Photo tirée du compte Twitter de François Fillon - Février 2017Alain JuppéFrançois Fillon a gagné son quitte ou double. Quelle qu’ait été l’affluence réelle au Trocadéro (cf. compte-rendu de la semaine passée), la mobilisation des partisans du candidat LR est apparue suffisante pour le maintenir en selle et lui permet au soir du dimanche 5 mars de réaffirmer sa volonté inébranlable de demeurer candidat.

Pendant ce temps, en coulisses, les tractations entre Nicolas Sarkozy et Alain Juppé pour mettre sur pied un plan B patinent, l’ex-Président demandant en échange de son soutien que l’ancien Premier ministre droitise le programme avec lequel il ferait campagne et prenne dans son équipe plusieurs de ses poulains. Au vu de la situation (entêtement de Fillon, succès du Trocadéro, marchandage de Sarkozy), le maire de Bordeaux annonce une conférence de presse pour lundi matin et y déclare : « Il est trop tard (…) une bonne fois pour toute, je ne serai pas candidat ». Pour justifier sa décision, il explique ne pas être en mesure d’effectuer le rassemblement nécessaire et préfère dès lors renoncer à être un recours. Il souligne également avoir pris note de la volonté de renouvellement exprimée par les Français, ainsi que leur exigence d’exemplarité, une exigence qu’il ne peut incarner pleinement du fait de sa condamnation passée dans l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris. Concernant François Fillon, il regrette son obstination ainsi que son système de défense mettant en avant un « prétendu complot ».

 

François Baroin en 2012Juppé définitivement out, le bureau politique LR prévu pour lundi soir devient une formalité pour Fillon, lequel a alors beau jeu d’appeler au rassemblement. Parmi ses premières tâches : reconstituer une équipe décimée par les défections. Tout profit pour les sarkozystes qui lui sont restés fidèles, au rang desquels le maire de Troyes François Baroin, désormais en charge du « rassemblement politique » et que les rumeurs présentent comme « en ticket » avec Fillon, c.-à-d. promis pour le poste de Premier ministre si Fillon gagne l’élection. Ce qui est très incertain. Car si Fillon a réussi à survivre à la tempête parfaite qu’il vient d’affronter, les dégâts qu’il a subis n’en sont pas moins considérables (ses sondages ont dégringolé à 17-19%) et l’affaire à la base de ses déboires est loin d’être terminée. Ainsi non seulement va-t-il devoir gérer la probable officialisation d’une mise en examen la semaine prochaine, mais en outre doit-il s’attendre à ce que des répliques viennent régulièrement agiter sa campagne, telles celles survenues ces derniers jours :

  • d’abord la révélation du Canard enchaîné d’un prêt de 50 000 euros consenti par Marc Ladreit de Lacharrière (le propriétaire de la Revue des Deux mondes) que Fillon a omis de faire figurer dans sa déclaration de patrimoine
  • ensuite l’affirmation du JDD selon laquelle le candidat LR se serait vu offrir pour 48 500 euros de costumes en cinq ans de la part d’un ou plusieurs amis anonymes, ce qui n’a pas manqué de soulever de nouvelles questions concernant de possibles conflits d’intérêt.

Comme si cela ne suffisait pas, cerise sur le gâteau, la fin de semaine de Fillon est marquée par un dérapage sur le compte Twitter des Républicains, lequel diffuse un tweet représentant Macron affublé de traits caractéristiques des caricatures antisémites en vogue dans les années 1930. Évidemment : tollé immédiat. Dès lors le tweet est retiré dare-dare et François Fillon annonce des sanctions internes contre ceux à l’origine de ce dérapage.

Tweet LR caricatural sur Macron

Enfin pour en terminer avec la semaine de François Fillon, une dernière remarque pour signaler la volte-face de l’UDI qui, après avoir lâché le candidat LR juste avant le Trocadéro, a depuis fait machine arrière et renoncé à aller vers Macron au profit d’un accord électoral lui offrant un minimum de 96 circonscriptions pour les législatives.

 

Benoit Hamon en 2012La campagne de Benoît Hamon continue de ne pas décoller et d’être fragilisée par le schisme de plus en plus marqué au sein du PS. Cette semaine, c’est d’abord l’ex-maire de Paris Bertrand Delanoë qui a officialisé son soutien à Emmanuel Macron. Ensuite, c’est un projet de tribune dans laquelle ses auteurs veulent appeler à voter pour le candidat d’En Marche qui a fuité et contraint ses initiateurs Christophe Caresche et Gilles Savary à un rétropédalage qui n’a convaincu personne. Auparavant, le président du groupe PS à l’Assemblée nationale Claude Bartolone a déclaré au Monde avoir du mal à se reconnaître dans le projet de Hamon et ne pas avoir encore décidé pour qui il voterait au premier tour. Bref l’implosion lente du parti socialiste se poursuit, et ce n’est pas la rencontre entre le vainqueur de la primaire et le Premier ministre Bernard Cazeneuve (lequel a une nouvelle fois souligné le besoin pour Hamon de rassembler sa famille politique et de défendre le bilan du gouvernement) qui va atténuer ce sentiment.

Concernant la campagne de Hamon proprement dite, si celle-ci a été marquée par la proposition d’une Assemblée parlementaire européenne qui doit remplacer l’Eurogroupe et démocratiser la gouvernance de la zone euro. son moment le plus important fut le passage du candidat dans « L’Émission politique » sur France 2 jeudi soir. Au cours de ce passage télé (voir le compte-rendu complet), Hamon est notamment revenu sur son projet de revenu universel, dont il revoit à la baisse la première phase. Ainsi, alors que tous les jeunes de 18 à 25 ans étaient supposés bénéficier dès 2018 d’un revenu d’existence de 600 euros versé quel que soit leur niveau de ressources, la nouvelle mouture présentée par le socialiste ne s’appliquera plus dans son intégralité qu’aux jeunes sans ressources, ceux ayant des petits revenus devant se contenter d’une allocation moindre, voire … nulle s’ils gagnent plus d’un 1,9 smic. Raison de ces ajustements : réduire le coût estimé de cette mesure, lequel passerait ainsi de 45 à 35 milliards d’euros par an et la rendrait un peu plus présentable budgétairement parlant. Pas sûr toutefois que cela ne satisfasse ni ses détracteurs qui continueront à crier à la folie dépensière, ni ses partisans qui pourraient y voir une forme de renoncement …

 

Parrainages : après François Fillon la semaine passée, sept autres candidats passent le cap des 500 signatures d’élus : Emmanuel Macron (En Marche), Benoît Hamon (PS), Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République), Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière), Marine Le Pen (FN), Jean-Luc Mélenchon (France insoumise) et François Asselineau (Union populaire républicaine, UPR), ce qui, dans le chef de ce dernier, constitue une petite surprise. Pour d’autres, la lutte contre la montre continue, notamment Jacques Cheminade (Solidarité et Progrès), Philippe Poutou (NPA), Jean Lassalle, Rama Yade et d’autres encore.

 

Jean-Luc Mélenchon en 2009Comme mentionné plus haut, Jean-Luc Mélenchon a obtenu les cinq cents parrainages requis pour être formellement candidat à la présidentielle. L’affaire n’a pourtant pas été de tout repos, les élus du parti communiste se faisant tirer l’oreille pour apporter leur soutien. En cause, affirment les mélenchonistes : une demande du secrétaire du parti Pierre Laurent d’attendre le 13 mars pour le faire, cela afin d’exercer une certaine pression sur le candidat de La France insoumise en vue des législatives, le mouvement de Mélenchon prévoyant de présenter des candidats dans des circonscriptions pour l’heure détenues par … le PCF.

La semaine de Mélenchon a aussi été marquée par sa participation à une réunion de la gauche radicale européenne à Rome. Objectif : discuter la mise en oeuvre d’un « plan B » pour l’Europe si le « plan A » réclamé (la renégociation des traités pour une Union européenne plus sociale) ne fonctionnait pas, le plan B consistant alors à rendre la parole aux peuples pour qu’ils décident du maintien de leur pays dans l’UE ou pas.

 

Marine Le PenPas de psycho-drame cette année en ce qui concerne les parrainages de Marine Le Pen. Dans la famille, le sujet était pourtant devenu un marronnier, la cheffe du Front national (en 2012) et son père auparavant n’ayant jamais manqué de dénoncer les difficultés qu’ils avaient à récolter les signatures d’élus en raison d‘un système cherchant à les bâillonner. Cette année toutefois, rien de tel : les succès du FN aux élections locales de 2014 et 2015 assuraient en effet automatiquement à sa candidate une base substantielle de parrainages, de sorte qu’atteindre l’objectif requis a été cette fois accompli bien avant la date-butoir.

Rayon affaires, Marine Le Pen maintient le cap : elle a une nouvelle fois refusé de se rendre à la convocation adressée par un juge d’instruction désireux de l’entendre dans l’enquête sur la réalité du travail effectué par certains assistants parlementaires frontistes. Cela n’a pas empêché en parallèle l’assistant parlementaire de la députée FN Marie-Christine Boutonnet d’être lui bel et bien placé en examen. Marie-Christine Boutonnet, elle aussi convoquée, a en revanche adopté la même attitude que sa présidente de parti.

 

Emmanuel Macron 2016En meeting près de Bordeaux (terre d’Alain Juppé) jeudi, Emmanuel Macron a continué à lancer des signaux vers la droite et le centre afin que le rejoignent les déçus de Fillon. Pour l’heure, ce sont pourtant surtout des figures de gauche qui continuent à le rejoindre, avec, rien que cette semaine, l’ex-maire socialiste de Paris Bertrand Delanoë (« la France court un danger majeur. Peut-être que dans deux mois, l’idéologie et les méthodes de l’extrême droite gouverneront la France. Ça me hante. (…) Le vote efficace au premier tour, c’est Emmanuel Macron »), mais aussi … le membre du Front de Gauche Patrick Braouezec (ex-maire communiste de Saint-Denis) et l’ex-secrétaire général du PCF Robert Hue !

Dans un autre registre, la semaine de Macron a été marquée par la révélation de deux polémiques. La première portait un soupçon de conflit d’intérêts de la part d’un membre de l’équipe Santé du candidat, le médecin Jean-Jacques Mourad, lequel est lié au groupe Servier et est soupçonné d’influencer le programme de Macron dans une direction favorable au groupe pharmaceutique. Conséquence : Jean-Jacques Mourad a été prié de faire un pas de côté et a annoncé mettre un terme à ses activités avec En Marche.

Autre affaire, dévoilée par Le Canard enchaîné : un possible délit de favoritisme de la part de Macron lorsqu’il était ministre de l’Économie. L’affaire concerne une soirée-rencontre avec des entrepreneurs français lors d’un salon de l’électronique en janvier 2016 à Las Vegas. Problème : l’organisation de cette soirée aurait été faite à la va-vite et sans respecter les règles d’appels d’offres. La nouvelle fait un peu de vagues au moment de sa sortie mais ne dure pas, l’actuel ministre de l’Économie Michel Sapin volant au secours de l’intéressé en déclarant celui-ci hors-cause et en pointant la responsabilité du dysfonctionnement vers Business France, l’organisme de promotion des entreprises françaises à l’étranger. Pour l’heure, l’affaire ne va pas plus loin que cela, même si le Parquet national financier (PNF) entend obtenir davantage d’informations à son sujet.

 

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