraîneur de football américain
Tenta d’être candidat en 2012 sous l’égide du Constitution Party
Willie Wilson – né à Midkiff (Virginie occidentale) en 1948 (67 ans en 2015)
Businessman de Chicago actif dans l’équipement médical
A géré plusieurs McDonald’s
Ceux à la candidature improbable mais dont le nom est parfois évoqué
Vice-président lors des mandats de Bill Clinton et candidat malheureux à la rocambolesque élection de 2000, Al Gore est parfois mentionné comme susceptible de retenter sa chance. Un tel scénario semble toutefois très hypothétique. A peine moins l’est celui évoquant une candidature de Michael Bloomberg, fondateur de la société d’informations financières qui porte son nom et maire de New York de 2002 à 2014.
Intentions de vote
Source : sondages de divers instituts (NBC/Marist, CBS/YouGov, Monmouth, PPP, CNN/ORC …) compilés par le site realclearpolitics.com
Dans l’emblématique et toujours très observé Iowa (premier État à ouvrir le bal des primaires), les intentions en faveur de Bernie Sanders se sont brutalement accélérées début de septembre, au point de le voir rejoindre puis dépasser Clinton.Début août, Sanders était déjà passé devant sa rivale dans le New Hampshire, un État proche de son fief du Vermont et considéré comme sociologiquement bien disposé à son égard, ce qui avait amener les observateurs à relativiser cette performance. La prise de leadership dans l’Iowa (toute symbolique qu’elle soit) change la donne et accrédite la thèse d’une dynamique que le candidat de 74 ans est occupé à susciter autour de sa personne.Au niveau national en revanche, l’avantage reste toujours largement en faveur de Clinton, à un niveau toutefois inférieur à ce qu’elle obtenait en juillet et août (même si une dynamique de remontée de sa part est observée). Sans être candidat déclaré, Joe Biden se situe aux alentours de 20%, tandis qu’O’Malley, Webb et Chafee restent à des niveaux marginaux. En cas d’affrontement Clinton-Trump (ce dernier menant actuellement le bal dans les sondages pour l’investiture républicaine, même si un succès final de sa part semble improbable), le net écart de juillet s’est très nettement resserré, Trump étant même pointé en tête par un institut (Survey USA). Peu de conclusions à tirer évidemment à cet instant, même si Clinton aurait intérêt à ne pas voir cette tendance se maintenir, au risque de la fragiliser un peu plus au sein de son parti.
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