Pour le résumé de l’avant-primaires démocrate, voir l’article : « Un match à une devenu match à deux »

 

De l’Iowa (1er février) à la veille du Super Tuesday (29 février) : un démarrage au coude-à-coude

 

Drapeau de l'IowaConfusion en Iowa : Clinton et Sanders sont quasi à égalité dans l’État qui ouvre le bal des primaires, 49,8% pour la première, 49,6% pour le second. Les scrutins ont été si serrés que des cas d’égalité départagés à pile ou face ont été répertoriés dans plusieurs districts. Quant à Martin O’Malley, il ne récolte que 0,6% et annonce la suspension de sa campagne.

Quel bilan tirer de la soirée ? Clinton n’a pas frappé un grand coup mais elle n’a pas perdu, ce qui était essentiel pour elle afin de ne pas être pénalisée d’emblée par une défaite comme elle l’avait été en 2008. Sanders, lui, n’a pas gagné, mais il a montré être capable de convertir en votes réelles la dynamique qui lui était prêtée, renforçant ainsi la crédibilité des intentions de votes qui le donnent net vainqueur dans le New Hampshire. Cette prévision va d’ailleurs se vérifier : victoire par 61% pour le sénateur du Vermont, qui, dans la foulée, ne s’incline que par un petit écart dans le Nevada, un État où l’importance du vote latino aurait a priori dû le défavoriser. Est-ce là le signe que son discours commence à porter au-delà de ses partisans de la première heure (essentiellement blancs) et à se faire entendre parmi les communautés hispanique et surtout afro-américaine, clefs pour la suite des primaires ?

L’élection qui suit en Caroline du Sud apporte un premier élément de réponse : victoire de Clinton avec 73,5%. Le vote noir ne l’a pas lâchée. Voilà qui est d’excellente augure pour elle en prévision du Super Tuesday du 1er mars, la majorité des scrutins se déroulant ce jour-là dans des États du Deep South dont le profil socio-économique est semblable à celui de la Caroline du Sud. Pour Sanders en revanche, cette journée s’annonce comme celle de tous les dangers.

 

D’un Super Tuesday (1er mars) à l’autre (15 mars) : Clinton fait le break

 

Huit sur douze ! Clinton domine le premier Super Tuesday et fait un grand pas vers l’investiture. Comme prévu elle a écrasé Sanders dans les six États en lice dans le Deep South (Alabama, Arkansas, Géorgie, Tennessee, Texas, Virginie), tous remportés avec plus de 60% des voix. Mieux : au terme d’un décompte serré (50% vs. 49%), elle s’impose également dans le Massachusetts. Si cette dernière victoire a un impact limité en termes de délégués (leur allocation se faisant, comme pour tous les scrutins démocrates, à la proportionnelle, quelques pourcents en plus ou en moins ne changent pas la tendance générale), sa portée n’en est pas moins importante car elle prive Sanders d’un succès dans un État majeur qui lui aurait permis d’embellir le bilan d’une journée difficile.

En effet, pour espérer emporter l’investiture, ou à tout le moins peser le plus possible sur la primaire et influencer les orientations programmatiques que prendra le parti, Sanders doit gagner partout où il est en mesure de le faire et ne pas subir de défaites trop grandes là où Clinton est a priori imbattable. Dans les deux cas, le Super Tuesday lui laisse un goût amer. Certes peut-il se féliciter d’avoir gagné quatre États, par des beaux scores qui plus est, mais leur impact en termes de délégués est faible (Oklahoma, Vermont) ou au mieux modéré (Minnesota, Colorado), et tous les gains qu’il y obtient sont largement effacés par ceux obtenus par Clinton dans le seul Texas, sans même prendre en compte ses autres victoires. Bref, au soir du premier Super Tuesday, l’écart entre les deux rivaux s’est sensiblement accru, et les rêves de Sanders et de ses fans deviennent de plus en plus ténus.

Mais le sénateur du Vermont n’est pas homme à renoncer. Sa campagne l’a déjà emmené là où bien peu l’aurait imaginé voici un an, et il entend bien ne pas s’arrêter en si bon chemin. Les scrutins du week-end suivant le confortent dans sa volonté : trois États gagnés sur quatre (Kansas, Nebraska et Maine, Clinton l’emportant quant à elle en Louisiane), pour un bilan comptable certes maigrelet (l’écart entre les deux candidats ne se réduit que de trois délégués), mais qui démontre que ses troupes ne sont pas démobilisées.

Mieux : après un débat convainquant à Flint (une ville frappée par un scandale de pollution d’eau touchant principalement les classes défavorisées), Sanders remporte le Michigan (49,9% vs. 48,2%). « One of the greatest upsets in modern political history » déclare un observateur en vue. Le discours de Sanders sur les effets dévastateurs des traités de libre-échange en matière d’emplois a porté et l’a remis en selle avant le second Super Tuesday qui, espère-t-il, permettra de davantage encore mettre sa rivale sous pression et de crédibiliser sa remise en cause du système des super-délégués (massivement acquis à Clinton), qu’il juge anti-démocratique et ne lui laisse quasi aucune chance de victoire finale.

Hélas pour le sénateur du Vermont et ses partisans, c’est à nouveau une douche froide qui les attend : Clinton réussit le Grand Chelem parfait, avec cinq États gagnés sur cinq. C’était attendu en Floride (victoire avec 64%) et en Caroline du Nord (55%), moins en Ohio où Sanders tablait sur un remake du Michigan. Le verdict y est toutefois sans appel : 56,5%. Les deux derniers États en lice ont été beaucoup plus indécis, mais, une fois de plus, comme en Iowa, comme au Nevada, comme au Massachusetts, c’est Clinton qui passe devant (50,5% vs. 48,7% en Illinois, et 49,6% vs. 49,4% au Missouri). Désormais, elle est sur la voie royale vers l’investiture, et son discours d’après-scrutin est déjà tourné vers novembre, avec Donald Trump dans sa ligne de mire. Pour Sanders en revanche, c’est la fin des illusions : l’écart dans les États du sud continue d’être énorme et tous les scrutins serrés ont à nouveau basculé dans le camp adverse. Cette fois, son rêve de victoire s’est bel et bien envolé.

 

De la mi-mars à la mi-avril : huit à la suite pour Sanders, qui ne lâche rien

 

Photo de Bernie Sanders en tant que sénateur en 2007Pas question cependant d’arrêter : le sénateur du Vermont poursuit sa campagne et entend bien continuer à défendre ses idées. Et il fait bien. Les quatre semaines qui suivent sont en effet marquées par une incroyable série de victoires de sa part, avec pas moins de sept scrutins sur huit remportés, auxquels s’ajoute son succès chez les démocrates de l’étranger. Et pas des victoires au rabais, s’il vous plaît : la « moins nette » est acquise avec 56% des voix (Wyoming), plusieurs dépassent les 70% (Hawaï, Washington, Idaho, Utah) et une les 80% (Alaska). Au total, c’est une centaine de délégués que Sanders a repris en un mois à sa rivale.  

Du côté de Clinton, c’est la soupe à la grimace. Non pas que son chemin vers l’investiture soit en danger, non, l’écart entre les deux candidats demeure substantiel (200 délégués) et elle garde la situation bien en main. Mais la ténacité de Sanders, la manière dont il s’accroche et empoche les succès, contraignent Clinton à rester en campagne pour les primaires et l’empêchent de se proclamer championne incontestée de tous les démocrates. Pour l’amélioration de sa popularité, elle qui souffre d’une image généralement peu enthousiasmante parmi l’opinion publique, c’est un mauvais coup. Celle de Sanders en revanche explose, sa notoriété s’accroît, et il est permis de se demander si le résultat des scrutins dans le Deep South seraient toujours aussi nettement favorables à Clinton s’ils avaient lieu à ce moment.

Financièrement aussi, la situation de Sanders est au beau fixe, avec $44,5m récoltés au cours du dernier mois, contre $29,5m à sa rivale. Les petits dons affluent en quantité phénoménale et lui permettent de poursuivre sans souci sa campagne, obligeant ici aussi Clinton à puiser dans son trésor de guerre.

Dès lors, étant donné cette résistance opiniâtre qui refuse de cesser, la campagne se crispe et des coups se perdent. Ainsi Clinton reproche-t-elle à son rival de mener une campagne « négative » parce qu’il l’attaque sur ses relations avec Wall Street ou sur ses positions passées au sujet de la guerre en Iraq. Elle provoque également la fureur de Sanders en mettant doute sa capacité à présider le pays, le sénateur du Vermont répliquant alors par un tonitruant : « Êtes-vous qualifiée pour être la présidente de États-Unis lorsque vous recevez des millions de dollars de Wall Street, dont l’avidité, l’irresponsabilité et le comportement illégal ont contribué à détruire notre économie ? »

Dans un autre registre, des plaintes sur l’équité du processus commencent à se faire entendre, par exemple en Arizona, où la mauvaise organisation du scrutin conduit non seulement à d’interminables files d’attentes, mais aussi à déclarer invalides plusieurs milliers de bulletins, principalement ceux d’électeurs considérés comme indépendants (seuls ceux enregistrés comme démocrates pouvaient voter en Arizona), ce que beaucoup ont contredit et parlé de fichiers non-actualisés. Et si Sanders ne conteste finalement pas le résultat du vote en Arizona, la défiance de son camp à l’encontre du comité en charge de la primaire (le DNC) et de sa présidente Debbie Wasserman Schultz devient de plus en plus criante, avec des accusations de moins en moins voilée de favoritisme et partialité en faveur de Clinton.

La question des inscriptions aux élections refait également surface à l’approche de la primaire de New York. Pour participer à ce scrutin (lui aussi fermé), les électeurs indépendants devaient s’enregistrer comme démocrates … six mois auparavant. Bref, bon nombre de partisans de Sanders risquent de manquer à l’appel, et celui-ci ne se prive pas de critiquer la procédure utilisée.

 

De New York (19 avril) à Philadelphie (28 juillet) : Clinton intronisée

 

Le bon débat de Sanders à Brooklyn cinq jours avant le scrutin new-yorkais n’y change rien :  Clinton gagne haut la main, 58% vs. 42%, un succès principalement acquis grâce au vote des communautés noire et hispanique, Sanders gardant l’avantage chez les jeunes et les hommes blancs.

Logo de l'AcelaAvec cette victoire, Clinton enraye la spirale positive de son adversaire et, une semaine plus tard, elle enfonce le clou lors de la primaire dite de l’Acela (du nom du train à grande vitesse qui traverse les cinq États du Nord-Est à voter ce jour-là), avec quatre États remportés sur cinq. Sanders, lui, n’abdique pas. Mathématiquement les jeux ne sont pas faits, mais il faudrait que le sénateur du Vermont remporte 70% des délégués encore en jeu pour gagner le vote populaire, sans même parler du cas des super-délégués. Bref, une mission quasi-impossible. Sanders ne continue pas moins à y croire, tablant notamment sur un miracle en Californie lors de l’ultime journée des primaires, le 7 juin.

Entre-temps, le chassé-croisé se poursuite : Sanders gagne la Virginie occidentale et l’Oregon, Clinton réplique avec le Kentucky. Puis avec les Îles Vierges. Puis avec Puerto Rico. Et le 6 juin, veille de l’ultime rafale de scrutins (Californie, New Jersey, Dakota du Nord et du Sud, Nouveau-Mexique, Montana), l’agence de presse AP annonce que, selon son décompte, Clinton a suffisamment de délégués pour décrocher l’investiture. Les votes du lendemain confirment son succès : quatre États sur les six en jeu (dont le principal, la Californie) lui accordent leur préférence, Sanders ne terminant devant que dans deux d’entre eux.

Dans les chiffres, la victoire de Clinton est claire : elle a remporté le plus d’États (dont les plus importants), gagné le vote populaire avec 3,7 millions de voix d’avance et empoché un nombre largement supérieur de délégués par rapport à Sanders, même sans tenir compte des super-délégués. De ce point de vue, son investiture est plus nette que celle d’Obama en 2008.

 

Candidat # États gagnés Vote populaire # Délégués # Super-délégués # Total délégués
Clinton 34 16.8 millions 2 205 (54%) 570 (78%) 2 775 (59%)
Sanders 23 13.2 millions 1 846 (46%) 43 (7%) 1 889 (41%)
Total 57 30.0 millions 4 051 (100%) 713 ** 4 765 **

** Tous les super-délégués n’ont pas déclaré un candidat préféré.

 

Dans les esprits pourtant, c’est l’impression inverse qui prévaut : Clinton a galéré, Clinton a peiné. Son succès, elle le doit au vote des minorités afro-américaine (surtout) et hispanique, ainsi qu’à sa mainmise sur l’appareil du parti. Mais pour ce qui est de l’enthousiasme, de la ferveur, de la popularité et des idées progressistes, Sanders l’a éclipsée. Tel est le sentiment qui domine et qui ne paraît pas infondé, sauf sur un point peut-être, le rôle de la classe moyenne blanche, qui n’a pas été excessivement défavorable à Clinton, les plus de 45 ans en particulier, les jeunes ayant en revanche massivement préféré Sanders. Et maintenant, elle doit parvenir à les rallier, eux et tous les supporters de son adversaire, alors que plusieurs études d’opinion pointent sans ambiguïtés la méfiance qu’ils éprouvent à son égard.

De son côté, Sanders lui-même ne se presse guère pour reconnaître la victoire de sa rivale. S’il déclare vouloir barrer la route de la Maison Blanche à Trump, il entend également ne pas afficher trop vite son soutien à Clinton, cela afin de pouvoir négocier au mieux l’incorporation de plusieurs de ses idées dans le programme de la future candidate démocrate. Ainsi obtiendra-t-il gain de cause sur la gratuité de l’enseignement supérieur et l’élévation du salaire minimum à $15h/heure (Clinton voulait initialement se contenter de $12/heure). Il réclame également une refonte du processus des primaires, avec entre autres l’ouverture de tous les scrutins aux indépendants et la fin des super-délégués, sans que ces points ne soient complètement tranchés, ce qui ne l’empêche pas d’officialiser son soutien à Clinton le 12 juillet, lors d’un meeting commun dans le New Hampshire.

Les choses se mettent finalement en place pour Clinton, qui a aussi le plaisir de voir se tasser deux affaires qui lui empoisonnent l’existence : Benghazi et ses emails. Dans le premier cas, la commission du Congrès en charge de l’enquête sur les attentats a publié le 28 juin des conclusions ne dévoilant rien qui n’était déjà connu. Dans le second, le FBI recommande qu’aucune poursuite ne soit entamée à l’encontre de l’ex-Secrétaire d’État, ce que s’empresse de valider le Département de la Justice, à la fureur des républicains. Dans un autre genre, même les révélations sur les manœuvres anti-Sanders de la présidente de la DNC Debbie Wasserman Schultz (qui est contrainte de démissionner) ne troublent pas son intronisation lors de la convention de Philadelphie. Sur scène, contrairement aux républicains, les démocrates affichent leur unité et aucun ténor ne manque à l’appel. Elizabeth Warren, Bernie Sanders, Michelle Obama, Joe Biden, Michael Bloomberg, Barack Obama et d’autres encore : ils sont tous là, prononçant des discours positifs, emplis d’espoirs et adoubant sans réserve Hillary Clinton comme présidente.

 

Hillary Clinton_à la Convention de 2016 - Auteur : Ali Shaker/VOA - This media is in the public domain in the United States because it solely consists of material created and provided by Voice of America, the official external radio and TV broadcasting service of the U.S. federal government.

Hillary Clinton_à la Convention de 2016 (Photo : Ali Shaker/VOA)

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