Participation : basse (74,6%), près de 6 points inférieure à celle de 2012, et la deuxième plus mauvaise depuis l’instauration de la Ve République. L’abstention a donc été grande et confirme la volonté d’une partie de l’électorat de passer outre les appels à faire bloc contre Marine Le Pen au profit d’Emmanuel Macron.
Le candidat d’En Marche n’en remporte pas moins haut la main le scrutin avec près de deux tiers des suffrages (66,1%) contre un peu plus d’un tiers (33,9%) à son adversaire. A 39 ans, il devient le plus jeune président de France et gagne le pari incroyable qu’il a osé lancer il y a un peu plus d’an en créant son propre mouvement.
Pour Marine Le Pen, ce résultat est une claque. Son débat calamiteux de mercredi a pesé et elle échoue non seulement à dépasser les 40%, mais même ne serait-ce qu’à les approcher un peu. Avec cet échec, le Front national enregistre un gros coup d’arrêt dans sa progression électorale et peut craindre l’absence de toute dynamique positive pour les législatives. Il est en outre probable que la contestation qui sourd depuis quelques semaines en interne sur la façon avec laquelle la campagne a été conduite ne devienne plus virulente et mène à des mises au point musclées au sein du parti. Est-ce pour couper l’herbe sous le pied de ses possibles détracteurs que Marine Le Pen annonce sitôt sa défaite actée son intention de renommer le FN ? Quoi qu’il en soit, une remise en question du parti (ou à tout le moins de sa stratégie et de certains de ses dirigeants, dont Florian Philippot, particulièrement critiqués) s’annonce plus que vraisemblable.
De son côté, Emmanuel Macron remporte une belle victoire, son entre-deux-tours laborieux est, si pas oublié, du moins largement atténué, et il pourra se prévaloir d’un succès franc, ce que ne manque pas de faire d’emblée François Bayrou sur le plateau de France 2 en déclarant que le leader d’En Marche a réalisé ce à quoi Giscard avait rêvé en son temps, à savoir « rassembler deux Français sur trois ». Aussitôt cette remarque fait bondir les représentants de La France insoumise, qui rappelle le contexte du second tour, que l’abstention a été forte et qu’une partie substantielle des électeurs ont voté par devoir et non par adhésion.
Assez vite dans la soirée (vers 20h30), Emmanuel Macron prend la parole. Cette fois, pas de maladresse semblable à celle d’il y a deux semaines, lorsque lui avait été reproché d’avoir affiché un triomphalisme exagéré et malvenu. Aujourd’hui, pas de cela, l’homme a pris ses précautions et divisé ses déclarations en deux interventions distinctes. La première a lieu depuis son QG de campagne, où, à un pupitre, seul, sans foule autour de lui, ni cris ni applaudissements, il prononce un discours grave et empreint de solennité, dans lequel il passe en revue les défis nombreux qui doivent être relevés et parle de sa détermination à « apaiser les peurs, retrouver l’esprit de conquête et rassembler tous les hommes et toutes les femmes (…) ».
Ensuite, direction le Louvre et sa pyramide, devant laquelle la foule de ses partisans s’est rassemblée pour fêter la victoire. Ici, la gravité fait place à la joie et à la liesse, mais aussi et surtout à une mise en scène savamment orchestrée, avec un Macron qui, dans une posture très mitterrandienne, traverse, solitaire et d’un pas lent, la cour du musée au son de l’Ode à la Joie (l’hymne officiel de l’Union européenne) pour gagner la scène où il va prononcer son second discours de la soirée. Chez les commentateurs, le terme de « sacre » est évoqué, celui d’un homme qui, dès les premiers instants de son accession au pouvoir, enterre la « présidence normale » de son prédécesseur au profit d’un Chef d’Etat « jupitérien », un qualificatif qu’il a lui-même employé dès octobre 2016, et dont la connotation impériale, voire divine, souligne la manière avec laquelle il entend diriger la France pendant les cinq ans à venir, au moins.
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