Isolé aux confins nord-est de la Californie, le parc de Lava Beds compte deux principaux centres d’intérêt : ses cavernes, et le souvenir de la résistance opiniâtre qu’y livra une poignée d’Indiens.
A l’écart des plus célèbres attractions et grandes villes de l’État, Lava Beds s’atteint après une longue route monotone et peu vallonnée. Seule particularité notable du parcours : l’imposante silhouette au loin du Mont Shasta (4317m, possibilité d’ascension sur plusieurs jours) qui accompagne le voyageur pendant une partie de son périple, bien que sa vue soit cette fois amoindrie par une brume de chaleur provoquées par les incendies qui ravagent alors la région.
Le Mont Shasta passé, l’itinéraire qui traçait plein nord bifurque vers le nord-est jusqu’à la frontière avec l’Oregon, avant de repiquer brièvement au sud. Sur la droite, une falaise qui file en ligne droite. Sur la gauche, une étendue quasi plane : les terres gagnées sur l’autrefois vaste lac Tule, lequel a été drainé tout au long du XXe siècle pour permettre l’établissement de parcelles agricoles attribuées à des vétérans de guerre, et dont la superficie n’est plus aujourd’hui que 20% de ce qu’elle a autrefois été.
Enfin arrive l’entrée du parc. Lava Beds est situé sur le flanc d’un volcan dont la dernière éruption remonte au XIe siècle. Cette activité volcanique a façonné le paysage de curieuse façon, avec d’une part des coulées de lave noires et refroidies qui couvrent de vastes étendues du parc et lui donnent son nom, et d’autre part des « cônes de cendres », c.-à-d. des buttes de 100-150m de haut, formées par l’agglomération de débris causés par les éruptions
Si le sommet de ces buttes offre de jolis panoramas (en particulier celle de Schonchin, ascension raide mais courte d’un kilomètre, avec tour de guet à l’arrivée), c’est toutefois sous terre que se trouve la principale curiosité de Lava Beds, dans la vingtaine de grottes et cavernes (sur plus de 300) accessibles au public. Résultat elles aussi de l’activité volcanique du lieu, ces galeries creusées par la lave offrent toute sorte de possibilités aux amateurs de réseaux souterrains, des plus faciles (sol nivelé, plafond haut, éclairage artificiel, panonceaux explicatifs) à celles réservées aux plus expérimentés (casques, gants et lampes obligatoires, nécessité par endroits de ramper, etc.). Comme toujours, assister à l’une ou l’autre visite guidée organisée par des rangers offrira un supplément d’informations sympathique et enrichissant.
Sa renommée, Lava Beds la doit enfin et peut-être surtout à une autre particularité : celle d’abriter le théâtre de l’ultime résistance livrée par le peuple des Modocs contre l’armée américaine. Originaires de la région, les Indiens Modocs en avaient été déportés par traité en 1864, alors que les colons blancs s’installaient toujours davantage autour du lac Tule. Placés dans une réserve pas trop éloignée de l’Oregon, les Modocs, dépaysés et en conflit avec les autres tribus qui s’y trouvaient, ne s’y adaptèrent jamais et, en 1872, sous la conduite de leur chef Kintpuash (surnommé Captain Jack par les Blancs), ils revinrent s’installer dans la région qu’ils avaient autrefois été contraints de quitter.
Naturellement, des heurts ne tardèrent pas à éclater avec les colons qui réclamaient leur départ, et un régiment de cavalerie fut dépêché pour ramener les Modocs dans leur réserve. Mais au moment où le désarmement des Indiens avait lieu, des coups de feu furent échangés et des hommes tués, les Modocs prenant alors la fuite en direction de Lava Beds, plus précisément dans une zone caractérisée par un entrelac de rochers, crêtes et crevasses, dont l’ensemble constituait un refuge parfait où se replier.
C’est là, dans cet endroit passé à la postérité sous le nom de Captain Jack’s Stronghold (« La Forteresse du Captain Jack ») que, pendant cinq mois, la petite troupe des Modocs (150 individus, dont une cinquantaine de guerriers, et, pour le reste, des femmes, des enfants et des vieillards) va tenir tête à des forces armées qui compteront jusqu’à mille hommes. La lutte des Indiens connaîtra ses moments héroïques (dont un premier assaut de la « forteresse » brillamment repoussé, ainsi que, après la chute de celle-ci, la mise en déroute d’une avant-garde surprise dans une embuscade), mais aussi honteux, avec les assassinats d’un révérend et d’un général lors d’une rencontre entre négociateurs. Finalement, privés d’accès à l’eau potable et affaiblis par la faim et la fatigue, les Modocs jouèrent un dernier tour à leurs adversaires en parvenant à quitter en secret leur refuge et s’enfuir en petits groupes à travers Lava Beds où, après quelques accrochages et tués supplémentaires, ils finirent par être tous capturés. Ainsi leur histoire prit-elle fin, les survivants étant définitivement exilés loin de là en Oklahoma, tandis que leur chef Captain Jack était pendu. En leur mémoire, un parcours explicatif à travers la forteresse retrace leur aventure, tandis que plusieurs autres sites du parc évoquent le souvenir de campements et de combats liés à ces événements.
Autres particularités
- La région du lac Tule où se trouve Lava Beds est également notoire pour avoir abrité le plus grand des dix camps de concentration où, pendant la Seconde Guerre mondiale, des milliers de citoyens américains d’origine japonaise furent regroupés par crainte qu’ils ne forment une cinquième colonne. Le camp installé à Tule Lake a été classé monument historique en 2008.
- Autres curiosités de Lava Beds : la zone de refuge pour animaux qui permet d’observer de plus près la faune et la flore du lac, ainsi que la paroi d’un rocher où sont gravés des pétroglyphes indiens.
- Pour qui quitte le parc par la sortie sud, ne pas oublier de se munir de son chargeur de musique favori, à moins de vouloir absolument profiter du rock chrétien que les quelques radios locales captables semblent se faire un devoir de diffuser à profusion. L’occasion pour certains peut-être d’être touchés par la foi. Ou alors d’apprécier le son du silence.