Le début de la semaine est marquée par l’accélération judiciaire du Penelopegate : François Fillon et son épouse Penelope sont entendus par des policiers de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières (OCLCIFF) le lundi 30, avant que ne le soit le mercredi 1er février Marc Joulaud, le suppléant de 2002 à 2007 à l’Assemblée nationale de Fillon. En outre, une perquisition a lieu à l’Assemblée nationale le mardi 31, dans le but de mettre la main sur les contrats de travail de Penelope Fillon que celle-ci a été incapable de fournir (une autre perquisition avait déjà eu lieu la semaine précédente à la Revue des Deux mondes, dont le propriétaire Marc Ladreit de Lacharrière a depuis lui aussi été entendu par la police).
Bilan de ces événements : d’un côté un François Fillon qui se félicite d’avoir pu être entendu rapidement comme il le souhaitait ; de l’autre, divers éléments ne plaidant pas vraiment en sa faveur, comme le fait que son épouse n’ait jamais eu de badge ni d’adresse email de l’Assemblée, même si, expliquent ses soutiens, cela se justifie parce qu’elle exerçait son travail depuis la Sarthe … D’autres révélations viennent en outre alourdir la barque : ainsi le Canard enchaîné révèle cette semaine que les sommes totales reçues par Penelope Fillon s’élèvent en fait à 900 000 euros (et non plus 600 000) et que, contrairement à ce que son mari a affirmé précédemment, il ne l’a pas embauchée à partir de 1997, mais l’avait déjà fait entre 1988 et 1990. Le palmipède dévoile également les montants reçus (environ 84 000 euros) par les enfants du couple pour des travaux effectués pour le compte du sénateur François Fillon alors qu’ils n’étaient encore qu’étudiants. Autre affirmation du Canard : Penelope Fillon, lorsqu’elle assistait Marc Joulaud, touchait 10 000 euros/mois, c.-à-d. plus que le député lui-même et plus que le maximum autorisé. Enfin, le volatile conclut en annonçant que le candidat des Républicains a opportunément cessé de faire travailler sa famille fin 2013, un mois avant l’entrée en vigueur de la loi sur la transparence qui l’obligeait à dévoiler le nom de ses attachés parlementaires …
De son côté, Mediapart y va aussi de sa contribution en affirmant que le propriétaire de La Revue des Deux mondes Marc Ladreit de la Charrière aurait, entre 2015 et 2016, employé fictivement une membre de l’équipe de campagne de François Fillon via sa Fondation culture et diversité. C’est ensuite au tour des activités de la société de consultance de François Fillon 2F Conseil (fondée en 2012, douze jours avec que l’intéressé ne redevienne député et donc ne tombe sous le coup de la loi interdisant les parlementaire de créer de telles sociétés) d’être la cible de questions, plusieurs médias s’interrogeant sur ses contrats et ses clients, et soupçonnant des risques de conflits d’intérêt pour le parlementaire François Fillon.
Le coup potentiellement le plus dévastateur était toutefois encore à venir. Il tombe le jeudi 2 février au cours de l’émission Envoyé spécial sur France 2, où est diffusé un extrait d’interview accordée en 2007 au Daily Telegraph par Penelope Fillon, laquelle déclare : « Je n’ai jamais été son assistante ou quoi que ce soit de ce genre » …
Face à ce déferlement, François Fillon se déclare « serein », fait « confiance à la justice », dénonce « une opération de calomnie d’une ampleur professionnelle jamais vue » et parle « d’un coup d’État institutionnel venu de la gauche », ce dernier élément de langage soulignant au passage la volonté de nier la possibilité que le candidat des Républicains soit victime d’un traître au sein de sa propre famille politique (Rachida Dati par exemple, dont le nom est l’objet de force rumeurs, ou alors des sarkozystes). Dans sa ligne de mire, un seul coupable possible : le gouvernement actuel, ou alors plus précisément Bercy, où œuvrait jusqu’en août dernier Emmanuel Macron.
En pratique cependant, la panique règne à droite, et des voix dissonantes se font de plus en plus entendre. Si officiellement Alain Juppé affirme ne pas vouloir être un plan B, le sénateur Alain Houpert (soutien de … Juppé) déclare qu’il faut « avoir la dignité de changer de candidat », rejoignant en cela le député Georges Fenech (réputé pro-Sarkozy), pour qui le résultat de la primaire est aujourd’hui « caduc ». La pression se fait donc de plus en plus forte sur François Fillon, lequel ne veut rien entendre, répète qu’il sera candidat, et demande aux parlementaires Les Républicains de tenir ferme pendant quinze jours, le temps qu’il puisse prouver son innocence.
Le reste de la semaine
Actualité non-présidentielle : attaque terroriste à la machette contre des militaires en faction au musée du Louvre. L’assaillant est blessé par balles. Pas d’autres victimes.
Benoît Hamon a commencé un travail que même Héraclès aurait refusé : unifier la gauche. Hors PS, cela se traduit par des appels envers Yannick Jadot (EELV) et Jean-Luc Mélenchon pour se rencontrer et construire une majorité gouvernementale. La proposition est plutôt accueillie positivement par Yannick Jadot qui aurait des difficultés à recueillir des fonds et des parrainages, et serait en outre poussé par des écolos style Cécile Duflot intéressés par un accord en vue des législatives. Condition sine qua non brandie par Jadot : « s’émanciper d’un PS qui n’a jamais fait sa conversion écologique » et refuser tout compromis avec Valls.
Du côté de Jean-Luc Mélenchon, l’appel à une réunion des forces a d’abord été reçu avec fraîcheur, sans que cela soit une véritable surprise. Sa position s’arrondit toutefois au fil de la semaine, le leader de France insoumise se disant prêt à travailler avec Hamon à condition qu’il « fasse le ménage » et écarte franchement ceux qui ont activement contribué au quinquennat de François Hollande.
C’est cependant au sein du PS que la partie est pour l’instant la plus ardue pour la vainqueur de la primaire. Déjà plusieurs députés ou édiles (Alain Calmette, Marc Goua, Maurice Vincent, Jean-Louis Gagnaire, Mao Péninou) ont franchi le pas et rejoint Emmanuel Macron. D’autres sont près de le faire (Frédéric Cuvillier, Dominique Baert, Francis Chouat, François Loncle) ou ont annoncé qu’ils n’ont pas l’intention de voter Hamon (René Dosière). Une troisième fournée (une quinzaine de députés, emmené par Christophe Caresche et Gilles Savary) invoque un droit de retrait de la campagne. Enfin, il y a les ministres de l’actuel gouvernement, le Premier (Bernard Cazeneuve) en tête, qui a rencontré Hamon lundi 3 et lui a affirmé que la gauche ne réussira pas à gagner sans assumer le bilan du quinquennat. D’autres ministres (Marisol Touraine, Michel Sapin, Jean-Marie Le Guen) lui ont emboîté le pas, certains (Le Guen) laissant ouverte la possibilité de rejoindre Macron. Réaction des hamonistes : ceux qui agiront de la sorte ne recevront pas l’investiture du parti pour les législatives.
Quid de Valls ? Le candidat défait à la primaire s’est mis en retrait mais aurait apparemment demander à ses fidèles de ne pas faire de vagues et de demeurer pour l’instant au PS pour ne pas davantage le déstabiliser. Deux de ses lieutenants ont par ailleurs été dépêchés au meeting du dimanche 5 février à la Mutualité, où Benoît Hamon a été officiellement adoubé candidat de la Belle Alliance populaire. Parmi les absents (outre Valls) : Hollande, Cazeneuve et Aubry (cette dernière est en convalescence après une opération au dos). Parmi les présents : Peillon, Montebourg, Filippetti, Hidalgo et Taubira.
Du côté d’Emmanuel Macron (à qui la mauvaise passe de Fillon et le succès de Hamon sur Valls ouvrent une chance de plus en plus grande d’accéder au second tour), la semaine a été marquée par une mise en perspective des orientations de son programme. Celui-ci (ou plutôt son flou, pour ne pas dire son absence) constitue l’un des angles d’attaque préférés de ses adversaires, et le leader d’En Marche ! fait activer ses équipes afin de pouvoir l’officialiser fin février ou début mars. Entre-temps il s’est prêté à une longue interview mercredi 1er février sur France Inter afin de dévoiler quelques-unes de ses intentions économiques, parmi lesquelles : transformer le RSA et le smic afin d’accroître l’incitation à prendre un emploi ; étendre le CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) aux petites entreprises, indépendants et entreprises de l’économie sociale et solidaire ; supprimer la totalité des charges au niveau du smic ; réformer l’ISF (impôt sur la fortune) en supprimant la part concernant la détention d’entreprise ou d’actions pour se focaliser sur la rente immobilière ; etc. Bref des intentions plutôt libérales, dans la lignée de son action au gouvernement.
Dans un autre registre, Macron a précisé les critères qui seront pris en compte pour investir les 577 candidats d’En Marche ! aux législatives : renouvellement (au moins 50% de candidats nouveaux, issus de la société civile et de la vie active) ; pluralisme politique (centristes, socialistes, radicaux, écolos, républicains) ; parité homme/femme ; absence de casier judiciaire ; engagement à voter les grands axes du programme (pour éviter un syndrome « frondeurs »).
Concernant le rassemblement qu’il compte opérer, Emmanuel Macron s’est félicité du ralliements de personnalités de centre ou de droite tels Anne-Marie Idrac (ancienne secrétaire d’Alain Juppé et François Fillon) et Jérôme Grand d’Esnon (ex-directeur de campagne de Bruno Le Maire), qui, espère-t-il, permettront de contre-balancer le sentiment que pourrait laisser l’allégeance prêtée par plusieurs membres du PS qui n’entendent pas œuvrer avec Hamon mais risquent de donner d’En Marche ! l’image d’un parti socialiste-bis dans la continuité du quinquennat de Hollande. Pour échapper à ce piège qu’il veut absolument éviter, Macron devra toutefois recruter des personnalités de centre-droit plus en vue que celles déjà attirées, ce qui explique son appel mercredi soir sur TF1 à François Bayrou pour qu’il le rejoigne. Au passage, une évolution sémantique notable est à noter : alors qu’il se présentait jusqu’ici comme « ni droite ni gauche », le voilà qui s’affirme désormais comme « de droite et de gauche ».
Mais le temps le plus fort de sa semaine, c’est samedi à Lyon, devant 10 000 personnes, que Macron l’a connu. L’homme a effectué une démonstration de force visant à exhiber la ferveur des foules qui l’encouragent et veulent voir triompher le progressisme dont il se revendique. S’il n’a pas énoncé de nouvelles propositions concernant son programme, il s’est en revanche attaqué au revenu universel de Benoît Hamon, ainsi que sur certains de ses propos liés à la laïcité (cf. la question de l’exclusion des femmes dans certains cafés de Seine-Saint-Denis). Concernant Fillon (dont il n’a pas cité le nom), Macron a évoqué la « lèpre démocratique » de la défiance qui s’installe dans le pays à cause d’un système politique dont les usages affaiblissent la démocratie. Enfin, il a également pris à partie Marine Le Pen, laquelle était aussi à Lyon ce même week-end.
Marine Le Pen, donc. Elle a présenté a Lyon ses 144 engagements en vue de la présidentielle, lesquelles consistent à la fois en des grandes lignes directrices et en des mesures précises. Ainsi, sur le plan économique, le « rétablissement d’une monnaie nationale » est cité sans entrer dans les détails, tandis que le soutien aux PME est développé sur plusieurs points.
Côté Constitution, Marine Le Pen entend mener une grande réforme qui sera soumise à référendum. La « priorité nationale », la suppression des régions et la réduction du nombre de parlementaires en feront partie. Une absence remarquée : le retour de la peine de mort, option présente dans le programme de 2012 mais pas cette année, au contraire de la « perpétuité réelle ».
Lors de son discours de dimanche, la cheffe du FN a remis l’accent sur les questions migratoires et culturelles, déclarant notamment : « Quand on aspire à s’installer dans un pays, on ne commence pas par violer ses lois, on ne commence pas par réclamer des droit ».
L’Europe a également été dans sa ligne de mire, une Europe avec laquelle le bras de fer continue concernant les 300 000 euros que le Parlement lui demande de rembourser (cf. semaine précédente). Marine Le Pen maintient son refus de rendre ces sommes, qui devaient être reversées pour le 31 janvier au plus tard. En réaction, le Parlement a évoqué la possibilité d’effectuer des retenues sur le salaire de la députée à partir de février.
Outre les spéculations sur une possible alliance des forces de gauche avec Hamon et Jadot (cf. supra), la semaine de Jean-Luc Mélenchon a été marquée par son utilisation du terme « dégagisme » pour qualifier la défaite de Manuel Valls. « Valls valse : encore une victoire du dégagisme » a-t-il ainsi intitulé une tribune commentant le résultat de la primaire socialiste. Le néologisme était apparu en 2011 lors de la révolution de jasmin en Tunisie contre Ben Ali, et Jean-Luc Mélenchon le reprend pour qualifier les défaites politiques de ceux qui ont occupé le pouvoir en France ces dernières années.
Point d’orgue de la semaine du leader la France insoumise : les deux meetings tenus dimanche en simultané à Lyon et … Aubervilliers. Physiquement présent dans la ville des canuts, Mélenchon s’est dédoublé grâce à la technique de l’hologramme pour être également visible dans une salle à Paris. L’événement avait été annoncé depuis plusieurs semaines, avec force publicité. Les organisateurs ont évoqué un succès de foule, parlant de 12 000 personnes à Lyon et 6 000 à Aubervilliers. Concernant le contenu du discours, Mélenchon a focalisé ses attaques sur Emmanuel Macron et exposé sa vision des « nouvelles frontières de l’humanité » (sur l’éducation, sur la culture …).
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