3 août 2016 – S’il ne fallait retenir qu’un mot pour résumer les candidats au vu de la campagne des primaires, ce mot (ou cette expression) serait …
Pour les démocrates
Elle préférerait sans doute « pragmatic » pour l’optimisme raisonné et réaliste qu’elle met en avant, ou alors « continuity » pour bien insister que, avec elle, l’œuvre d’Obama sera poursuivie et embellie, mais non, Sanders a beau avoir perdu contre elle, n’empêche, ce sont ses critiques à lui sur ses rapports avec Wall Street qui ont le plus porté. Elle sera donc Hillary « Money » Clinton.
Face à une adversaire qui disposait de bien plus de moyens que les siens et bénéficiait du soutien quasi unanime de la part de l’establishment du parti, il n’a certes pas gagné la primaire mais n’en a pas moins imposé ses thèmes et réussit à mobiliser des cohortes de jeunes et d’hommes et de femmes voulant comme lui changer un système qu’ils estiment pourri : il est Bernie « Revolution » Sanders.
Pour les républicains
Il n’a de cesse d’afficher ses muscles et sa détermination ; il affirme que lui, il n’est pas là pour la gaudriole et que s’il n’est pas le gars avec qui voudriez aller boire verre, il est en revanche celui que vous voudriez pour vous ramener chez vous ; toujours prêt quelles que soit les circonstances à aller au combat (que ce soit pour raser la capitale de Daech ou mettre à bas l’Obamacare), il s’est fait une quantité innombrable d’ennemis, dont les plus virulents se trouvent peut-être au sein de son propre parti ; peu importe, everybody hates him but he doesn’t care : il est Ted « Battling » Cruz.
Il a un bilan à exhiber et il tient à le faire savoir ; dans son État adoré qu’il dirige comme gouverneur depuis tant d’années, il a tout bien fait, tout réussi, tout accompli ; ses résultats sont exceptionnels, les budgets sont équilibrés, l’économie sourit, et les démunis ne sont pas oubliés ; bref, même si beaucoup semblent l’ignorer, la contrée qui a l’honneur de l’avoir à sa tête est un paradis sur Terre : il est John « Moi en Ohio » Kasich.
Si le commentaire associé à Kasich s’applique mutatis mutandis au gouverneur du New Jersey, c’est toutefois une autre de ses caractéristiques qui a le plus retenu l’attention : ses rappels à l’ordre de ses camarades chaque fois qu’ils se perdent un peu trop en chamailleries qu’il juge indignes des débats. Et comme en plus son passé d’attorney général le conduit souvent à s’exprimer sur les questions judiciaires, il est inévitable qu’il soit Chris « Police » Christie.
Pour Trump, il fut « Little Marco » ; ses autres rivaux, eux, lui donnèrent simplement du « Marco », avec juste ce qu’il faut de condescendance dans la voix pour bien souligner son manque d’expérience ; lui-même a joué la carte de la jeunesse, parlant beaucoup du future, des nouvelles générations, des nouveaux défis ; laissons-lui le bénéfice du doute avec un neutre Marco « Young » Rubio, même si « puéril » aurait pu s’appliquer vu son attitude dans les 10e et 11e débats. Dans un autre genre, « inconstant » aurait pu être considéré, tellement en matière d’immigration il sembla avoir du mal à assumer ses positions passées.
Donald Trump l’a tué d’emblée avec une formule-choc qui a fait mouche : Jeb « Low Energy » Bush. Pour celui qui faisait figure de favori avant l’entrée en scène du milliardaire, le coup fut irrécupérable et il ne parvint jamais à décoller l’étiquette que le milliardaire lui avait collée de force. Ce ne fut pourtant pas faute d’essayer et, à plusieurs reprises, il força sa nature pour aller au combat, en vain : l’attaque avait été mortelle et les efforts de Jeb Bush n’y changèrent rien.
Promettant aux électeurs qu’elle serait « le pire cauchemar d’Hillary », elle est aussi apparue comme parmi les plus va-t-en-guerre concernant bon nombre de sujets, telles la Russie et la Chine (ce qui permit à Rand Paul d’ironiser sur le fait que les électeurs savaient désormais pour qui voter s’ils voulaient la Troisième Guerre Mondiale). Bref, le qualificatif de « faucon » convient parfaitement à Carly « Hawk » Fiorina.
Cultivant sa différence avec ses rivaux en refusant au maximum tout interventionnisme militaire, le sénateur du Kentucky s’est aussi distingué par son intransigeance envers le respect absolu que tout républicain bon teint se devrait d’avoir pour ce qui est des finances publiques. Avec lui, les dépenses militaires seront coupées, les programmes scolaires baissés, les déficits budgétaires comblés et les impôts coupés. Pour cette raison, il mérité le titre qu’il s’est auto-décerné de Rand « the only fiscal conservative » Paul.
Il pourrait être « extravagant » ou « iconoclast » si ces mots n’étaient trop faibles pour rendre son tempérament outrancier, grossier et brut de décoffrage ; il pourrait être « disgusting », « liar », « megalomaniac » ou « unfit for the job » (« répugnant », « menteur », « mégalomane » ou « inapte pour la fonction ») si ces termes n’occultaient le phénomène de masse incontestable qu’il a provoqué lors des primaires républicaines ; alors, on leur préférera Donald « I guarantee » Trump, parce que, en fait, il a été pendant la campagne ce qu’il a été toute sa vie: un vendeur, un vendeur prêt à tout pour conclure une vente, quitte à la jouer bonimenteur et promettre, juré/craché, que le produit qu’il vend (c.-à-d. lui) va tout changer, tout résoudre, tout améliorer. « Avec moi, je vous le dis, je vous le garantis : America great again … America safe again … America wealthy again ». Une campagne de slogans et rien que de slogans, une campagne de « salesman » caricatural, mais dont les promesses ont parlé à un nombre substantiel de gens, des gens qui ont cru à ce discours, ou peut-être pas, des gens, en tout cas, qui y ont entendu quelque chose qu’ils voulaient entendre. Ce qui est en général signe que le vendeur face à eux a bien compris l’accroche à utiliser pour séduire son auditoire.